Dans le metal, on connaît bien le phénomène de clonage. Et dans le metal symphonique, tout le monde ne fait qu'en parler, surtout de celui sur Nightwish, même quand la comparaison n'est pas justifiée. Mais ça n'existe pas que dans ce milieu, fort heureusement, ou malheureusement pour les autres. Dans le heavy metal, le power, le thrash et compagnie, vous trouverez bien sûr quelques formations dont l'odeur de réchauffé ne trompe pas sur les influences. Même dans le dark metal vaguement blackisant, il y a des enfants qui veulent faire comme papa et maman. Ainsi, le groupe du jour, lui, est l'enfant caché d'Eisregen et de Cradle of Filth, du moins, leur album du nom d'Antik en avait toutes les inspirations.
Ils sont signés sur Napalm Records, viennent d'Allemagne, et sont nommés Nachtblut (pour les non-germanophones, le sang de la nuit. Tout un programme en un seul mot). Et leur précédent méfait n'était pas complètement jouissif, loin de là. C'est donc un nouveau défi pour le quintet qui compte une femme en son rang, mais pas au chant : réussir avec Dogma à sortir un brûlot qui leur permettrait de sortir un peu du lot, et de montrer qu'ils sont capables de faire quelque chose de bien ! On peut y croire, ce serait fort agréable après tout, et puis, en ce moment le label autrichien nous gâte de belles sorties (Candlemass, Lonewolf et Huntress, par exemple, ont fait le bonheur de leurs chroniqueurs respectifs). Pas de raison pour que la formation allemande soit une exception dans le lot. Non ? Ben si.
Nous évoluons donc ici dans un registre vu déjà des dizaines de fois, si ce n'est plus. Et cela aurait pu être bon si nos chers allemands n'avaient pas la fâcheuse tendance de n'avoir absolument aucune personnalité, et ce en dépit de toutes leurs interventions stylistiques diverses et trop peu variées. Bien sûr on se situe dans ce genre couramment appelé dark metal, croisement entre le goth rock et le black metal, mais on ne garde généralement de black que la voix, surtout dans le cas présent où la guitare n'a rien du tranchant du black metal, ni même du symphonique. Pourtant, on retrouvera trop nettement encore une fois l'impact de Cradle of Filth sur notre combo d'outre-Rhin : que ce soit dans le chant, dans les tentatives d'instaurer des mélodies plutôt lugubres, la période récente des britanniques est passée en revue. Ainsi, doutons de l'honnêteté du propos dans Dogma, qui ira sans aucun problème ratisser chez la jeune effarouchée en manque de sensations fortes. Et encore, de ce côté là, il faudra chercher vraiment très loin, car ce n'est pas ici que vous en trouverez. Non, car notre compagne à l'écoute de cette galette a un nom : l'ennui.
Chez Nachtblut, on veut effrayer, mais juste un tout petit peu. Sinon le public va se mettre à détaler en courant comme des lapins, les riffs trop acérés, ça fait peur, bouuuuh. Alors on se colle du maquillage blanc sur la tronche, on y va de nos trognes les plus méchantes, de nos sourires sadiques et nos yeux globuleux pour jouer une musique désespérante de banalité, de platitude et se révèle tout aussi inintéressante qu'anecdotique. La partition ne décolle donc qu'à de rares occasions, se cantonnant ainsi la plupart du temps à un propos gentillet et peu offensif, ni même aguichant, ce qui semble pourtant être le but premier de la formation. Ainsi, deux éléments rentrent en collision, s'entremêlent mais mal, et ne vont donc pas ensemble : le chant et son accompagnement musical. Seul un instrument tire son épingle du jeu, c'est le clavier, tenu par la demoiselle du quintet, et c'est à peu près la seule qui sait trouver de bonnes mélodies ou des idées un tantinet intelligentes. L'ambiance, d'ailleurs, ne repose que sur Lymania, qui aime jouer dans la cour de ceux qu'on a déjà assez nommé plus haut. C'est assez flagrant sur « Dogma » ou « Vulva », qui ne retiendront l'attention ni l'un, ni l'autre. Car en plus d'un manque flagrant d'accroche et de moments palpitants, l'air de déjà vu omniprésent vient également mêler son goût nauséabond à des sonorités industrielles pas forcément du meilleur effet, bien qu'elles pourraient être intéressantes. Le mélange n'est pas mauvais, mais il aurait été utilisable d'un autre manière. Bien qu'elles renforcent à peu près l'attrait d'un « Mordlust » pourtant pas loin d'être dans les profondeurs de la morosité, les pousser encore plus en avant serait une expérimentation tout à fait louable, après tout, se démarquant de l'ombre de leurs modèles. Hélas, trop superficielles, ces sonorités que l'on jurerait de temps à autre empruntées à Oomph! restent comme un bruit de fond pas désagréable, mais manquant de profondeur, un défaut trop récurrent chez Nachtblut.
"A table, le repas est prêt !"
Car déjà que c'est très peu plaisant sur la forme, alors imaginez quand il s'agit de parler du fond, car là, c'est vers le néant qu'il faudrait se tourner. Et globalement, la recette est restée à peu près la même que sur Antik, peu de remise en question des défauts du brûlot d'antan, donc. Non, pourquoi changer une formule qui gagne ? Sauf qu'ici, on souhaiterait bien que, justement, ils varient un peu les idées et ne nous resservent pas plusieurs fois d'affilée un met plutôt indigeste. Car au niveau des structures, mais surtout des lignes de chant, et du manque réel de puissance, un sentiment de linéarité apparaît au fur et à mesure, ce qui, sur la fin, devient difficile à avaler, et au niveau de la onzième piste, direction les toilettes pour régurgiter. La ritournelle du couplet à l'accalmie totale (c'est dire à quel point ça ne décolle pas), puis d'un refrain rehaussé par un clavier qui, tant bien que mal, essaye de réveiller une guitare endormie et un chant qui reste sur les mêmes lignes, se répète encore et encore, inlassablement, à quelques exceptions près. Le refrain de « Macht » reste sur la continuité, et s'évertue à perpétrer l'osmose quant à l'incommensurable fadeur du morceau, ou même du disque en général. « Der Wieg ist das Ziel » a au moins le mérite d'être correcte, et de se faire remarquer grâce à sa dame à corde bien plus en avant que dans tout le reste de la mouture. Elle dispose même d'un jeu plutôt malin entre celle-ci et la claviériste qui lui donne la réplique dans la joie et la bonne humeur. Un petit oasis dans ce grand désert de la pauvreté abyssale.
Alors avec des refrains qui tombent à plat de la sorte, difficile de faire plaisir à un auditeur frustré qui pensait peut-être trouver une alternative plausible et crédible à Cradle of Filth. Sauf qu'en plus de se faire méchamment enfler, Nachtblut va ajouter une dose de cliché supplémentaire par l'usage de la langue de Goeth. Pas un défaut en soi, certes, mais cela donne encore plus de mal, pour certains, à faire adhérer soit à la démarche, soit à la musique du groupe. De l'autre côté, les amateurs de ces sonorités pourront aisément s'apitoyer devant le ridicule de certaines paroles (« Ich Trinke Blut » vaut le détour pour cela), et voir se renforcer encore davantage les similitudes et accusations de plagiat sur leurs compatriotes d'Eisregen, qui ont au moins la décence de faire un peu mieux, même si, eux aussi, n'ont pas été très resplendissants avec leur dernière œuvre en date. Qu'importe, car cela donne un aspect encore plus guttural au chant d'Askeroth.
Parlons-en, de ce frontman. Car s'il est bien un point qui enfonce dans la médiocrité notre formation, c'est bien lui, par la faiblesse de sa prestation et son manque cruel d'émotion, de versatilité, de souffle, de puissance, en clair de technique. Les quelques hurlements en chant death, comme dans « Rache » où il adopte des teintes plus industrielles (qui évoqueront presque Rammstein) sont beaucoup plus convaincantes que son imitation hasardeuse de Dani. Difficile d'accorder quelconque crédibilité au chanteur devant une telle faiblesse et cette carence en charisme qu'il va falloir sérieusement travailler pour arriver à s'en sortir. Dur de constater ainsi le peu de progrès réalisés entre Antik et Dogma, Askeroth restant ainsi fidèle à lui même dans son aspect risible.
En fait, il faut plutôt aller chercher dans le plus risible pour dégager quelque chose, car chercher de la qualité ici reviendrait à perdre son temps dans une quête vaine et inutile. Autant donc parler du seul titre à peu près potable de tout le lot : « Der Weg ist das Ziel », qui commence de manière martiale au tambour, avant d'enchaîner sur un clavier plaisant et une guitare qui, elle, pointe finalement le bout de son petit nez pointu. Passons sous silence l'intervention vocale de notre chanteur peu compétent car il n'y a pas grand chose à en tirer, et puis il est plus utile de s'attarder davantage sur la musique, elle, plus adroite qu'à l'accoutumée, et qui dégage enfin quelque chose qui ne ressemble pas à de la monotonie ou de l'ennui. Il faut croire que quand ils veulent, ils peuvent, et Nachtblut nous prouve donc qu'ils savent faire autre chose que des titres sans intérêt, bien que la piste en question reste plutôt banale et n'est pas exceptionnelle. Elle est juste bonne pour du Nachtblut, ce qui reste presque un exploit.
Pour notre plus grand bonheur, Nachtblut met les petits plats dans les grands, et nous gâte avec du ridicule, et du cliché : « Ich Trinke Blut » est un single confondant de niaiserie, et respirant le mauvais Cradle of Filth. « Dogma » et « Die Schritte » souffrent du même maux : ces pistes sont sans teinte, vide, et ennuyeuses. « Dogma » tente d'introduire quelques guitares, sans succès tant le mixage place ces dernières dans une position peu stratégique, en retrait total. « Eiskönigin », fait penser au départ, aux anglais, tandis que le refrain irait presque lorgner sur Rammstein, mais tout reste dans les mauvais jours, dans la forme des groupes cités mais le matin au réveil. Il serait criminel de ne pas parler d'un « Rache » chiant comme la pluie avec des lignes de chant assez risibles, en contraste maladroit avec les sonorités que tente d'apporter le clavier. Et puis, pas besoin d'épiloguer car en réalité, presque tous les morceaux souffrent des mêmes défauts, on en croirait du clonage.
Nachtblut rejoint donc le rang des groupes totalement inintéressants, et qui mériteraient au mieux de passer inaperçu. S'ils devaient être connus pour une raison, espérons, pour la bonne santé du bon goût, que ce soit par leur ridicule et leur manque cruel d'originalité. La copie est donc à revoir presque entièrement pour cet élève dissipé, mais pas trop non plus, car il faut rester dans le rang malgré tout, sinon ça choquera trop, pauvre d'eux. Tant qu'ils adopteront cette attitude, ils ne parviendront pas à nous montrer l'étendu de leur talent. Alors bon courage, ou plutôt, bon travail à eux pour la suite, car ils en ont besoin. Dogma est à oublier au plus vite.