Technicité et efficacité. S’il n’y a que deux termes à retenir pour définir la formule de Moonlight Prophecy, il s’agit de ceux-là. Dans le milieu du thrash technique, il est pourtant souvent facile de dériver vers du shred déséquilibré au détriment de la cohérence et de l'intérêt des morceaux. Moonlight Prophecy évite cet écueil et propose dans son EP un thrash ambitieux qui se repose sur des bases très solides.
Le thrash metal aux forts accents de Testament que délivre la formation originaire de Philadelphia est réglé avec une précision remarquable. Les riffs de guitare électrique sont acérés et le shred très présent évoque sans mal les nombreux “guitar hero” que le genre a vu évoluer. Voyons-voir ce que ce petit EP de trois morceaux, intitulé Eternal Oblivion, a comme argument à faire valoir.
“Spellbound” pourrait être élevé au rang de modèle d’écriture de titre thrash ambitieux et technique. Tous les éléments attendus dans un instrumental du genre sont présents, et la tendance dérive rapidement vers la démonstration : les membres tiennent à montrer leur excellence technique. Si l’absence de lignes de chant peut limiter un peu le potentiel de réécoute de “Spellbound”, on tient tout de même ici un premier titre très solide, à la croisée du thrash progressif et du metal neo-classique. Le titre éponyme suit et tente de faire évoluer la formule : “Eternal Oblivion” est la seule composition de cet EP à voir le développement d’une ligne de chant, dans un style assez proche de celui de Chuck Billy mais avec moins de puissance. Plus lent et lourd, le titre semble au début plutôt bien équilibré et rythmé mais sa fin abrupte en fade-out en plein développement de thème et avant un vrai solo épique rempli d’envolées de shreds donne une très désagréable impression d’inachevé. Dommage.
“Witch Hunt” est alors proposé en clôture et revient vers la formule instrumentale de thrash technique, enchaînant des plans de shred sans fin sur une rythmique toujours plus violente et rapide, bien qu'assez classique. On peut d'ailleurs peut-être le regretter, et effectivement celles-ci ont déjà été entendues au moins mille fois auparavant dans la discographie de n’importe quel groupe de thrash. Mais c’est justement cette absence de folie dans les rythmiques, efficaces et éprouvées, qui permet de à Moonlight Prophecy de tenir la baraque pendant les solos.
Un défaut est cependant bien présent et vient ternir un peu l’écoute des trois titres de ce Eternal Oblivion. La batterie est en effet mal réglée à tous les niveaux, et c’est notamment dommageable au niveau des basses bien trop mises en avant, les coups de grosse caisse assourdissant les compositions qui n’ont pas besoin de cela (apprécier une descente de manche quand des kicks grossiers essaient de s’imposer par dizaines sur la musique, c'est un peu comme admirer le paysage d'un lac une soirée d'été avec des dizaines de moustiques). On regrette plus d’une fois que la précision technique dont fait preuve Moonlight Prophecy n’ait pas été accompagnée d’une plus grande précision sonore, mais il paraît vraisemblable que ce soit simplement dû à une limitation de moyens.
Très court, Eternal Oblivion n’est pas pour autant dénué d’intérêt, à fortiori si l’on a une veste recouverte de patchs et que les albums de thrash gardent une place de choix dans nos sélections. La production imparfaite n’enlève rien aux compositions sans concession, dont le shred omniprésent évoque un Yngwie J. Malmsteen évoluant dans un environnement de thrash technique, presque progressif à la Watchtower/Mekong Delta. Si l’exagération ne fait pas peur, l’écoute entière de l'EP est possible ici.
Sortie le 15 avril 2017