*Interview réalisée au Forum de Vauréal par Ju et Lionel/Born 666*
Quelques heures avant le premier show des trois dates françaises d'une sorte de Michael Schenker Group spécialement remanié (avec Doogie White au chant) pour l'occasion, nous avons eu le privilège d'interviewer le légendaire guitariste allemand dans sa loge.
Récit d'un entretien frais et posé, bien loin de l'image tourmentée que nous avait offert dans le temps l'ami Michael, passé entre autres par Scorpions et UFO...
Merci de nous accueillir ici dans ta "maison temporaire", bienvenue à Vauréal !
Merci à toi !
Tout d'abord, parlons de la tournée Temple of Rock, qui a débuté au début de l'année il me semble ?
Nous avons démarré cette tournée le 15 février dernier, cela fait donc un peu plus de 3 mois que nous sommes sur la route avec 3 line-ups différents.
Et avec ce line-up qui voit notamment l'arrivée de Doogie White (ex-Rainbow, ex-Yngwie Malmsteen) au chant ?
Je crois que nous avons démarré ensemble le 17 mai, avec un premier show le 20 pour être exact.
Comment les choses se passent jusque là ?
Très bien ! On a de bons gars dans le groupe, notamment Herman Rarebell et Francis Buchholz qui sont désormais avec nous. D'ailleurs depuis qu'ils sont là on a un peu fait évoluer le nom du "Temple of Rock Tour", désormais c'est plus le "Temple of Rock / Lovedrive Reunion Tour" (rires) !
C'est vraiment une super idée quand on y pense, pas mal de shows sont d'ailleurs sold out, ici c'est le cas depuis plus d'une semaine...
Ils auraient presque plus nous programmer dans une salle plus grande, c'est vrai ! D'ailleurs j'ai vu que UFO était là il y a une semaine, comment c'était ?
C'était très bien ! On a même discuté avec Andy Parker lors d'une interview, et il te passe le bonjour...
J'en fais donc de même ! (rires)
On a même parlé de Pete Way, qui a joué sur le dernier MSG d'ailleurs... comment va-t-il d'ailleurs ? (NDLR : le retour du fameux "How is Pete?" désormais immortalisé par Vinnie Moore)
A un moment j’ai voulu le prendre pour la tournée, mais il n’est pas encore suffisament stable disons...
Sur l’album Lovedrive de Scorpions tu ne jouais que sur 3 titres…
Non, j’y jouais au moins sur 4 titres, peut-être même 5 car j’ai même fait un solo sur un titre que j’ai oublié, peut-être « Always Somewhere ». Il y avait « Coast to Coast », « Holiday », « Another Peace of Meat » et « Lovedrive »…
Et pourtant, ce soir tu vas jouer sur d’autres morceaux de Scorpions sur lesquels tu n’as jamais joué…
Oui on va jouer « Blackout » et « Rock You Like a Hurricane » parce que ce sont des chansons sur lesquelles Francis et Herman ont joué bien sûr.
Ce choix vient d’eux ou de toi ?
Je pense que ça a du sens parce que c’était assez évident de les prendre. Tout cela doit être bien équilibré. Je n’ai pas envie de jouer trop de morceaux de MSG car il y avait beaucoup de titres de Gary (Barden), mais bon on a « Armed and Ready », « Into the Arena », « Cry for the Nation », « Let Sleeping Dogs lie ». On a donc 6 titres de Scorpions…
Et un seul titre tiré de Temple of Rock…
Oui c’est la chanson sur laquelle Doogie (White) chante. Parce que Temple of Rock va rester sur la durée. On avait mal commencé pour la promotion de l’album parce que la maison de disque avait décidé d’en faire la promotion seulement sur Internet et c’était absolument stupide. Bon après on s’est dit que ce qui est fait est fait, et comme il y a tellement de bons titres sur cet album, les gens allaient les découvrir un par un lors des mois à venir et qu’ils continueraient à l’écouter plus tard.
Comment as-tu fais pour les invités que l’on retrouve sur l’album, parce qu’il y en a tellement…
Tu sais, au départ je ne savais pas ce que j’allais faire. J’avais décidé de faire un nouvel album, mais je n’avais pas de groupe, je n’avais rien du tout. J’avais seulement décidé de commencer à enregistrer un album et de voir comment ça allait se passer. Voyons ce qu’on a là et essayons de les mettre ensemble. A cette époque j’étais allé voire Herman en tant que voisin et on a commencé à jammer ensemble, d'ailleurs Pete venait aussi de temps en temps faire des apparitions. Je voulais jouer des morceaux de Strangers in the Night que l’on n’avait pas joué depuis très longtemps et on a commencé à penser à un projet commun pour la scène. D’un côté on avait ces morceaux de Strangers in the Night et d’un autre j’étais en train de faire une démo en Allemagne avec Michael Voss pour m’aider sur les parties vocales. Alors comme il chantait bien je lui ai dit « Hey Michael, pourquoi ne chanterais-tu pas dessus ? » il était super content de le faire. Ensuite j’ai fait écouté les démos à Herman et à Pete puis je leur ai demandé si ils voulaient faire les parties de batterie et de basse dessus et c’était parti, j’avais un groupe…
Michael avait fait une superbe intro avec sa voix parlée et je me suis dit qu’on devrait trouver un super acteur avec une belle voix pour faire cette partie sur l’album. Et en même temps j’ai reçu un appel téléphonique pour savoir si je serais intéressé de jouer sur l’album de Capitaine Kirk (de « Star Trek »), c'est-à-dire l’album solo de William Shatner, et je me suis dis « C’est le mec qu’il nous faut ! » : c’est lui qui doit parler sur notre album. J’ai donc joué sur son album et lui a participé sur le mien. Après je me suis dis que tout s’imbriquait bien, tout ce passait merveilleusement bien. Alors pourquoi ne pas inviter des musiciens à jouer dessus et plus particulièrement des musiciens du passé, Leslie West (Mountain), Rudolf Schenker (Scorpions), Robin McAuley (MSG), Paul Raymond (UFO), Simon Philips, …
Mais pas de Gary Barden,…
Non il vit en Thaïlande et à des projets différents maintenant, dont ses albums solo. Donc tous ses musiciens étaient disponibles, malheureusement Gary n’en faisait pas parti.
Ainsi l’étape suivante était « quoi faire avec tout ce matériel ». C’est vrai que j’ai fait de la musique toute ma vie et c’était un peu comme la construction d’une église. J’arrivais avec tout ça et ça représentait un peu l’édifice de la structure et c’est pour cela que j’ai décidé de l’appeler Temple of Rock. Ensuite la maison de disque a décidé de faire l’artwork qui me représente avec ma guitare. J’adore cette photo parce que c’est une nouvelle position que j’ai découvert en faisant de la musique d’une autre façon. Donc tout est venu au fur et à mesure, pas à pas et quand le moment de partir en tournée est venu, Michael Voss n’était pas disponible. Il était sur son album solo et occupé par la production alors j’ai regardé ma situation, je me suis dit Doogie est dessus, Michael est dessus, j’ai envie de jouer ce que les gens aiment ; du « Strangers in the Night », du Scorpions, du MSG. Alors comme il y a 3 chanteurs sur mon album, je me suis dit que pour la tournée, je prendrai Robin McAuley pour le Etats-Unis, Michael Voss était disponible pour le Japon et Doogie était prêt pour la tournée européenne.
En Amérique on a joué « Lovers Sinfony » de Temple of Rock avec Robin Mc Auley et ici en Europe on fait « Before the Devil Knows You're Dead » avec Doogie. Avec Michael Voss on joue « Hangin’ On ». Donc on peut mettre en avant 3 chansons différentes sur 3 continents différents avec 3 line-up différents.
Tu as aujourd’hui 40 ans de carrière, bref tu es une légende. Après je ne sais pas non plus si les légendes se considèrent comme des légendes, mais est-ce que tu peux nous dire quel est l’album auquel tu as participé que tu préfères ? Si avec le recul tu te dis : « Wow cet album, j’en suis super fier ! ».
Je ne regarde pas les choses comme cela. J’ai toujours fait les choses pas à pas. J’ai toujours mis mon cœur dans tout ce que je faisais. J’ai commencé par un développement rapide, puis j’ai ouvert pour Scorpions en Amérique, laissé mon frère prendre le relais. Ensuite je me suis mis à faire mes propres choses me concentrant sur une croissance personnelle et faisant des expériences. Celle de mon frère est plus basée sur le succès du groupe, l’excellence et l’expression de soi-même. Moi, je voulais expérimenter, faire de la musique instrumentale, essayer des trucs acoustiques… pour mon frère, c’était important d’obtenir ce succès, pour moi il était important d’avoir un essor personnel. Chacun de nous deux devait croire en ce que nous faisions et si on avait été ensemble cela n’aurait pas fonctionné, nos rêves n’étaient pas compatibles. Matthias (Jabs) était parfait pour ça, il était comme eux, de la même veine pour accéder au succès du groupe.
Ma carrière ressemble à un T-Shirt (NDLR : Michael nous "mime" ici la métaphore du T-Shirt… imaginez sa forme de face avec ses manches et son col), ça a grimpé, ensuite j’ai fait mes trucs et maintenant je suis de retour pour le grand final et pour tout recommencer.
Peut-être es-tu plus "spirituel" aujourd'hui ?
Je pense que chaque personne a son propre désir d'expérimenter certaines choses, et après en tire les conséquences en apprenant de ces instants. Je ne vois par exemple pas le succès matériel comme un but ultime, ça n'a jamais été ma vision de carrière. Quand avec UFO j'ai jugé avoir vécu le meilleur, je me suis retiré sans hésiter et j'ai poursuivi ma carrière avec mes propres envies, c'est pour cette raison que j'ai créé MSG d'ailleurs.
Et peut-être que la clef d'un certain succès justement c'est de savoir regarder devant soi et non derrière...
Oui, toujours devant, ce qui est fait est fait. J'adore me concentrer sur le moment présent, pour être honnête. Quand j'étais plus jeune je ne comprenais pas trop ce concept, peut-être vivais-je "à fond" dans l'instant présent mais je ne me rendais pas compte de ce qui m'arrivait. Et dans mon cas, je suis vraiment content de vieillir, car j'y vois beaucoup plus clair aujourd'hui.
Après une vie très rock 'n' roll et ses nombreux excès, peut-être as-tu désormais envie d'une vie plus "tranqille" et uniquement axée sur le plaisir que procure la musique ? Et après tout les fans sont restés fidèles, c'est ça le plus important...
Oui, et désormais ils vivent le moment présent à fond, comme moi ! C'est ce qu'il faut faire, peu importe ce qui a pu se passer ou non avant...
J'ai entendu dire qu'à l'époque de Strangers in the Night tu ne voulais pas enregistrer des "overdubs" en studio pour corriger certains éventuels défauts...
... Disons que ce serait toujours vrai aujourd'hui, je n'ai jamais aimé ce procédé ! Mais bon, le problème est toujours le même, parfois on n'a pas vraiment le choix. On veut garder le son le plus "pur" possible dans ces conditions. Mais si les groupes commerciaux qui ont de l'argent et le soutien de grandes maisons de disque peuvent se permettre d'enregistrer plusieurs shows et sélectionner le meilleur, les vrais artistes plus "obscurs" ne peuvent pas se payer ce luxe et doivent donc se concentrer sur l'enregistrement d'un seul concert. Et derrière la pression fait que selon comment s'est passé le Live, tu ne peux pas sortir le CD ou le DVD sans quelques corrections, c'est comme ça...
De ces deux albums Live de légende que sont Strangers in the Night de UFO et One Night at Budokan de MSG, lequel préférerais-tu aujourd'hui si tu avais à choisir ?
Oh je les aime bien tous les deux ! Chacun reflète vraiment plus ou moins ce qui se passait à l'époque pour chaque groupe, c'est un véritable témoignage honnête de nos carrières à cet instant. Strangers in the Night a été un sommet dans la carrière d’UFO, quant au live à Budokan il reflète ce qu'il y a eu de meilleur dans l'ère Michael Schenker/Gary Barden. Chacun est vraiment très bon dans son contenu.
Et ils cristallisent également la "magie du moment"...
Oui, c'est vrai, nous avons réussi cela plutôt bien.
J'ai entendu dire que peut-être tu joueras avec Scorpions le 2 juin prochain au Nancy on the Rocks, un évènement spécial qui verra le dernier (?) concert du groupe allemand en France avec des guests comme Uli Jon Roth ou ton compère Herman Rarebell...
(longue hésitation) ... Je ne suis pas vraiment sûr, rien d'officiel n'a encore été annoncé... (nouvelle hésitation) ... disons que tôt ou tard cela arrivera mais... là je n'en sais encore trop rien, on ne sait pas trop ce qui se passe parfois, c'est encore assez flou à ce niveau.
Mais aimerais-tu faire un dernier show avec le Scorpions historique quoiqu'il arrive ?
Oh bien sûr ! Ils n'ont qu'à frapper à ma porte, j'accepterai sans problème.
C'est amusant car en parlant de Scorpions on sent qu'ils n'arrivent pas tout à fait à prendre définitivement leur retraite, leur tournée d'adieu dure depuis bien deux ou trois ans maintenant... ça doit être dur d'arrêter comme ça même lorsqu'on l'a décidé... J'imagine que toi tu ne prendras jamais ta retraite et que tu resteras un musicien toute ta vie !
Oui, et pourquoi pas être le B.B. King du rock 'n' roll ! (rires)
Comment expliquerais-tu le fait que tu sois une icone au Japon ?
Je pense qu'il s'agit d'une question de personnalité, de style... chaque pays a son identité pour ressentir ce genre de chose. Comme moi par exemple, je m'identifie plus à un guitariste comme Jimmy Page qu'à Jimi Hendrix. Les habitants d'un pays selon leur culture auront leur propre feeling sur la question, cela s'explique peut-être ainsi.
La semaine dernière nous avons demandé à Andy Parker ce qu'il te dirait s'il était en face de toi... Que dirais-tu aux membres d'UFO s'ils étaient là avec nous aujourd'hui ?
"Salut les gars, comment allez-vous ?" (rires)
(rires) Andy a dit la même chose grosso modo ! C'est vrai qu'un peu plus et vous vous revoyiez ici sans même le savoir...
Nous l'avons fait récemment, à Brighton où nous répétions l'an passé pour l'enregistrement de Temple of Rock. Nous étions là, Herman, Pete et moi, et ils sont venus dans un studio connexe. D'un coup Pete m'interpelle et me dit "Non mais c'est qui le gars là ? Je le connais il me semble !" ... et en effet, c'était Phil Mogg avec son chien (rires) ! Il promenait son chien dans une rue à côté ! C'est marrant car on se rend vite compte que nous sommes tous plus ou moins voisins... c'est comme ça que j'avais repris contact avec Pete Way par exemple, idem avec Herman.
Puisqu'on en parle, peut-on imaginer un jour une nouvelle tournée avec la formation d'origine de UFO ?
Tout est possible, rien ne l'empêche sur le papier ! Nous célébrons en ce moment l'ère qui a donné ses lettres de noblesse au rock, beaucoup de groupes se reforment et cela rend les gens heureux. Restons ouverts et ne fermons aucune porte.
En tant qu'artiste et Guitar Hero à la longue carrière, quelle a été ta manière d'expression musicale préférée ? Jouer sur des albums solos ? Composer pour ton groupe MSG avec différents chanteurs ? Partir en tournée avec tes anciens groupes comme UFO ?
Question difficile. Ce que je suis aujourd'hui n'est pas celui que j'ai été, et celui que j'ai été n'était ni celui que j'étais encore avant. La personne que j'étais avec UFO n'est pas celle que j'étais avec MSG, c'était un développement différent. Et la personne que je suis aujourd'hui est encore différente, car j'ai fait à peu près tout ce que j'avais à faire et j'ai tout aimé faire ! Du coup désormais je fais tout ce que je veux, ma curiosité et mon désir d'expérimentations ont été largement comblés durant ma carrière, je peux désormais faire les choses qui me plaisent sans concession.
Par exemple à une époque, je n'aimais pas me produire sur scène, aujourd'hui c'est différent : j'adore ça ! J'ai évolué en tant que personne, désormais je peux même apprécier faire des choses que je n'aimais pas faire auparavant. C'est génial !
Ton dernier véritable album solo, Thank You 4, est sorti en 2003. Peut-on s'attendre à une suite bientôt ?
Cet album était l'aboutissement d'une période où j'ai réalisé pas mal d'albums solo, j'avais envie d'enregistrer quelques reprises sur quelques disques. J'allais en studio tout seul, sans l'implication d'un groupe autour de moi, et je le faisais dès que j'en avais la possibilité ! Que ce soit des instrumentales rock, de l'acoustique... après 4 albums dans le genre, j'en ai eu marre ! Maintenant, est-ce que cela reviendra ? Je pense, c'est fort probable, mais pour l'instant je me concentre sur MSG, c'est l'envie que j'ai au moment où on se parle.
Combien de guitares "Flying V" possèdes-tu ?
Pas tant que ça, j'en ai jamais possédé énormément mais depuis que je façonne des guitares en partenariat avec Dean Zelinsky (Dean Guitars) j'en ai un peu plus par ci par là. J'en ai trois stocks différents, dont un en Allemagne et un autre en Angleterre, le reste me suit quand je vais faire des concerts. Pour cette tournée j'en ai emmené 4 et je dois en avoir 4 autres... Il me semble qu'en tout j'en ai 8 environ. Je ne collectionne pas les guitares en fait, je joue principalement sur une ou deux d'entre elles et ça me suffit.
As-tu quelques amis musiciens dans le business avec qui tu aimes passer du temps ?
Tu sais, je suis une personne très concentrée sur le choses, toujours en mode créatif. Du coup j'essaye au maximum de me tenir éloigner des gens car ils te prennent toujours énormément d'énergie. Or j'ai besoin de cette énergie pour bien créer, je dois donc l'économiser au maximum pour l'utiliser à bon escient au bon moment, y compris en tournée ! Je dois donc un peu me "cacher" pour éviter le monde, je ne me montre que pour jouer sur scène et tout donner... avant de disparaître à nouveau ! Ainsi je peux toujours rester frais dans ma tête et prendre toujours autant de plaisir, c'est mon concept.
Merci beaucoup pour cette entrevue Michael, as-tu un dernier mot pour tes fans français ?
Dis-leur juste de ne jamais abandonner leur passion, "Keep on Rockin'!".