Atoma – Skylight

Mesdames et messieurs, chères lectrices et chers lecteurs, aujourd'hui, c'est l'heure d'aller fouiller dans les vieilles archives pour aller déterrer des formations qui n'existent plus, et qui ont été oubliées de beaucoup (trop) de monde, alors que, pourtant, tout était là pour que le groupe en question bénéficie d'une reconnaissance internationale, tant le potentiel éclatait à la figure. Les dossiers ne manquent pas, et c'est vers la Suède que nous allons nous diriger. Pays qui a fait naître Katatonia ou Opeth, par exemple. Et le combo du jour, enfin, presque, n'en était pas éloigné, finalement, du premier nommé. Il s'agit de Slumber, et Fallout, seul et unique brûlot de ce quintet, mérite totalement votre attention. Une petite pépite d'or perdue, mais d'une saveur et d'une beauté, l'émotion reste intacte. En clair, précipitez-vous dessus.

Pourquoi parler de Slumber ? C'est très simple, vous allez comprendre rapidement. Une fois le combo enterré, les divers membres qui composaient la formation se sont répartis, à droite à gauche, allant faire leur petite tambouille dans leur coin. Pour trois d'entre eux, ce nouveau projet se nomme Atoma, et dans celui-ci, on y retrouve le chanteur et claviériste Ehsan Kalantarpour, le batteur Markus Hill, et Siavosh Bigonah, qui s'occupait de la basse chez Slumber, et qui s'en occupe toujours ici. Et la guitare, elle, est tenue par le très fameux Christian Älvestam, ancien Scar Symmetry, donc un joli petit line-up (bien qu'apparemment, Christian ne soit que membre de session ici), qui a intéressé tout de suite le label autrichien Napalm Records, qui nous offre soit de très belles choses, soit des flops (nous n'évoquerons pas plus longtemps l'immondice Nachtblut). Ces membres nouvelles unis à nouveau ont mis un certain temps avant d'avoir un deal, et cela n'est peut-être pas pour rien … mais sait-on jamais, la surprise est également susceptible de venir. Alors qu'en est-il, de ce Skylight ?

Musicalement, c'est en effet assez déroutant, pour ne pas dire inhabituel … car la musique pratiquée ici n'est pas ce que l'on a communément l'habitude d'entendre dans nos paysages du metal actuels, même si le style dit du post-rock / post-metal commence à être de plus en plus en vogue. Pourtant, résumer Atoma à cela est plutôt réducteur, et il est difficile de classer le quatuor dans un style bien particulier, au contraire, ils vont chercher un peu partout des ingrédients pour concocter une soupe copieuse, mais pas très allégée. Enfin, si, assez souvent quand même, car la dimension planante et atmosphérique occupe une grande part dans ce que joue le combo suédois, peut-être même omniprésente à de nombreux instants. Le sentiment de tristesse est aussi réellement important, exacerbé même, et sur la piste éponyme, c'est comme un cri de détresse que le chant se pose sur une musique à la fois lourde et légère. Une opposition, quelque chose à la base d'antinomique qui, ici, se superpose à merveille, et parvient à déployer un panel d'émotions encore plus dense, important et riche. Car oui, leur musique tire énormément sur la corde de la sensibilité, et a pour but de toucher en plein cœur la cible. A côté des touches metal, vous retrouverez aussi des accents rock, mais également beaucoup d'electro pour accentuer l'aspect futuriste du projet, qui semble prédominant lui aussi. « Hole in the Sky » mélange tout cela, mais parfois, ce n'est pas du mélange, c'est uniquement une teinte principale et une petite minorité d'autres éléments sur plusieurs morceaux.

D'ailleurs, si on regarde de plus prêt au niveau de la composition, nous avons à faire à un melting-pot de temps à autre, parfois à des titres qui s'inscrivent plus nettement dans un style, mais le tout reste naturellement très varié et uniforme à la fois. Un mixage assez difficile à décrire par sa caractéristique à imposer un brassage qui s'attire et se révulse à la fois, à la frontière du borderline à plusieurs reprises, mais on retrouve presque toujours le petit plus qui fait toute la différence et permet, avec ce professionnalisme, de parvenir à du digeste, même si le potage sait aussi se faire plus pesant sur l'estomac. Et plus ça reste, plus c'est bon, justement car des mélodies comme « Skylight » ou « Hole in the Sky » imposent véritablement une atmosphère, une ambiance particulière, cet « apocalyptic post rock / metal » comme le décrit si bien son concepteur. Sauf que, pour rester sur le même label, Atoma va à l'opposé de Kontrust. Là où les autrichiens / polonais jouaient beaucoup sur le fun, le côté décalé de leur musique et le rythme effréné pour incorporer leur joyeux bordel doux-dingue, chez les suédois, on reste toujours dans une dimension beaucoup plus posée, où la guitare est volontairement en retrait, histoire de mettre l'accent sur le chant, qui lui remplit son rôle à merveille et souligne majestueusement ce désespoir et cette vision que nos musiciens ressentent.

Atoma

We come to take you with us

En revanche, ils arrivent parfois à se perdre dans leur propre jeu, malheureusement. Si l'osmose est quasi-parfaite très souvent dans cette aura de beauté ambiante, ils lâchent un peu la pression de temps en temps, et c'est à ce moment qu'un spectre vicieux vient prendre la place de notre amie la passion. Ce fantôme, cet oiseau de mauvais augure, se nomme tout simplement l'ennui, et l'ambiante « Solaris », par exemple, en fait les frais, et ce malgré la beauté de sa voix féminine envoûtante. Les arrangements sont trop mis en avant et surtout, trop pauvres pour nous transporter à un quelconque endroit, surtout quand les narrations peu utiles arrivent au départ, sans parvenir à captiver. C'est ce que l'on peut appeler un raté, et bien que la musique d'Atoma ne soit pas particulièrement accrocheuse, que cet aspect est ainsi dire complètement délaissé au profit d'un style plus introspectif et moins explosif, généralement, tout passe sans problème, car ils parviennent à vous faire entrer dans leur monde de dévastation et de perdition. Pas par les refrains, mais plutôt par l'utilisation de la voix, planante la plupart du temps, ou de l'instrumental. Mais arrive un moment où ça ne prend pas du tout, et surtout, la très plate « Rainmen », qui est ainsi dire le titre qui est de loin le moins convaincant de tout l'opus, qui lui, souffre de quelques longueurs vers la fin, ce qui est fort dommage. Mais « Rainmen » est longue, superficielle, et si elle s'avère cohérente, elle reste dans cette constante de banalité et de monotonie.

Le manque de souffle et de renouvellement n'aide donc pas à faire décoller de temps à autre un album qui se serait révélé bien plus attrayant s'il ne donnait pas parfois l'impression d'écouter une BO d'un film assez raté, et pourtant ô combien intéressant dès son démarrage. C'est un peu le problème que rencontre Atoma, car à partir de « Solaris », tout devient un peu moins bon, sombrant lentement vers la banalité tant redoutée, et la place quasiment démesurée des touches electro ou apocalyptiques empiète sur la beauté de l'ambiance générale. Bien sûr, on appréciera les petites touches animalières sur « Saturn and I », piste ambiante mais pas folichonne, ou la longue montée en puissance d'un « Cloud Nine » qui relève un peu le niveau, entre l'apparition d'une guitare qui commençait à nous manquer, ou les interventions des voix masculines et féminines. Mais ce redressement arrive trop tard car c'est déjà la fin du brûlot, et donc, un peu un raté sur les bords, même s'il permet de ne pas terminer sur un goût amer. Aspect bancal, longueurs, voilà qui caractérise maladroitement une bonne partie des minutes qui attendent l'auditeur à partir du septième morceau, alors que tout ce qui arrivait précédemment était presque irréprochable, et nous promettait vraiment du bon, du beau, de l'émotion tout simplement.

Ils peuvent heureusement compter sur une chose : une production bien ajustée, qui laisse à sa place tous les éléments dans le décor pour ne se concentrer généralement que sur l'essentiel. Les effets sur la voix lui confèrent ce côté lancinant qui colle également à merveille à la façon de chanter d'Ehsan, et le mixage, qui relègue les parties plus metal au second plan au détriment de l'ambiant, est en réalité très judicieux, bien qu'il déplaira certainement aux puristes. En effet, la reine à cordes n'est pas un élément clé, même si elle apporte son grain de sel avec joie dans les moments où le combo souhaite se faire plus lourd et oppressant. On ne sera donc pas surpris par ce côté lointain, comme le chant, et cela au détriment de l'orchestration, point d'orgue quant à l'apport d'atmosphères. Presque tout passe par elles, et c'est en grande partie cette minutie qui octroie toute sa magie et sa beauté à un morceau du calibre de « Hole in the Sky », une réussite complète, et qui est loin d'être un cas isolé sur le brûlot.

Oui, car c'est souvent dans les titres plus lourds, ou antinomiques, qu'Atoma réussit paradoxalement à octroyer le plus de substance à sa musique, et à en faire une petite merveille. Ce qui fait la différence entre un « Solaris » et un « Highway », c'est en grande partie le côté lourdeur apposée, et le travail sur le chant. Ces éléments sont une clé, que le quatuor s'évertue à ne pas laisser au hasard, ce qui renforce davantage l'incompréhension quant à une fin d'album un peu décevante. L'instrumentale « Bermuda Riveira » est très étrange, mais prenante, et il est clair que tout y est minutieux, de même que « Resonance », un titre beaucoup plus metal, qui contraste avec la suite du brûlot, mais aussi avec « Skylight », où l'on perçoit davantage une inspiration sur le rock, parfois même des petits relents à la Muse, mais de loin. On reste quand même sur une base où le côté metal se mélange, voir se fond dans les influences rock, et ce, avec un petit passage en persan (le chanteur étant d'origine iranienne) qui a du charme :


Tabar be sar [An axe to the head]
Mirim shnab [we walk to the night]
Korshid ra biar pain [to bring down the sun]

(extrait du morceau Skylight)
 

Les paroles sont très peu nombreuses dans l'opus, mais occupent quand même une place importante, primordiale même, autour du concept illustré dans ce superbe Skylight.
Mais le titre qui marque est donc bien évidemment, « Hole in the Sky » qui réunit tout ce que l'on aime chez Atoma : un chant hanté, possédé et évanescent, qui s'évapore lentement dans une musique futuriste et puissante, planante aussi. Vous comprenez le principe, et c'est une merveille à l'oreille.

Ehsan Kalantarpour utilise sa voix avec précaution, éthéré, très peu dans la force (quelques passages du refrain de « Hole in the Sky »), mais souvent bien plus au service de la musique. Il est en alchimie avec l'ambiance, ses cordes vocales sont un instrument, comme tous les autres, et, comme il connaît sa voix, il la maîtrise à la perfection et sait où chanter et comment à chaque fois pour mieux nous prendre au piège de sa douce mais sinistre apocalypse. Il s'agit sans aucun doute d'un point fort d'Atoma, qui est exploité très judicieusement, et il sera curieux de voir la direction que va prendre le combo par la suite.

Skylight est une œuvre difficile à juger, tout comme Atoma est difficile à catégoriser et à décrire. Est-ce le signe des grands ? Peut-être. Mais si nos suédois ont un potentiel à la limite de la démesure tant les émotions sont parfois fortes à l'écoute de ce premier album, il subsiste encore des ratés et des imperfections, qui viennent noircir un tableau que l'on aurait souhaité plus mouvementé et ravagé encore.
Voilà un groupe qui pourrait aller très loin. Et Napalm Records semble avoir flairé le potentiel avant tous les autres labels. L'évolution d'Atoma est quelque chose à prendre en compte dans la suite, mais aussi, sur toute la scène metal, car voilà une formation presque unique, non dénuée de charme et de personnalité. Ce sont des points qui ne mentent pas quant au talent. Et ils en ont. Beaucoup, même.

NOTE DE L'AUTEUR : 7 / 10



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