Entretien avec Xavier Napora, chanteur de Malemort

Deux albums au compteur et une réputation qui monte, monte et monte, Xavier Napora garde la tête sur les épaules. Conscient de la percée de son groupe, le chanteur et principale tête pensante de Malemort semble un brin fatigué mais très heureux de faire la promotion de son bébé, Ball trap, sorti l’hiver dernier. A l'occasion d'une interview parisienne, l'homme joue le jeu sans problème: Littérature, histoire et surtout musique, Xavier parle de ses compositions avec passion et sourire...

Bonjour Xavier et merci pour cette interview. Ma première question est un peu simpliste mais étant donné que vous avez sorti votre deuxième album l’hiver dernier, pourquoi faire des interviews maintenant ?

Nous faisons cela maintenant parce que Season of Mist va distribuer notre album. En décembre nous avons sorti Ball trap en autoproduction, c’était un choix. Autant pour le premier album j’ai lancé le truc et je n’ai pas attendu que l’on nous tende la perche. Autant pour le deuxième, j’aurais pu « activer » des contacts mais j’avais l’impression que les choses traînaient, je ne pouvais plus vivre avec cet album terminé, il fallait qu’il sorte. Et puis je crois qu’on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, j’étais très satisfait par ce que nous avions fait sur le premier. Alors je me suis dit « Allez, on le fait, on le sort ». Et au moment de la sortie, nous avons été approchés et nous avions tellement engagé d’énergie, tellement mis toutes les billes que finalement c’étaient des deals qui ne me convenaient pas : nous prenions les risques, les autres ramassaient. Je ne voulais pas de ça.

Si tu n’es pas dans la première moitié des groupes les plus importants, tout reste à ta charge quelque soit le label. Nous tracions notre route, nous avions des chroniques géniales à la sortie. Ce n’est pas par orgueil, mais j’en ai tellement bavé, c’était un tel travail de faire l’album puis la promo, je crois qu’on ne savourait même pas. Et puis Season of Mist que nous avions déjà contacté mais trop tard, l’album sortait trop rapidement après cette prise de contact, cela ne s’est pas fait. Et puis après la sortie, voyant la tournure des événements, notre éditeur a contacté Season of Mist et ça s’est fait. Les choses avancent et cela me permet de me libérer.

Malemort

Autre flou : le line-up. Peux-tu faire un peu le point sur tes confrères puisque nous avons notamment un batteur devenu guitariste mais qui n’était pas là à votre date au Divan du monde il y a quelques semaines… Je suis perdu.

Sur le premier album, j’ai joué avec des amis d’enfance qui m’ont toujours suivi, j’ai eu toutes les phases : metal, heavy, rock… Et je savais ce que je voulais proposer quand je suis revenu au metal. Les mecs m’ont suivi et une fois l’album sorti, il y a eu une montée en puissance et nous avons enchaîné beaucoup de concerts, on s’en est pris plein la figure. Ils ne s’étaient pas attendu à ça, et un moment donné, ils se sont dit « ce n’est pas notre » vie. Et heureusement on évoluait dans un milieu où l’on commençait à connaître pas mal de bons musiciens et donc nous avons fait la jonction entre les deux line-up. Ensuite les membres actuels sont arrivés, et le guitariste/batteur Sébastien était mon second dans l’affaire. Il était guitariste mais comme nous n’arrivions pas à trouver un batteur il a dit « hop, je passe à la batterie », il est batteur de formation. Il a enregistré les parties batterie sur le deuxième album. Et puis, Steve notre guitariste a quitté le groupe et Sébastien avait envie de reprendre la guitare. Et à côté nous connaissions Viken depuis quelques temps, il était venu joué quelques percussions sur scène avec nous. On connaissait son niveau et son enthousiasme, on a dit OK.

Quant à l’absence de Sébastien au Divan du monde, c’est à cause de problèmes de tendinite à répétition ce qui nous a un peu compliqué la tâche. Mais dans le 95 d’où nous venons, il y a un vivier de musiciens, donc on se débrouille (rires). 

Parlons donc de cette date au Divan du Monde avec Acyl et 6.33, cela faisait trois formations qui n’ont pas de limites dans leur musique…

Nous avions déjà expérimenté cette affiche il y a un an. Humainement c’était formidable, et effectivement il y avait quelque chose qui nous plaisait dans cette association. Nous avons la même démarche, nous avons tous les trois des univers musicaux variés et si notre vecteur premier est bien le metal, il n’y a rien d’exclusif, ce qui compte avant tout c’est la bonne chanson. Et si 6.33 et Acyl partagent cette idée. Et lors de cette soirée nous avons senti quelque chose chez les gens, lorsqu’ils parlaient, ils sentaient cette logique dans les trois groupes. Et ça c’est génial car nous avons la même vision de la musique et en plus on s’entend bien ! Parfait ! Et cette affiche va être reproduite courant octobre mais je ne peux te dire où.

Malemort

Ball trap a plus de six mois maintenant puisque vous l’avez donc sorti en décembre 2016, quel est le bilan ?

Cela représente une forme de confirmation par rapport au premier album. Les gens ont intégré l’idée que l’on se faisait de la musique. Les questions ne sont plus les mêmes aujourd’hui, ils ont compris ce qu’est l’identité Malemort, c’est quelque chose qui est totalement admis et c’est très agréable. Je pense que nous avons beaucoup travaillé sur certains détails comme les arrangements, c’est vrai qu’ils sont assez discrets mais qui constituent une forme de progrès par rapport au premier. Et puis ce deuxième album… Il a quand même été vachement bien reçu (rire gêné). D’ailleurs j’en profite pour dire que la Grosse Radio nous a beaucoup aidé à nos débuts, un rédacteur, Ben l’ancien, nous avait contacté directement pour nous interviewer et chroniquer notre album, nous nous sommes retrouvés dans la prog.

Mais on n’a pas chroniqué Ball trap, on rectifiera le tir. Parlons des textes, tu t’es beaucoup inspiré du début du XXème siècle pour cet album. Quelles ont été tes inspirations ? Et rappelons que tu chantes en français.

Eh bien à la base je suis un fan d’histoire. Et je suis passionné par cette période car c’est un bouillonnement restreint sur quelques années. C’est la dernière explosion culturelle où Paris brille de mille feux, c’est le centre culturel européen, voire international. Où tu as des artistes de l’avant garde autrichienne ou des jazzeux noirs américains qui se retrouvent à Paris, le mouvement dada, dont je me suis inspiré pour "Cabaret Voltaire", le surréalisme… C’est un condensé en très peu d’années où il y a une effervescence incroyable. C’était il y a cent ans et c’était juste ici, entre Montparnasse et Montmartre. Je chante en français et d’une certaine manière, je dirais que c’est une défense de la langue française, mais j’ai envie de dire que nous aussi les Français nous pouvons défendre notre culture nationale et le faire dans notre langue. En réalité je crois que nous avons envie de renouveler certaines choses, nous avons des influences très anglo-saxonnes mais mettre du français dessus fait que ça ne sonnera pas anglo-saxon, et je crois qu’artistiquement cela apporte vraiment quelque chose.

Après, il y a toute la bataille avec la langue pour qu’elle ne sonne pas ridicule, c’est une autre paire de manche. Et puis je suis très lié à notre histoire et à la littérature, il faut être entier quand tu es musicien, il faut mettre ton âme dans ta musique, tes passions.

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« Cabaret Voltaire » rappelle beaucoup le guinguette metal de Voodoo Moonshine, le dernier EP de Trepalium.

Exact ! Il m’a beaucoup marqué. Je crois que c’est la première fois qu’ils ont trouvé un équilibre aussi bon entre le groove brutal et les mélodies guinguettes. Trepalium avant je connaissais un peu, mais après cet EP, c’était juste mortel.

Il y a un véritable fossé entre French Romance et Ball Trap, pas en termes de qualité mais d’inspiration. Comment s’est passé ce travail d’évolution entre les deux albums ?

C’est moi qui ai composé les morceaux du premier album, pour le deuxième, je me suis beaucoup appuyé sur Sébastien et travaillé en binôme avec lui. C’est un excellent compositeur dans le domaine du prog. Nous avons travaillé ensemble sur les arrangements, sur le mix final. Je pense que du premier au deuxième album, cela peut paraître discret dit comme ça, mais c’est une des évolutions les plus importantes. Le son est plus riche, mais de façon insidieuse. Quand je vois les retours que j’ai eu sur Ball Trap, beaucoup de gens me disent ça : l’album tient sur la durée et se bonifie d’écoute en écoute, ils entendent des petites choses différentes à chaque fois qu’ils le relancent.

Après, je ne vais pas chercher mes influences, on nous a beaucoup comparé à Faith No More, pas dans la technique ou dans le genre musical, mais dans notre approche de la musique, dans la variété des sons. Mais ce n’est pas intentionnel, c’est très instinctif. Je ne fonctionne pas par « collage », j’ai horreur de ça, je n’ai pas envie de coller deux trucs complètement opposés pour qu’ensuite les gens disent « Whoua ! T’as vu comme c’est expérimenal ?! ». Moi, je procède chanson par chanson : je cherche le bon couplet, le bon refrain et chercher cette « couleur » que l’on peut mettre autour. Et le but c’est de trouver ce qui va faire la transition pour passer du couplet au refrain qui sonne un peu différemment. Et ça, tu le fais avec ton vocabulaire musical. Le travail de l’harmonie, par exemple, tu ne prends pas que du metal tu prends d’autres formes musicales, c’est inconscient. J’ai l’impression que j’ai du mal à le faire croire mais entre "Cabaret Voltaire" et d’autres titres de l’album, je ne vois pas de réelles différences d’orientation. Pour moi ce sont deux moments différents de ce que je suis en train d’écrire.

Regarde, prends les grands albums de Led Zep, prends les grands albums de Queen, prends les grands albums des Beatles et regarde la richesse et la diversité musicale qu’il y a dans ces disques.  Moi je trouve que c’est ça la vraie richesse. Bien sûr dans le metal il y a le fait que l’on attend les émotions fortes. C’est ce qu’on attend quand on aime le metal, mais pour moi forte ne veut pas dire uniforme. Et malheureusement on a souvent des albums très uniformes et cela nuit à l’efficacité des morceaux. Finalement, si tu proposes des choses dans le même moule tu as le bon morceau de thrash, le bon morceau de thrash, le morceau de thrash moyen… Et je trouve qu’un album, notamment par les temps qui courent, est un vrai acte poétique quasiment, faire un vrai album veut dire faire passer les gens par des émotions et des teintes différentes, c’est primordial. Après peut-être que j’ai vieilli pour penser ça.

Côté avenir, et la scène, 6.33, UFO, Death Angel… Malemort a de belles expériences sur scène, quel sont vos prochains projets ?

Quelques concerts pour cet été mais pas de festivals. Entre septembre et novembre nous avons également quelques dates mais je suis nul en mémoire des dates et lieux, mais je sais qu’il y a majoritairement de la province. Nous avons envie de voyager un peu. J’ai dans l’idée que 2018 sera une année chargée mais qu’il y a moyen de toucher des festivals.

Je te laisse tribune libre : les derniers mots sont pour toi.

Encore une fois merci à La Grosse Radio, dont je bénéficie en tant qu’artiste mais que j’aime en tant qu’auditeur, vos auditeurs sont gâtés. Pour les notres eh bien je suis heureux que vous puissiez trouver notre album dans les bacs en France et dans quelques lieux en Europe, alors ne vous gênez pas !



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