Nous devions interviewer Jesse Barnett en novembre dernier lors d'un voyage à Birmingham pour assister au concert des Américains en première partie de Architects, mais malheureusement cela n'avait pas pu se faire. C'est alors qu'ils sont en tournée avec Parkway Drive que nous nous asseyons dans le balcon du Bataclan pour discuter du changement de label, du voyage au Kenya, du futur du groupe et comme toujours avec Jesse Barnett, de politique !
LGR : Bonjour Jesse et bienvenue à Paris en cette belle journée du mois d'avril ! Commençons cette interview par le changement de label opéré par Stick To Your Guns puisque vous venez de quitter Sumerian Records pour Pure Noise Records. Peux-tu nous en dire un peu plus sur ce choix ?
Jesse Barnett : Notre contrat avec Sumerian Records courrait sur trois albums lors de notre signature en 2009 et donc après la sortie de Disobedient, celui-ci se terminait. On s'est posé la question de resigner chez eux ou d'aller voir ailleurs. On est ami depuis très longtemps avec Jake (Round, fondateur du label) puisqu'on a sorti un split avec lui en 2013 avec The Story So Far et lors d'une discussion il nous a dit "écoutez les gars, je suis prêt à tout pour vous avoir dans le roster de Pure Noise". On ne pensait pas qu'il était sérieux et pourtant si (rires). On a donc décidé tous ensemble de signer avec Jake car il sait qui nous sommes, comment nous travaillons, ce qui est important pour nous au quotidien, etc. C'est une relation d'amitié avant d'être une relation de travail et c'est tout ce qui importe à Stick To Your Guns aujourd'hui. Et puis nous avons déjà pas mal de potes qui sont chez Pure Noise comme The Story So Far, Counterparts, Vanna, etc.
Better Ash Than Dust est un EP contradictoire. En effet, on y retrouve des tubes brutaux comme les titres les plus doux de la carrière de STYG avec en plus une nouvelle identité sonore notamment dans "The Suspend". Quel était ton état d'esprit lors de l'écriture et de l'enregistrement ?
Je suis assez bipolaire comme garçon, pas dans le sens où c'est une maladie, mais dans le sens où j'ai tendance à vouloir être partout en même temps et c'est pour ça que tu retrouves des moments criés puis chantés puis poétique dans l'approche des paroles ou alors totalement politisé (rires). Cela a tendance d'ailleurs à énerver les gens qui me sont proches car je ressens toutes les émotions à 300% que ça en devient difficile à contrôler et à vivre. Je pense que cela m'aide énormément dans ma vie d'artiste d'ailleurs que ce soit avec Stick To Your Guns ou Trade Wind (side-project avec Tom Williams de Stray From The Path) mais absolument pas dans ma vie quotidienne.
"Universal Language" porte très bien son nom et les paroles sont encore plus édifiantes de vérité. Deux question à propos du morceau, comment en êtes-vous arrivé à avoir Brendan Murphy de Counterparts en duo et qu'est-ce qui a déclenché en toi l'écriture du titre ?
Nous étions à Toronto pour l'enregistrement de l'EP chez notre producteur et c'est la région dans laquelle il vit donc on lui a demandé de passer nous voir en studio parce qu'on avait envie qu'il pose sa voix sur un titre. On lui a fait écouter les cinq et il a choisi lui même "Universal Language".
En ce qui concerne les paroles, cela vient principalement de toutes les tragédies qui sont arrivées sur cette planète depuis la sortie de Disobedient, je pourrais te dire en premier lieu qu'il y a d'ailleurs les événements qui sont arrivés dans cette salle. Depuis notre naissance, nos parents et nos instituteurs nous disent qu'il ne faut pas faire de mal à autrui, qu'il faut être gentil avec tout le monde et respecter tout le monde sauf que quand tu grandis et que tu atteins un âge où tu comprends ce qu'il se passe véritablement dans le monde, qu'est-ce que tu vois ? Des guerres, le rejet de l'autre parce qu'il ne te ressemble pas, la peur de l'étranger, etc. Ce qui sépare l'être humain des animaux est notre capacité à nous exprimer par différents moyens que ce soit artistique, politique ou autres mais en revanche quand il s'agit de se comprendre, je pense que nous n'avons pas encore bien compris le sens de la vie.
Est-ce que tu ne penses pas que nous sommes parfois bien pire que des animaux, que l'être humain n'est bon qu'à s'entretuer pour étendre son territoire et ses richesses au détriment d'autres êtres humains ?
C'est intéressant ce que tu dis car nous revenons d'un voyage au Kenya où nous avons rencontré des gens incroyables qui vivent avec moins que rien et qui arrivent à être heureux. J'ai des amis de pays scandinaves qui sont allés en Iran, en Iraq ou en Afghanistan qui me disaient exactement la même chose des gens qui vivent là-bas, une image à des milliers de kilomètres que ceux que veulent bien nous montrer les médias et je pense d'ailleurs que c'est encore pire chez nous aux USA qu'ici en Europe. Très sincèrement, je pense que tout le monde rêve d'une vie libre de peine, de torture mais la soif de pouvoir d'une minorité de personnes dans le monde empêche tout cela. Il faut aussi comprendre que même dans un pays comme le mien (ndlr : les USA) qui est considéré comme le plus libre du monde et bien ce n'est pas le cas. Oui une femme peut s'habiller comme elle le veut et conduire une voiture mais en fait, une femme est encore considéré comme inférieur à l'homme alors que ce ne devrait pas être le cas. A quand l'égalité de salaire par exemple ?
Comme je le disais à la personne avant toi, j'ai le privilège de voyager partout dans le monde grâce à la musique et cela me fait avoir une vision tellement différente des choses par rapport à celui qui ne connaît que son pays ou même sa ville toute sa vie et qui est nourri par les médias et par les politiques de choses qui n'ont aucun sens.
Justement par rapport au monde dans lequel nous vivons aujourd'hui et avec des artistes qui voient ce monde et ses différences tous les jours, tu ne penses pas que c'est aux musiciens aujourd'hui de faire la différence et en quelque sorte d'éduquer le public face à la montée de l'extrémisme un peu partout ?
Tu prêches un convaincu en disant cela et en même temps si un groupe n'en a rien à foutre, je préfère qu'il parle de ce qui intéresse la personne qui écrit les paroles plutôt que de faire semblant d'avoir un discours politisé. Ce n'est pas parce que tu fais du punk, du hardcore ou du metal que tu dois absolument écrire des paroles engagées, en revanche si tu le fais tu dois absolument être informé, être clair sur ce que tu dis et y croire du fond de ton coeur.
D'ailleurs cela ne s'arrête pas qu'à la musique, l'art et la culture en général sont des moyens d'expression encore plus important aujourd'hui qu'auparavant. A chacun de s'éduquer mais si grâce à l'art, on arrive à faire naître en quelqu'un l'envie de s'informer et de se faire sa propre opinion alors c'est déjà une bonne chose de faîte.
Tu nous parlais de votre voyage au Kenya il y a quelques minutes, est-ce que tu peux nous en dire plus sur cette opportunité ?
Nous sommes allés au Kenya avec une association humanitaire allemande qui s'appelle Hardcore Help Foundation pour leur donner un coup de pouce mais aussi pour nous d'avoir la possibilité de faire un concert là-bas. Il y avait des gens au premier rang qui s'étaient confectionnés des tee-shirts STYG eux-même et qui connaissaient les paroles des titres, j'en ai eu la chair de poule, c'était absolument incroyable. J'ai maintenant envie d'y retourner et de visiter d'autres pays africains pour documenter ce qu'il se passe, pour donner un coup de main à des associations humanitaires et puis pour jouer de la musique tout simplement.
Retournons maintenant sur le plan musical. Très souvent dans vos chansons, on retrouve des extraits de discours de personnalités connues comme moins connues, comment est-ce que tu les trouves ?
Je suis toujours à la recherche de ce genre d'éléments donc je regarde énormément de documentaires, je lis beaucoup de livres pour trouver précisément ce que je cherche. Sur le titre "Better Ash Than Dust" tu peux notamment entendre un discours de Nina Simone que j'ai trouvé en regardant un documentaire sur elle et tout de suite j'ai compris qu'il fallait trouver une place à ce discours dans l'une de nos chansons. Elle était une femme et en plus noire ce qui était une double peine à l'époque et donc quand elle dit "how can you be an artist and not reflect the times", je l'ai pris de manière personnelle car c'est aussi ce que j'essaye de faire quand j'écris les paroles de Stick To Your Guns.
Est-ce que tu as des idées de discours à implémenter dans votre prochain opus ?
J'ai quelques idées mais rien de spécifique encore. Je ne suis pas encore entré dans mon état d'esprit d'écriture car en tournée, je dois être à 100% dans l'état d'esprit des concerts. Par contre dès qu'on rentre tous à la maison à la fin du mois, c'est là que tout va commencer. J'écris peu en tournée pour tout te dire parce que très souvent j'écris une phrase et je déroule le texte par la suite. Pour te donner un exemple, un jour j'ai écris la phrase "this life is my diamond" qui s'est transformé en une heure en "D(iam)ond", le titre que tu connais aujourd'hui.
Vous êtes de retour à Paris six mois après un concert au Cabaret Sauvage et vous jouez ce soir dans une salle connue mondialement suite à un tragique évènement, comment tu te sens ?
On a déjà joué dans cette salle il y a quatre ans je crois (ndlr, en 2013 lors du Persistence Tour) et lorsque nous avons réalisé le soundcheck toute à l'heure, j'avais du mal à y croire d'être debout sur scène et de penser à ce que tous ces gens ont vécu à cet endroit précis. Je suis heureux de voir que la salle a réouvert ses portes et je pense que chaque groupe qui va monter sur scène jusqu'à la fin des temps doit y arriver humblement en ayant une pensée pour ceux qui n'ont pas pu s'en sortir vivant.
Quels sont les plans pour le reste de l'année ?
Warped Tour ! Pardon, on rentre de tournée et on enregistre un album puis on passe tout l'été sur les routes américains lors du Warped Tour puis on revient en Europe à la fin de l'année pour une tournée en tête d'affiche.
J'ai vu récemment sur internet que tu avais redéménagé en Californie après avoir passé quelques années à Montréal au Canada. Est-ce que cela va changer quelque chose pour le groupe au quotidien ?
Sur le plan quotidien, cela va clairement changer les choses puisque Josh (James, guitare) vit à deux rues de chez moi et la majorité du groupe vit en Californie donc cela nous facilite la tâche pour répéter, jouer ensemble ou tout simplement être ensemble.
Deuxième partie de notre interview maintenant, si tu pouvais chanter dans un autre groupe que STYG et Trade Wind ?
Pearl Jam
Si tu pouvais ouvrir pour le groupe de tes rêves ?
Très sincérement, Metallica.
Si tu pouvais emmener un groupe avec toi en tournée ?
Propagandhi.
Si tu devais choisir un film, un livre ou une série pour écrire un concept-album ?
1984 de George Orwell
Quel est le premier concert auquel tu as assisté ?
Propagandhi.
Quel est le dernier album que tu as acheté ou streamé ?
Le nouvel album de Drake pour être honnête avec toi.
Merci pour tout Jesse, à très bientôt pour un nouvel album et un nouveau passage en France !