On ne présente plus Monuments, groupe anglais de djent qui s'est imposé parmi les formations les plus marquantes de ce courant qui déborde de vitalité... et de combos sans grand intérêt, pâles copies les uns des autres (mais la situation est-elle pire qu'en death mélodique ?). Après deux albums excellents, on est toujours sans nouvelles depuis The Amanuensis (2014), mais le guitariste John Browne ne reste pas inactif, puisque voici déjà le deuxième album de son projet Flux Conduct, projet qui pourrait devenir un vrai groupe.
Après un premier essai entièrement instrumental, cette deuxième galette introduit du chant. Problème, djent et chant ne font pas toujours bon ménage (une version instrumentale de l'album est d'ailleurs prévue), ce dont Browne doit être conscient, car il a trouvé une sorte de perle rare en la personne de Renny Carroll, chanteur de Forever Never, un groupe bien de métal moderne éminemment mélodique. On l'a dit, djent et chant ont parfois du mal à cohabiter de façon féconde, et l'ajout de chant clair se limite parfois (souvent ?) à de longs passages terriblement pauvres mélodiquement parlant (le Tesseract d'Altered State en est un bon exemple).
On pouvait donc être méfiant, d'autant plus que l'album est court (une petite quarantaine de minutes), tous comme les morceaux, davantage tournés vers l'efficacité et l'accessibilité. Ce qui n'est pas forcément une mauvaise chose, car autant le premier album de Flux Conduct regorgeait de passages terriblement inventifs, autant plus d'une heure de polyrythmies touffues entièrement instrumentale, il fallait se l'enfiler. Le changement est certes un peu brutal, mais la qualité de l'album est indéniable, et doit beaucoup à la performance de son vocaliste.
Renny Carroll s'avère en effet capable de s'adapter et son timbre particulier s'adapte parfaitement aux influences parfois orientales développées ici et là (le break électro-acoustique de "Melancholia" joué en fingerstule par l'excellent Mike Dawes qu'on aurait aimé entendre davantage). Si la majeure partie du chant est en voix claire, comme sur le single "Melancholia" déjà mentionné, les growls ne manquent pas. C'est d'ailleurs une remarque qui s'applique également à la partie instrumentale. John Browne n'a rien perdu de sa capacité à enchaîner les arythmies, il choisit ici de se dicipliner quelque peu et de mettre ses capacités au service des mélodies. En résulte un album qui s'il devrait plaire aux amateurs de Monuments, a ce qu'il faut pour s'imposer plus largement. Seul maître à bord, Browne diversifie sa musique et nous offre un album complet, maîtrisé, varié, gorgé de bonnes idées et qui s'écoute d'une traite.
Le single ci-dessus, un titre plus agressif en dessous.
La noirceur est dispensée avec plus de parcimonie mais reste bien présente. C'est le cas également en ce qui concerne les textes, Browne ayant déclaré s'être inspiré de ce qu'il y avait de plus noir chez l'être humain. Avec un titre comme "Concupiscence", on se doute que le thème n'est pas la joie de vivre, ce qui en fait une excellente occasion pour inviter Ola Englund (The Haunted notamment) à poser un solo (un peu court, dommage). Des solos qui manquent un peu. Certes ce n'est pas la marque de fabrique du genre, mais quitte à s'en démarquer et inviter des amis gratteux, on aurait pu en avoir un peu plus, d'autant que quand Oliver Steele (Monuments) se pointe sur le dernier titre pour en placer un, on apprécie !
C'est le seul vrai reproche que l'on peut faire à l'album, qui a en plus la bonne idée de placer deux intermèdes instrumentaux façon musique de films pour ajouter à l'ambiance. On se doute que la pérennité du projet dépendra de l'accueil réservé à cet album. Si John Browne trouvait un peu de place dans son emploi du temps pour parvenir à jongler entre ces deux groupes, tout le monde serait gagnant.