Oublié sur le bas-côté de la sombre autoroute du black metal en direction de l'enfer, Forgotten Woods fait partie de ces petits groupes du début des 90's qui ont réalisé de sacrés bons albums mais restés trop confidentiels pour véritablement s'imposer. Pourtant, ces Norvégiens-là n'en restent pas moins considérés comme des précurseurs en matière de black metal avant-gardiste... Il n'en fallait pas moins pour que le label Aeternitas Tenebrarum Musicae Fundamentum nous (res)sorte de derrière les fagots une réédition de l'album de 1994 As The Wolves Gather agrémenté de l'EP Sjel Av Natten de 1995, sur un seul et même disque.
Il n'aura fallu que deux petites démos à Forgotten Woods, le groupe fondé dès 1991 par Olav Berland et Rune Vedaa, pour se stabiliser avec le vocaliste Thomas Torkelsen et sortir son premier méfait As The Wolves Gather devenu maintenant mythique. Mythique, car cet album de 1994 distribué à seulemement un petit milier de copies dévoilait alors un black qui sortait des sentiers battus de l'époque.
En effet, dès les premières mesures d'"Eclipsed", Forgotten Woods distille un black mid tempo agrémenté de riffs solides, refusant ainsi la technique du tremolo picking et de la double pédale infernale. Une hérésie blasphématoire s'il en est… En se plaçant ainsi à l'écart des poncifs du true black metal, Forgotten Woods développe sa propre personnalité en flirtant avec l'ambiance des Burzum de la toute première époque (notamment dans le chant de Torkelsen) et en dévoilant des approches artistiques basées sur la répétition des riffs, étirés à l'extrême... encore et encore et encore et encore et encore… et même encore !
Ainsi, avec des titres à la fois lancinants et hypnotiques comme "Winter", "Grip Of Frost", "Dimension Of The Blackest Dark" ou "In My Darkest Visions", Forgotten Woods dévoile une facette d'un black dépressif, limite suicidaire… Ceci étant, les Norvégiens développent ici et là des prismes de vision aux accents épiques à la sauce pagan plutôt bien sentis qui donnent un relief inattendu à ce As The Wolves Gather singulier, comme sur "Through Dark And Forgotten Valleys".
La seconde partie du disque, consacrée à l'EP Sjel Av Natten, reprend peu ou prou la même recette du premier album de 1994, notamment dans le riffing linéaire et répétitif (parfois trop !), mais en mettant l'accent sur des ambiances mélancoliques prégnantes au travers de morceaux longs, dépassant allègrement la barre des dix minutes ("Sjel Av Natten", "En Natt Med Storm Og Ravners Skrik").
Ici encore, les parties de guitare se veulent originales et oscillent entre riffs bien pensés, arpèges dissonants pour coller à merveille à la froide ambiance dispensée par Forgotten Woods. Ce côté épuré est d'ailleurs bien mis en valeur par le chant écorché de Thomas Torkelsen qui se place-là dans la droite lignée de cette bonne vieille trogne de Varg Vikernes.
En définitive, cet album deux-en-un permet de (re)découvrir l'œuvre de Forgotten Woods dans la première partie des 90's et nous permet d'avoir affaire à un petit bout d'histoire du black metal norvégien qui ne changera plus la face du monde certes, mais qui permet d'appréhender la face cachée d'une époque maintenant bel et bien révolue…
