Samedi - 13h35 - Temple
A chaque édition sa panoplie d'ovnis, et rien qu'à voir la formation d'Igorrr s'avancer sur la scène de la Temple, on comprend que Gauthier Serre et sa bande seront de ceux-là. Une chanteuse pour assurer des parties opératiques, un comparse masculin peinturluré, un batteur et Gauthier derrière ordis et platines pour la programmation samplée et mixée.
Et nul besoin de grosses guitares pour apporter un son lourd et envahissant. Là où l'on penserait que cette étrangeté n'attirerait qu'un public de niche, et que les amateurs de metal extrême s'enfuiraient vite de la tente, offrant une place ombragée de choix et une ambiance intimiste pour savourer les frasques d'Igorrr, c'est tout le contraire. Pourtant, on aurait tout à fait pu comprendre que ceux ayant pu poser l'oreille sur Maigre, dernier EP en date - à défaut de pouvoir savourer Savage Sinusoid, sorti ce 16 juin -, fuient les lieux en hurlant à l'insensé, on ne les en aurait clairement pas blâmé.
Il faut alors cesser de douter de l'ouverture d'esprit de ceux habitués aux variations musicales, car au-delà de l'impossibilité de se frayer un chemin sous la Temple, les abords en sont ainsi sur-blindés. Les malins tentant l'approche par la Altar seront vites déconvenus, tout comme ceux pensant qu'ils pourraient regarder tranquillement l'écran situé sur le petit lopin de terre délimitant Temple et Valley. La foule est vraiment partout, chose que l'on pouvait trouver logique sur Alestorm la veille en soirée, et qui semblait plus improbable en début d'après-midi.
Igorrr propose alors un voyage aux confins de l'étrange, qui réussit l'improbable pari d'aborder des rythmiques ultra lourdes, de les mixer à de l'opéra classique (on reste plus proche de Verdi que de Nightwish) en les faisant frôler une hard-tech violente et destructurée. Laure Le Prunenec et Laurent Lunoir sont hypnotiques, se laissant totalement aller à leurs émotions, habités, et le rythme synthétique de Sylvain Bouvier accentue les parties électroniques. Surtout, les amateurs savent pertinemment que la musique d'Igorrr est extrêmement difficile à interpréter, et que l'on peut vite tomber dans un fouillis mécanique et brouillon. Il n'en sera rien, et le flot humain sera happé par cette étrangeté cosmique.
Voir un groupe de la trempe d'Igorrr est une fois de plus la preuve que le Hellfest est capable de s'accompagner du plus improbable, celui qui forme son sel et sa richesse. La programmation réserve encore bien des surprises de taille, et on sait désormais que les festivaliers en seront curieux à souhait. En tout cas, une chose est sûre : personne n'a compris quoi que ce soit, mais tout le monde était fasciné.
Photographies : Julie Warnier ©2017
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