Lorsque l'on parle de Metal allemand, on pense souvent à des groupes bodybuildés et tatoués, portant mulet et moustache ( pour les plus « true » ) posant dans des poses machistes ou arborant des cartouchières à rendre jaloux tout bon chasseur camouflé dans un étang de la Somme ( département bien connu pour posséder une grande population de Colverts , canard sauvage qui bien cuisiné en civet fait la fierté de la cuisine picarde très appréciée par les touristes en short ) .Musicalement, l'Allemagne est surtout connue pour avoir enfanté deux monstres métalliques dans les années 70 : Les aînés Scorpions ( qui en sont à la deuxième année de leur première tournée d'adieu si j'ai bien suivi) et les virils Accept, groupe précurseur du Speed Metal qui est en fait détenteur de la trademark du Metal Teutonnique faite de choeurs dignes de légionnaires en rut, de riffs durs comme le béton utilisé par la mafia sicilienne pour initier ses concurrents à la plongée sous-marine et aux rythmes aussi lourdement chaloupés que le postérieur d'une bergère autrichienne.
Evoquons aussi la scène speed mélodique initiée par Helloween et ses disciples, ou confrères ( Blind Guardian et ses hobbits, les pirates fatigués de Running Wild ou les pilleurs de sépulture amateurs de cornemuse Grave Digger), avec ses refrains qui semblent parfois être inspirés des comptines de l'Oktoberfest. Pour les amateurs de décibels agressives y'a aussi la scène Thrash, dont les musiciens aux cheveux plus gras sont parfois plus revendicatifs. Entre nous, il faut l'avouer, le Metal allemand c'est pas fin en général ( et c'est un fan d'Accept et de Kreator, entre autres, qui vous dit ça ) et ce n'est pas Rammstein ( peut-être le groupe qui s'est le mieux exporté avec Scorpions ) qui avec ses sodomies mimées sur scène, ses textes pas toujours finauds déclamés de façon gutturale , ses rythmes martiaux, ses clips pornos et ses covers d'albums parfois moches ( ah ces hommes posant torse nu sur un fond orange sur la pochette de Heirzeleid. ) qui viendra remonter le niveau. Bref le Metal allemand c'est parfois aussi gras que la charcuterie produite par le même pays. Mais la scène musicale locale est aussi connue, et réputée, pour ses groupes gothiques, plus fins que les lourdauds métallos ( enfin cela dépend, penchez-vous un peu sur Umbra et Imago, ça pèse lourd parfois en maquillages et clichés) et possède un festival très réputé dans cette mouvance ( le Wave Gotik Treffen qui se déroule tous les ans à Leipzig ). Ainsi les Lacrimosa ( qui flirte souvent avec le Metal en collaborant notamment avec quelques artistes issus de cette scène ), Das Ich ou Goethes Erben sont tout à fait recommandables aux amateurs d'ambiances sombres comme peuvent l'être les coins les plus reclus de la Forêt-Noire. Ma dernière découverte dans ce genre se nomme Ewigheim. Autant mettre les choses au clair tout de suite : Ewigheim n'est ni un groupe gothique, ni un groupe de Metal, au sens germanique du terme ( quoi que parfois on peut penser aux déjà cités Rammstein en écoutant leur dernier album ), il se situe un peu entre les deux scènes et c'est justement cela qui en fait l'originalité quelque part je trouve.
Les membres de ce combo sont issus principalement de la scène métallique locale, à commencer par le guitariste Markus Stock et le chanteur Allen B. Konstanz que l'on retrouve aussi chez la, très bonne, formation d' « horror Metal » The Vision Bleak ( si j'en crois ce que j'ai lu Konstanz chantait déjà dans Ewigheim avant de rejoindre TVB d'ailleurs). Ewigheim s'est formé en 1999 et Bereue Nichts, disponible depuis le 25 mai 2012 sur Massacre Records, est donc leur troisième album.
Ce qui rattache fortement Ewigheim à la scène spleenique allemande déjà est le dialecte choisi pour exprimer ses émotions qui n'est autre que celle de son pays d'origine, donc forcément on pense aux confrères dark tout au long de Bereue Nichts qui plaira autant aux Werther en devenir qu'aux fans de metal gothique non hermétiques à la langue de Goethe. Ainsi on navigue entre ambiances goth' rock ( l'inaugural « Heimhehr », « Stahl Trifft Kopf » et son intro un peu électro qui rappelle Oomph !, « Was Bleit » ou le final « Der letzte Mensch » ), et atmosphères plus heavy ( les assez Doom « Staubfrei » et « Schmutzengel », le très efficace, et qui ferait un bon single, « Schatten » avec son gros riff et ses choeurs virils ou le break efficace de « Dürrer Mann » qui donne un second souffle à ce morceau qui débute sur une note mélancolique ). Si les guitares ( tenues par Markus Stock et un certain Yantit qui s'occupe aussi des programmations ) sont bien présentes tout au long de ce nouveau disque d'Ewigheim, elles se partagent néanmoins la vedette avec les parties de claviers jouées par Konstanz, que ce soit sur le lent « Staubfrei » ( et son orgue morbide qui fait songer à My Dying Bride ) ou «Stahl trifft Kopf » et « Was Bleibt... » ( un autre morceau qui me rappelle Oomph ! ), morceaux sur lesquels les sonorités sont plutôt synthétiques, ou le piano de « Morgenrot » ( un morceau plutôt court aux sonorités romantiques rappelant les oeuvres de Chopin ou « La sonate au Clair de Lune » de Beethoven et qui sert un peu d'interlude au milieu du disque ) ainsi que sur « Schmutzengel » ( dont l'intro me fait curieusement songer au... « Jailhouse Rock » d'Elvis Presley, hm désolé ).
Ce même Allen B. Konstanz, qui s'est occupé des parties de batterie aussi, nous gratifie de parties vocales suffisamment nuancées ( on ne retrouve pas son chant de créature des ténèbres narrant ses chasses nocturnes qu'il emploie souvent sur les morceaux de The Vision Bleak cependant ) pour éviter de lasser, que ce soit la mélancolie exprimée dans « Heimhehr », « Staubfrei « , « Morgenrot», « Schmutzengel » et «Dürrer Mann », ou lorsque le vocaliste se montre un poil plus agressif comme sur le morceau qui donne son titre à l'album, « Schatten » et « Der letzte Mensch » ( avec ses « r » roulés comme seul un parfait teutonic lover sait le faire ). En bon groupe allemand ( oui je sais, les clichés encore...), Ewigheim possède aussi un côté martial, ce qui lui donne une certaine efficacité parfois comme c'est le cas sur les presque dansants « Bereue Nichts » ( et son terrible break de basse que l'on aurait pu retrouver chez un Rammstein plus organique ), « Stahl Trifft Kopf », « Schatten » et « Was Bleibt » qui peuvent faire sensation en soirées gothiques.
Pour conclure cette chronique « Pils et Breitzels », je dirais que Bereue Nichts n'est ni l'album du siècle, de l'année ou du mois mais est suffisamment bien composé et produit pour remplacer les CDS de Tokio Hotel ( qu'elle brûlera ensuite bien sûr, c'est le but d'une oeuvre subversive: Montrer le droit chemin ) de votre petite soeur lorsque vous lui offrirez disque pour son 12 ème anniversaire.Sinon, je prendrais bien un coup de snachps en écoutant « Schatten » moi.
Liste des titres :
1.Heimkehr
2.Bereue Nichts
3.Staubfrei
4.Stahl Trifft Kopf
5.Morgenrot
6.Schatten
7.Schmutzengel
8.Was Bleibt...
9.Dürrer Mann
10.Der letzte Mensch
11. Mal Ehrlich (titre bonus figurant sur la version digipack limitée à 2000 exemplaires)