The Murder of My Sweet – Bye Bye Lullaby

Parfois au moment d'écrire une chronique, l'auteur est en mesure de se retrouver dans un cas de figure qu'il ne supporte pas : le manque d'inspiration. Et c'est une situation plutôt frustrante, surtout quand des délais sont imposés, que tu dois écrire quelque chose sur l'objet du blocage, mais qu'en dépit des efforts les plus surhumains et d'une bonne cinquantaine de tentatives, rien à faire, ça ne vient pas. Pour ma part, c'est dans deux cas précis que ce mal me touche : soit quand un opus est tellement bon que c'est dur de dire à quel point tout en se modérant, ou à l'inverse c'est tellement mauvais qu'exprimer à quel point nos esgourdes ont été douloureusement touchées par le fléau qui fut imposé à nos oreilles devient un exercice très difficile.

Dans le cas du premier album du groupe suédois The Murder of My Sweet, c'était le second cas de figure qui se présentait. Car leur brûlot, Divanity, n'était pas franchement folichon, même s'il restait encore quelques morceaux pas mauvais du tout, mais ça ne suffisait pas pour sauver un ensemble morne, terne et fade. Et ces scandinaves étaient arrivés à se constituer un solide chiffre de vente, et une dévouée fan-base dans ce monde qui me désespère de plus en plus jour en jour. La facilité était donc une stratégie gagnante, malheureusement. Et c'est donc deux ans plus tard, période parfaite pour ne pas se faire oublier, qu'ils remettent ça avec un opus qui, visuellement, ne semble guère mieux. Bye Bye Lullaby et sa pochette répondant à tous les clichés, mettant encore une fois en avant la délicieuse Angelica Rylin. C'est peut-être mauvaise langue, mais soyons un peu objectif deux secondes : ça pue le coup marketing à deux balles, surtout quand on voit les qualificatifs affublés à cet étron. Mais parfois, les préjugés, ils ne sont pas de bonne compagnie, surtout que parfois, en une écoute la muraille solide qu'ils constituent est balayée par une bourrasque de vent massive. C'était le cas pour Huntress et leur excellent opus. Et puis, si ça se trouve, ils ont peut-être pris du recul, de la maturité, le temps est certainement passé par là. Une occasion de leur donner une nouvelle chance. L'introduction de cette chronique parlait, si vous suivez bien, de ce malaise du chroniqueur, et de mes deux cas. Bingo, The Murder of My Sweet est dans l'un des deux. Et devinez quoi ? C'est dans le second, une fois de plus.

Pourquoi changer une formule qui vend si bien, après tout ? Non, allez, on va même se remettre encore plus au goût du jour, histoire d'aller appâter une adolescente en manque de « sensations fortes », mais pas trop non plus, attention, il ne faudrait pas non plus effrayer sa maman. Une gentille rébellion, en gros. Donc, des ficelles déjà vues et revues dans une musique ultra-formatée et passablement gentillette, où la guitare, elle, se pose au second plan. Nous ne sommes pas loin des derniers efforts de Within Temptation, pour citer un exemple. Sauf que chez la formation néerlandaise, il y avait un petit quelque chose qui faisait que ça marche, et que c'était plutôt bien composé, alors qu'ici, ce n'est pas le cas. Et puis, chez les premiers cités, il y avait ce sens de la mélodie, du refrain catchy qui fait mouche, d'un aspect certes plus rock, voir pop très bien maîtrisé, et qui donnait une réelle crédibilité à la musique. Sauf qu'ici, on se retrouve dans une musique désespérément fade, se rapprochant de l'ennui le plus complet, l'aspect « teen metal » omniprésent étant parfaitement rebutant, sur un goût infect de réchauffé et des leçons qui apparemment ne servent à rien. Au diable la créativité, place à la facilité, donc évidemment, la guitare plus linéaire tu meurs se contentera d'être metal juste ce qu'il faut mais bien sûr bien écrasée, pour que la miss puisse avoir son espace d'expression. Et les aspects symphoniques, cinématographiques (car ils disaient faire du metal-cinéma dans le premier album) disséminés ici et là avant, eux, sont remplacés tout cela par des touches electro qui sonnent certes très moderne (tout comme la musique en général), mais qui renient définitivement l’appellation metal symphonique des suédois. Pensez plutôt à un rock/metal mélodique vaguement neo, Evanescence pas toujours bien loin, ça vous donnera une idée de ce à quoi vous devez vous attendre.

Nous sommes donc en compagnie plus que déplaisante. Et il est préférable d'être seul que mal accompagné, ainsi pendant que j'écris quelques lignes, profitez de ces instants pour jeter Bye Bye Lullaby dans votre corbeille, une place de choix. Bon élève des américains dont on parle dans le paragraphe au-dessus (inutile de faire répétition en reprenant le nom vous aurez tous compris), on ne peut pas directement parler de plagiat. Cependant, pompage d'idées est un concept qui apparaît comme étant plutôt approprié. Sauf que, comme c'est bien connu, il est meilleur de préférer l'original à la copie, et dans le cas présent, sur un plan objectif, le dicton est bien vrai. Dans le cas de The Murder of My Sweet, les bonnes idées et les bons moments sont beaucoup trop rares pour qu'il soit possible d'y prêter une quelconque attention. En plus de cela, on s'ennuie, car le tout est empêtré dans des longueurs pas possible. Il faut se rappeler que son compositeur et batteur, Daniel Florès, provient d'un groupe de metal progressif, Mind's Eye, au passage plutôt de qualité. Ici, on peut au moins lui reconnaître un réel talent pour composer des pistes calibrées, destinées à un passage radiophonique sans problème, mais dénuées d'une âme et d'un souffle. Rien n'est réellement prenant, et les refrains, eux, ne sont pas percutants du tout. S'ils étaient au service d'une ambiance, ça passerait, mais l'atmosphère, elle, est inexistante. Et quand les bonnes idées arrivent, et qu'on croit finalement à un bon titre, c'est ce refrain qui vient justement broyer toutes les promesses d'une poignée cruelle et impitoyable. Deux cas particulièrement flagrant : « Resurrection », aux couplets inspirés et qui, pour une fois, n'échoue pas dans son essai de proposer une piste plus sombre qu'à l'accoutumée, avec une introduction sachant nous placer dans l'effet voulu, et des lignes de chant bien maîtrisées. Et paf, refrain mièvre et à fort taux de platitude, qui ruine tous les effets mis en place jusqu'ici. Une question : pourquoi ? Et ce sera tout pile le même syndrome sur « Black September », qui lâchait les guitares et les claviers, ça sentait bon, on pensait enfin trouver une réussite, et arrive l'aspect electro-pop-dance qui, encore une fois, va tout foutre par terre, sans parler d'une voix à la ramasse. Et bon, encore une fois, rien d'original, ni même de personnel. Tout y est déjà tellement entendu que ça lassera bien trop vite.

On peut quand même avouer qu'ils disposent d'une bonne production, enfin, d'une production de gros studio, et que le mixage, lui, colle à la musique : voix en avant et instruments plus en retrait, samples electro et parfois symphoniques (mais bien plus rares) fortement poussées sur le dessus du panier, et c'est tout. Donc parfois, on lâche la guitare, pour dire que c'est un peu agressif sur les bords, mais ça ne dupe (presque) personne, ce genre là. C'est déjà tellement utilisé, encore et encore, qu'on reste juste indifférents devant un son qui, lui aussi, souffre cruellement de personnalité. En plus, le vocoder sur « Phantom Pain », on dirait vraiment que ça sort d'Evanescence, pas si éloigné de l'effet de « Going Under », même si question musique, les proximités se feront avec d'autres morceaux. Cela mis à part, on ne pourra que constater encore une fois la pauvreté de l'ensemble, et son manque cruel de diversité, vu l'utilisation abusive des mêmes structures, c'est bien dommage.

Comment ça, je suis trop maquillée ?
 

Enfin, c'est vrai qu'on ne pouvait pas vraiment compter sur une vocaliste comme Angelica Rylin pour remonter le niveau, forcément, ça aurait été une bonne option de blinder la musique derrière. Mais mademoiselle se permet de ruiner à néant leurs derniers efforts la plupart du temps : elle est une cause des échecs de « Resurrection » ou « Black September » par son côté nasal irritant, et sa justesse parfois à la ramasse. Tout comme Lullacry avait le malheur de se voir plomber par la performance vocale minable de Tanja Lainio, la voix de la charismatique frontwoman, exceptionnelle même (l'un des qualificatifs attribués par la fiche promo à cette chanteuse), plombera littéralement l'ambiance (déjà peu existante, souvenez-nous). Limitée au niveau du registre et donc assez linéaire, problèmes dans les aigus qu'elle ne négocie pas très bien, timbre lui aussi très banal et passe-partout, chant nasal et tics pop-rnb lourds (la ballade « Meant to Last Forever », épreuve de force difficile où on se croirait chez Evanescence encore ou Kelly Clarkson, « Black September » et ses lalalala d'un ridicule effarant), il est inquiétant de constater que, par rapport au brûlot précédent, on observe une régression. Là où elle se contentait de rester dans son registre, ici, elle veut parfois toucher à des notes qu'elle est incapable d'atteindre. Et ça fait mal, très mal, non seulement pour la dignité de la chanteuse, mais également pour nos tympans qui ne demandaient pas de telles prouesses dans la médiocrité. C'est cruel, mais objectif.

Reste que dans cet amas d'ennui, couplé à une banalité et une platitude qui atteint des sommets, on sauvera du naufrage un morceau, pas si mauvais que ça, qui regroupe même de bonnes idées : « I Dare You ». Oui, c'est catchy, plutôt prenant, les chœurs sont efficaces, les grattes instaurent un semblant d'atmosphère auquel on ne peut rester totalement insensible surtout par rapport au reste, et le refrain n'est pas un désastre. C'est même pas mal du tout, en fait, et à l'échelle The Murder of My Sweet, c'est déjà beaucoup. Enfin, ce petit miracle, cet oasis est le seul rayon de soleil dans ces ténèbres poisseux. Car rien qu'à l'ouverture « Armageddon », c'est pas la joie, pas du tout même. On ne pourra s'empêcher, dans la façon de chanter le refrain ou l'aspect « épique » du titre, de trouver des similitudes avec le groupe allemand Krypteria. A la différence que Krypteria, c'est bien. « Idolize » est consternante de pauvreté et son aspect plus rock ne change rien, c'est toujours aussi basique, et mauvais. « Fallen » possède des vilains relents de « Follow the Rain » de la même formation suédoise, mais ce n'est pas vraiment une qualité. « The One » est une piste de remplissage comme une autre, qui, une fois écoutée, sera immédiatement oubliée, tant les guitares sont reléguées dans un endroit éloigné, et donc, aucune mélodie vocale ou riff ne rattachera à ce morceau qui n'a rien, absolument rien pour lui. Mention spéciale à la prestation de la chanteuse, particulièrement mauvaise. Passons sous silence la ballade, pour arriver au long titre qui devrait être bon. Là où « Death of a Movie Star » était loin du ratage complet sur Divanity bien que manquant d'ambition, ici, c'est d'un répétitif affligeant, et on se demande donc pourquoi plus de six minutes à une piste qui aurait probablement gagnée en intérêt en retranchant les longueurs. Bon, deux morceaux ne sont pas complètement ratés, bien qu'ils ne puissent être qualifiés de réussites : « Violently Peaceful » et « Kind of Lousy », c'est pas la joie, mais ça suffira, non seulement car tout le reste n'est pas terrible, mais que les refrains restent un peu en tête, comme la mélodie. Et ce sera bien tout.

Non, définitivement non, Bye Bye Lullaby n'est pas un bon album. Un attrape-nigaud de plus, encore une fois, une œuvre d'une certaine pauvreté, délaissant presque entièrement les quelques passages plus ambiancé qui étaient assez réussis sur Divanity, et qui, ici, ne sont plus que l'ombre d'eux-mêmes. Alors n'achetez pas ce disque des suédois, il n'en vaut pas la peine, et soutenir une telle formation dans sa démarche de foutage de gueule, ce n'est pas très valorisant. Espérons qu'un jour, ils se rendent enfin compte qu'ils ont le potentiel de faire largement mieux que ça (après tout les musiciens sont plutôt talentueux), que la chanteuse prenne quelques leçons pour corriger les aspects vocaux qui ne vont pas, et qu'ils reviennent avec quelque chose de convenable, mais pas avant. Là, c'est du niais puissance 10. Bye Bye The Murder of My Sweet.

Finalement, je crois que mon angoisse de la page blanche est plutôt dissipée.
 

NOTE DE L'AUTEUR : 4 / 10



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