Après deux titres inédits présents sur le live 10 000 ways to die, les légendes d'un death résolument à l'ancienne sont de retour. Chaque nouvel album d'Obituary pose la même question : aura-t on droit à une énième démonstration du savoir-faire du quintet, à un album de plus, aussi plaisant que vite oublié, ou aura-t-on droit à un sursaut d'orgueil ? Inked in Blood montrait un petit retour de flamme. Suffisant pour espérer un retour en grâce ?
Le nouvel album (éponyme) des vétérans du death floridien est sorti le 17 mars dernier, dans ce qui semble être une relative indifférence. Il est loin le temps où le groupe faisait partie des plus gros vendeurs du genre ! Reconnaissons que le besoin de renouveau se fait cruellement ressentir depuis déjà bien longtemps. Après l'étouffant World Demise (1994), qui avait reçu un accueil mitigé car jugé trop différent à l'époque (faudrait savoir), le groupe s'est depuis réfugié dans ce qu'il sait faire et ne semble pas vouloir faire évoluer sa formule, aussi efficace soit-elle par ailleurs. De sorte que le chroniqueur se retrouve souvent à ne pouvoir dire grand chose d'autre que "Obituary fait du Obituary, le fait bien, mais ne fait rien de plus", ce qui est certes toujours mieux que de tomber dans la parodie pure et simple (n'est-ce pas Six Feet Under) et n'empêche pas le quintet de drainer un public nombreux en concert où son groove incendiaire fait un malheur à chaque fois. Reste que le mode pilotage automatique, en plus d'une impression que le groupe ne fait pas beaucoup d'efforts pour peaufiner, appelle à un sursaut d'orgueil.
Après un Inked in Blood sympatoche, Obituary revient donc avec un album éponyme. Une fois de plus, pas de grand chambardement à attendre, on a toujours droit à du death à l'ancienne, des riffs simples, et la voix toujours aussi tétanisante de John Tardy. Oui, mais... Il semblerait qu'il y ait un regain de vitalité. A l'instar d'un Motörhead ou d'un AC/DC, autres groupes qui ont décliné une formule à l'envi, tout se joue dans les détails, dans la conviction plus ou moins forte du groupe dans ce qu'il fait à un instant T. Ainsi, l'album démarre par un double uppercut de titres rapides bien troussés qui démontrent qu'Obituary a faim.
Arrivé au mid-tempo "A Lesson in Vengeance", on peut également affirmer que le dernier arrivé, le guitariste soliste Kenny Andrews, est ultra motivé. Ses solos rapides et plus travaillés que ce que l'on avait l'habitude d'entendre chez nos Floridiens font plaisir, même s'ils ne feront pas oublier la patte que le regretté James Murphy avait apporté sur Cause of Death (1990). Néanmoins, une bonne surprise, et quelques clins d'oeil aux fans sur "Kneel before me" dont les leads rappellent The End Complete (1992). Pas de doute, le départ d'Allen West, qui avait l'air au bout du rouleau, a fait du bien. Cela faisait longtemps que l'on n'avait pas entendu le groupe aussi appliqué, en témoignent des outros soignées bien servie par la complicité rythmique des trois bûcherons concernés qui manifestent une grosse envie de bien faire. Pour finir, le son n'est certes pas aussi caverneux que sur Slowly we rot (1989) ou aussi "in your face" que World Demise, mais il retrouve une certaine profondeur qui faisait défaut aux productions récentes.
L'album aurait même pu être franchement bon s'il n'était pas affublé d'un ventre mou constitué de titres qui font retomber la pression. "It lives" et "Turned to stone" sont des titres comme le groupe en pond treize à la douzaine, et on jettera un voile pudique sur les paroles, simplistes, ce qui se remarque d'autant mieux du fait de la performance comme d'habitude magistrale de John Tardy. Pour une fois que l'on comprend ce qu'un chanteur de death raconte... Fort heureusement, la fin d'album rattrape en partie le coup : "Straight to hell" est une petite bombe de férocité, et "10 000 ways to die", un des deux inédits présents sur le live du même nom sorti fin 2016, bien qu'un cran en dessous, a un côté malsain bien fichu, notamment grâce aux solos d'Andrews (le titre bonus "No Hope" ne restera quant à lui pas dans les mémoires). Il y a du mieux chez Obituary, les réfractaires au son si particulier du groupe passeront leur chemin une fois de plus, mais les amateurs peuvent avoir des motifs de satisfaction. Un 10e album solide, peut-être bien le meilleur depuis la reformation, voire depuis World Demise.