Lors du Cernunnos Pagan Fest, qui a eu lieu le 11 février dernier, nous avons pu interviewer Heri Joensen, leader charismatique du groupe Týr. L’interview a commencé une heure plus tôt que prévue, face à un Heri tendu qui n’avait visiblement pas très envie de parler musique, son esprit étant plus préoccupé par les baleines et Sea Shepherd. Mais après quelques questions, il a fini par se détendre un peu et nous a parlé plus librement de sa tournée et de ses projets musicaux.
Votre dernier album Valkyrja est sorti en 2013, et nous nous demandions si vous aviez un nouvel album en préparation.
Heri : Oui en effet, nous en avons un. Nous travaillons dessus depuis un long moment. Il aurait dû sortir il y a deux ans, mais certaines choses se sont passées et maintenant nous espérons qu’il soit fini dès que possible. Après ce concert, nous aurons quelques mois de libres avant le prochain concert et nous utiliserons tout ce temps pour finir l’album.
Vous n’allez rien nous jouer de nouveau ce soir ?
Heri : Non. En général, c’est une mauvaise idée de jouer des morceaux avant de les avoir sortis parce que les gens vous demandent où et quand ils pourront acheter votre album et nous n’avons pas forcément la réponse, donc nous préférons attendre que notre album soit sorti pour jouer les nouveaux morceaux.
Avez-vous décidé de partir en tournée pour annoncer la sortie de ce nouvel album, ou vous aviez juste très envie de monter sur scène ?
Heri : Non, en fait nous avons eu une offre de la part du festival et nous avons répondu « Non merci », mais ils ont continué à nous relancer en nous offrant plus d’argent et nous avons fini par dire oui. C’est difficile de refuser de l’argent, et c’est pour cela que nous remontons sur scène. Nous n’aurions pas dû faire notre dernière tournée mais on nous aussi offert pas mal d’argent, nous n’aurions pas dû faire ce festival, mais là encore, on a fini par nous faire une belle offre, donc nous voilà.
Et sinon, votre tournée n’est pas trop difficile à gérer avec les manifestations organisées par Sea Shepherd, et les gens qui vous attendent pour pouvoir parler de massacres de baleines ?
Heri : Non, en fait, j’aime en parler. Terji et Gunnar en ont probablement un peu marre mais je suis fasciné par ce sujet et je pense pouvoir corriger le point de vue de certaines personnes, et j’en parlerai probablement jusqu’à ce que les gens daignent bien vouloir écouter ce que j’ai à dire.
C’est un sujet intéressant. J’ai vu quelques personnes portant des t-shirts Sea Shepherd dans le public du Cernunnos Pagan Fest, mais seulement quatre ou cinq personnes contrairement à certains de vos concerts en Allemagne où beaucoup de gens sont venus manifester devant les salles de concert. Quelle a été votre réaction en voyant ce genre d’accueil ?
Heri : J’ai préféré rester loin des manifestants pour ma propre sécurité et celle des autres gens et je ne veux pas m’impliquer directement dans ce genre d’histoire. Il y avait également une bonne gestion de la sécurité à ces concerts, et on s’est assuré que tout se passe bien pour nous. Il n’y a eu d’incident et les manifestants n’étaient pas autorisés à s’approcher trop près des salles de concert. Ce n’était pas si dramatique que ça.
Vous avez également demandé à vos fans de ne pas prendre part aux différentes manifestations.
Heri : Oui, j’ai demandé à nos fans de rester loin des manifestants et de ne pas leur parler. Ils peuvent être très provocateurs et pousser les gens à la bagarre ou du moins quelques échauffourées juste pour avoir l’attention des médias. La meilleure des choses à faire reste de les ignorer.
Oui, et comme vous l’avez dit, la chasse à la baleine fait partie de votre culture. Il n’est pas interdit de chasser et de manger des baleines sur les Îles Féroé.
Heri : Oui en effet. J’ai fait une vidéo qui explique tout ça.
Oui, nous l’avons regardée.
Heri : C’est une bonne chose ! Et je pense en faire d’autres pour les prochaines tournées.
C’est une bonne idée. Cela vous permettrait de pouvoir exposer tous vos arguments qui sont plutôt bien réfléchis et de faire mieux connaître votre culture qui est assez méconnue.
Heri : Oui, je pense avoir de bons arguments. Et des centaines, si ce ne sont des milliers de baleines sont tuées tous les ans car elles se prennent dans des filets de pêche qui ne leur sont pas destinés. Ces baleines souffrent terriblement. Elles se noient lentement, s’échouent sur les plages et ne sont utilisées pour rien ! En fait, on ne peut pas prendre de photos dramatiques de ce genre de mort. Cela paraît tout de suite plus violent et barbare de tuer une baleine en lui coupant la gorge ou la colonne vertébrale et ce sont ce genre de photos que les membres de Sea Shepherd utilisent. Ce sont leur source de revenu. Ce sont des photos à sensation qui ont pour seul but d’horrifier les gens et de faire de l’argent.
Fermons la parenthèse et revenons à votre album en préparation. Quel message voulez-vous faire passer à travers lui ?
Heri : Je ne suis pas sûr de pouvoir rentrer dans les détails. On va dire que c’est un album qui nous explique que les choses peuvent vraiment craindre des fois, mais que tout ira bien.
Si vous pouviez donner un seul et unique mot pour définir Týr, quel serait-il ?
Heri : C’est une question difficile. Je dirai « Wannabes » dans le sens où nous aspirons à être quelque chose.
Pourquoi ?
Heri : Je ne sais pas. Des fois, j’ai comme l’impression que l’on vit à travers les préjugés que les gens nous collent sur le dos. Comme si l’on devait coller aux stéréotypes des Scandinaves. On finit par utiliser les stéréotypes que les gens attendent de nous comme notre propre image. Je ne dis pas que c’est ce que l’on fait, mais des fois c’est comme cela que l’on ressent les choses. Enfin bref, je ne sais pas trop, peut-être qu’au fond je suis un stéréotype.
Si vous aviez une somme exubérante en votre possession pour pouvoir réaliser un projet totalement grandiose avec votre groupe, que feriez-vous ?
Heri : Je pense que si j’avais l’argent nécessaire, je ferai une vidéo au Pôle Nord. C’est vraiment hors de prix si vous voulez y aller, sans compter tout l’équipement qu’il faudrait. Ce serait génial d’y faire une vidéo avant que le Pôle Nord ne disparaisse. Peut-être qu’on pourrait nous filmer en train de jouer sur le dernier petit morceau du Pôle Nord alors qu’il est en train de fondre. Au début de la vidéo, on serait sur la glace et à la fin on serait en train de se noyer dans les eaux glaciales.
Peut-être que vous serez sauvés par une baleine, qui sait ?
Heri : Ah non, on se fera bouffer par une baleine ! Et on serait sauvé par des humains ou des ours polaires. Je ne sais pas ! Ça devient n’importe quoi !
Avez-vous une chose dans votre carrière que vous regrettez et que vous feriez différemment si vous le pouviez ?
Heri : La seule chose que je regrette, c’est de ne pas avoir commencé la musique comme carrière professionnelle plus tôt. J’étais déjà plutôt âgé quand j’ai décidé de devenir musicien professionnel. J’aurais dû le faire à mes débuts dans la musique. J’ai commencé à jouer avec des groupes lorsque j’avais 17 ans et j’aurais dû continuer sur cette voie. Mais j’ai tout arrêté avant d’avoir 20 ans afin de poursuivre des études de linguistique et à mes 27 ans j’ai décidé de reprendre la musique. Ce gouffre de sept ans a été une pure perte de temps. Si je pouvais tout recommencer, je ne laisserais pas tomber la musique pour faire des études qui ne m’ont rien apporté.
Et avez-vous un meilleur souvenir sur toute votre carrière de musicien ?
Heri : C’est aussi une question difficile. J’ai beaucoup de bons souvenirs. Un de mes meilleurs souvenirs est la tournée que l’on a faite avec Wintersun et Amon Amarth. Ce n’était que notre deuxième tournée. Je ne connaissais aucun de ces deux groupes avant la tournée et après la tournée ces deux groupes sont devenus mes groupes préférés de tous les temps. Quand j’écoute ces deux groupes, je me dis qu’à l’époque, on a tourné avec deux grands de la musique. A ce moment, nous étions le plus petit groupe. Nous n’étions pas forcément bien traités et pris au sérieux par les techniciens et les gens travaillant pour les différentes salles de concert. Mais ce n’est pas grave, car ce qui m’importe le plus restera toujours la musique, et nous avons eu la chance de partir en tournée avec ces deux merveilleux groupes.
Et maintenant, si vous pouviez choisir un groupe avec lequel vous aimeriez vraiment partir en tournée, lequel ce serait ?
Heri : Je dirais Judas Priest, mais ils ont arrêté de tourner. Ils ne font plus que les festivals. Du coup, je devrais me contenter de Metallica ou Iron Maiden. On rêve tous de partir en tournée avec les plus grands.
Avez-vous un message à faire passer à vos fans français ?
Heri : Oui, nous sommes vraiment heureux d’être en France. Nous avons été très bien reçus à chaque fois que nous sommes venus jouer ici. On va jouer plus de dates en France cet été et on espère voir le plus de fans possible.
Interview: Eloïse Morisse
Photos : © 2017 Thomas Orlanth - galeries complètes sur le site internet: www.thomasorlanth.com / facebook