White Ward – Futility Report

Black metal, avant-garde et jazz, voilà une association de genre qui fonctionne plutôt bien depuis quelques années. On pense en effet à Arcturus, Shining ou encore aux albums solo d'Ihsahn (Emperor). Désormais, on pourra ajouter White Ward à la liste des formations qui parviennent à mêler avec brio les rythmiques violentes et torturées du black metal avec la douceur amère du jazz. En effet, ce combo venu d'Ukraine se caractérise principalement par la présence d'un saxophone qui apporte une touche mélancolique et mélodique aux compositions du sextet. Plongée dans une oeuvre intense, délibérément noire mais d'une extrême richesse...

Six titres pour quarante minutes de musique, un artwork magnifique qui rappelle l'univers de Steven Wilson période Grace For Drowning, il n'y a pas de doute, White Ward se situe au carrefour du progressif et du black/jazz. En effet, "Deviant Shapes", le premier titre de Futility Report s'ouvre par des arpèges dissonants et une voix parlée qui plonge rapidement l'auditeur dans l'univers des Ukrainiens. Puis le riffing post-black à la manière de Downfall of Gaia ou Regarde les Hommes Tomber s'abat sur nos têtes, avant la première apparition d'un saxophone aux couleurs nocturnes.

White Ward, black jazz, metal, Futility Report, review,

Là où d'autres artistes mêlent black metal et jazz avec des parties de saxo schizophrènes et débridées (tels le Shining norvégien ou Ihsahn sur l'album After), Alexey Iskimzhi (saxophone) n'oublie pas la mélodie (le pont de "Deviant Shapes", "Stillborn Knowledge", ou encore le court interlude "Rain as Cure"). Apportant une plus-value indéniable à l'album, le saxophoniste joue avec les thèmes, s'efface pour laisser la place aux instruments plus traditionnels puis se rappelle à nouveau à nos oreilles, tantôt avec douceur, tantôt avec intensité. Imaginez les interventions de Mel Collins (King Crimson, Crimson ProjeKCt) ou Theo Travis (Steven Wilson, The Tangent) sur une musique parfois ambiante ("Rain as Cure" rappelant presque les atmosphères de polars), parfois violente mais toujours sincère.

Les autres instrumentistes ne sont pas en reste et se mettent tous au service des compositions, jouant avec émotion ("Stillborn Knowledge" et son solo de guitare final très progressif, "Black Silent Piers"), sensation renforcée par le chant déchirant d'Andrew Rodin ("Black Silent Piers"). Ce dernier n'hésite pas à se mettre en retrait lorsque le saxophone s'élance, pour mieux revenir ensuite ("Homecoming", ""Futility Report").

L'expérimentation dont fait preuve le groupe lorgne parfois du côté de Gordian Knot (l'introduction de "Homecoming", "Rain as Cure") et pourtant, en dépit de ces influences nombreuses, on sent que le combo ukrainien propose une oeuvre toute personnelle et maîtrisée. Certes, les puristes du black metal seront certainement horripilés par les sonorités électro ponctuellement présentes (et qui concluent notamment l'album et le titre éponyme). Mais si Futility Report est un album déstabilisant à la première écoute, en acceptant de se laisser entraîner dans les méandres tortueux de l'oeuvre, l'auditeur ne peut qu'en ressortir sonné par tant de maturité, surtout pour un premier opus. White Ward est un ovni musical qui ne restera vraisemblablement pas longtemps dans l'ombre, même si la noirceur est son moyen d'expression ainsi que son terrain de prédilection.

Sorti le 12 mai 2017 chez Debemur Morti Productions
Photo promo : DR

NOTE DE L'AUTEUR : 9 / 10



Partagez cet article sur vos réseaux sociaux :

Ces artistes en relation peuvent aussi vous intéresser...