Quelques jours après leur concert donné au Hellfest, les Québécois de Cryptopsy ont assuré une séance de rattrapage pour les habitants de l’Est de la France. L’événement est d’ailleurs d’autant plus grand que le combo emmené par Flo Mounier (batterie), unique membre d’origine, a décidé de jouer pour l’occasion l’intégralité de son disque culte, None So Vile. C’est à Reims que le quatuor a posé ses valises, sous l’impulsion de l’Association Myfist pour une soirée 100% death metal.
Dead Root
Choix artistique plutôt curieux, les Australiens de Dead Root ne sont que deux pour assurer le set de ce soir. Les musiciens vont envoyer sans discontinuer pendant une demi-heure un death/grind rageur, à la distortion particulièrement grasse.
Techniquement, il n’y a pas grand-chose à reprocher au duo, qui emprunte des éléments au death old school à la Autopsy, mais également au grind plus nerveux. Toutefois, malgré la configuration intimiste du lieu, on remarque rapidement que l’audience a du mal à rentrer dans le concert donné par Dead Root. Il faut dire que le chanteur / guitariste semble mal à l’aise pour communiquer entre les titres, et que les silences gênants qui ponctuent la fin des morceaux sont légion lorsque le guitariste réaccorde son instrument. Pourtant le public est présent et assiste à l’ensemble du set en applaudissant poliment entre les titres, mais le combo ne semble déceler sa présence et joue comme en répétition.
Le set ne semble réellement démarrer que lorsque le duo invite Matthias Joyce, le chanteur de Rottenness, pour partager le micro sur un titre. Et ce dernier, en véritable pile électrique parvient à mettre un peu de mobilité dans un set à la base plutôt statique. On sent que Dead Root n’en est encore qu’à ses débuts scénique. Il ne reste plus au groupe qu’à prendre un peu plus d’assurance sur les planches pour pleinement convaincre lors de ses prochains sets, puisque musicalement, le death/grind du duo est déjà prometteur.
Rottenness
Les Mexicains de Rottenness succèdent à Dead Root et immédiatement, on constate qu’à l’instar des Australiens, cette formation n’a pas non plus de bassiste en son sein. A trois sur scène, on sent toutefois la formation plus mobile que lors du set précédent.
D’ailleurs, le vocaliste échange également bien plus avec le public, trinquant avec lui (après avoir demandé la traduction française de « Cheers »). Musicalement, on assiste à un death globalement assez classique, avec une petite touche de modernité apportée par le chant presque hardcore de Matthias. Mais cela semble plaire au public qui réalise alors le premier (mais encore timide) circle-pit de la soirée. On notera cependant une utilisation de la cowbell un peu abusive de la part du batteur, ce qui n’est pas toujours agréable à l’oreille et a tendance à dominer l’ensemble dans le spectre sonore.
En live, il est courant de voir de jeunes formations effectuer quelques covers d’artistes les ayant influencés, d’autant plus qu’il n’est pas toujours facile d’assurer un set entier de titres originaux. Pour l’occasion, Rottenness retourne la Cartonnerie avec une reprise bien réalisée de « Whiplash » de Metallica, où le chant death remplace la voix thrashisante de James Hetfield sur l’originale. Effet garanti ! C’est d’ailleurs sur ce titre que le trio cède sa place, après avoir fait allégrement bouger quelques têtes.
Meatball Grinder
Formation basée à Epernay, Meatball Grinder commence à se forger une réelle expérience scénique en tournant au maximum dans la région. Nous avions découvert un groupe déjà prometteur il y a quelques mois, mais ce soir, c’est à un set particulièrement solide auquel nous assistons.
Musicalement, le combo assure toujours un death metal inspiré des classiques du genre, Cannibal Corpse en tête, mais parvient à insuffler sa patte et son envie dans des compositions efficaces et directes. Techniquement, Meatball Grinder semble avoir encore progressé, à l’image d'Alex, le vocaliste, qui parvient à poser sa voix et à la rendre plus puissante encore que dans nos souvenirs.
D’ailleurs, les spectateurs, bien plus nombreux que lors des deux premiers groupes, manifestent leur contentement et applaudissent chaleureusement la seule formation française de la soirée. Faisant honneur à son statut de sous-tête d’affiche de la soirée, les musiciens montrent que date après date, ils prennent en assurance, à coups de riffs accrocheurs et de rythmiques enlevées, qui donnent clairement envie de secouer la nuque.
Après quarante minutes de set fort plaisant, Meatball Grinder quitte la scène pour laisser la place à Cryptopsy, qui va mettre tout le monde d’accord.
Cryptopsy
Pour fêter les vingt ans de None So Vile, pierre angulaire du groupe, Flo Mounier et ses musiciens ont prévu de jouer l’album en intégralité. Et c’est donc tout naturellement que l’on retrouve le visuel de la pochette, de part et d’autre de la petite scène de la Cartonnerie. Après un rapide soundcheck, effectué par les musiciens eux-même, c’est parti pour une petite heure de violence ultime.
Derrière ses fûts, le seul membre d’origine de la formation blaste à une vitesse impressionnante, tout en donnant l’impression qu’il est totalement immobile. Le contraste est particulièrement marqué avec ses compères qui occupent le devant de la scène car Matt McGachy (chant) éructe dans le micro et fait tournoyer sa longue chevelure sans discontinuer. Si l’on peut critiquer le chant du vocaliste pour le fait qu’il n’articule absolument pas (à la manière de Lord Worm, son prédécesseur de la grande époque), on ne peut pas lui reprocher de manquer de puissance vocale.
Chris Donaldson, de son côté, semble produire ses riffs avec énormément d’aisance technique. Le son particulièrement massif n’est d’ailleurs produit qu’à une seule guitare, ce qui souligne la prouesse du six-cordiste.
Après quelques titres, McGachy annonce que Cryptopsy est là pour fêter l’anniversaire de None So Vile, et c’est le sample introductif de « Crown of Horns » qui résonne, avant que l’ensemble ne démarre sur les chapeaux de roue. Jusqu’alors, le public était resté étonnamment sage mais dès les premiers titres de l’opus culte de Cryptopsy, les spectateurs se laissent entraîner par les riffs brutaux et les blasts assassins de Flo Mounier. Avec son accent québécois, McGachy invective le public qui n’en a pas besoin et fait un bel accueil à la formation.
Les classiques se suivent (« Phobophile » et son introduction samplée au piano, « Dead and Dripping ») et prouvent que None So Vile n’a pas pris une ride et qu’il constituait déjà à l’époque de sa sortie un maître étalon en matière de brutalité et de technicité.
Flo Mounier fait preuve d’une aisance déconcertante et s’amuse presque à danser tout en martelant ses fûts, alors qu’il réalise une performance aussi bien sportive que musicale. Le set passe à une vitesse éclair, si bien que le public ne réalise ce qu’il se passe qu’au moment où Matt McGachy annonce « Orgiastic Disembowelment »: « vous savez ce que l’on va jouer ensuite. Ça va être le dernier titre, il n’y aura pas de rappel alors lâchez-vous et on se retrouve ensuite au stand de merch ! ». Il ne faut pas le répéter une seconde fois, le public de la Cartonnerie puise dans ses réserves pour finir ce set sur les rotules.
Cryptopsy a su gâter son public avec cette tournée anniversaire. Tout juste peut on regretter le fait qu’aucun titre de Whisper Supremacy, autre opus majeur de la discographie des Québécois, n’ait été interprété. Mais qu’importe tant Cryptopsy nous a donné une leçon de violence que l’on n’est pas prêt d’oublier.
Nous adressons un grand merci à l'Asso Myfist
Photographies : © Watchmaker 2017
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