En cette fin de période estivale et afin de se remettre tout doucement dans le bain d'une nouvelle saison de concerts en club, c'est vers le Trabendo qu'il fallait se diriger. En effet, en ce vendredi soir, un plateau ô combien éclectique et alléchant regroupait Converge et son mathcore alambiqué, les thrasheux d'Havok et Revocation, ainsi que Gorguts et son death metal progressif et dissonant. Et pour le coup, le public ne s'est pas fait prier puisque la soirée affiche complet. De quoi faire grimper rapidement le thermomètre dans un Trabendo où se croisent des metalleux issus d'horizons divers et variés.
Revocation
Si toutes les places en prévente ont déjà été vendues, la salle est pourtant loin d'être encore pleine lorsque les Américains de Revocation entrent sur scène. Très à l'étroit sur les planches du Trabendo, en raison notamment de l'imposant kit de batterie de Ben Koller (Converge) déjà monté, les musiciens ne semblent pas s'en soucier et envoie un set très énergique dès les premières notes.
L'audience n'est pas encore très réceptive et hormis quelques mouvements de tête, elle restera globalement attentive et sage face au death technique teinté de thrash de Revocation. Le combo met l'accent sur ses deux derniers opus, Deathless et Great is Our Sin, qu'une majorité du public semble découvrir. Musicalement, David Davidson (chant, guitare) et ses compères font preuve d'une aisance technique impossible à prendre en défaut, notamment lors des nombreux passages proggy qui parsèment leurs compositions (notamment sur le pont de "Madness Opus").
Avec des plans qui groovent et d'autres qui impressionnent (tels les nombreuses parties de tapping), Revocation propose un set solide et particulièrement efficace. Une bien belle mise en bouche pour débuter la soirée sous les meilleurs auspices.
Gorguts
Depuis la sortie de Colored Sands en 2013, nous avions pu voir Gorguts fouler les planches françaises à quelques occasions (dont le Hellfest 2014 ou une mini tournée étant passée à Evreux, Nantes et Toulouse). Toutefois, les Canadiens n'étaient plus revenus à Paris depuis août 2012, date à laquelle ils avaient alors donné un concert intimiste au Batofar devant une poignée de fans. Le concert de ce soir est l'occasion de remettre les pendules à l'heure.
Les choses démarrent d'ailleurs de la meilleure des façons avec l'excellent titre "From Wisdom To Hate", qui dévoile immédiatement le style dissonant et puissant de Gorguts. Luc Lemay est particulièrement en voix, même si son chant est sous-mixé au tout début du set (problème qui sera rapidement corrigé). La barrière de la langue n'étant pas un frein, le leader communique beaucoup entre les morceaux, ce qui donne une ambiance totalement intimiste et décomplexée au set.
C'est un fait, la musique de Gorguts est particulièrement exigeante et complexe. Toutefois, la prestation des Canadiens reste organique et bouillonnante, comme l'illustrent les parties de batteries de Patrice Hamelin, parfaitement exécutées sous l'oeil connaisseur de Samuel Santiago (ex-batteur de Gorod, First Fragment), présent dans le public. Et si Colin Marston (basse) a dû céder sa place pour la tournée, c'est Dominic "Forest" Lapointe (ex-Quo Vadis et ex-Beyond Creation) qui le remplace avec brio, apportant sa touche et son jeu à la performance des Québécois.
Avec un temps de jeu de 45 minutes, Luc Lemay et ses musiciens font l'impasse sur l'excellent EP Pleiades Dust sorti l'an passé, mais n'oublient pas les classiques d'Obscura ("Nostalgia", "Obscura") ni le dernier vrai opus, Colored Sands. En interprétant les très bons "Le Toit du Monde" et "Forgotten Arrows" en fin de set, Gorguts réalise une setlist parfaite, bien équilibrés entre les albums sortis au cours de sa seconde partie de carrière. Finalement, on ne peut que regretter que le temps de jeu alloué aux Québécois n'ait pas été plus long. De quoi espérer rapidement un retour de Gorguts à Paris, en tête d'affiche cette fois-ci !
Setlist Gorguts :
From Wisdom To Hate
Obscura
Nostalgia
Inverted
Le Toit du Monde
Forgotten Arrows
Havok
Havok semble passer son temps à écumer les routes européennes avec son thrash revival dévastateur. Et ce n'est pas pour rien que le Trabendo semble plus que plein lorsque les quatre Américains démarrent leur set, pied au plancher. A force de tourner, on sent le groupe toujours plus à l'aise et affuté. Bien entendu, les brûlots de Time is Up ("Prepare for Attack", "Covering Fire") font toujours autant de dégâts dans la fosse. Mais les extraits de Conformicide récoltent également leur lot de grands moments. On pense notamment au slap de basse de "F.P.C", sur lequel Nick Schendzielos (basse) pourrait faire passer Havok pour Infectious Groove, ou encore au très bon mid-tempo "Intension to Deceive". Certes, sur ces compositions plus récentes, Havok semble s'être assagit, mais scéniquement les Américains jouent toujours les chiens fous.
David Sanchez (chant, guitare) ne peut s'empêcher de monter sur les amplis qui parsèment le côté droit de la scène, devant un public qui sait comment accueillir le thrash old school des Américains. Les circles pits s'enchaînent et dans la petite fosse du Trabendo, la température monte encore de quelques degrés. On sent que les spectateurs sont venus en nombre pour Havok, qui réalise une prestation excellente, pleine d'énergie et de bonne humeur. L'intensité et l'efficacité ne redescendent pas d'un cran et on apprécie de voir le grand sourire sur les lèvres de Sanchez, qui prend un plaisir non feint à être sur scène et se donne toujours autant.
Avec ce set de trois-quart d'heure, Havok affirme encore plus son talent et se forge sa réputation de bête de scène du revival thrash. Prestations endiablées, compositions de qualité, frontman charismatique, il n'en faut plus beaucoup pour que le quatuor devienne rapidement un fer de lance de la nouvelle génération et s'impose comme un incontournable du thrash metal des années 2010.
Setlist Havok
Prepare for Attack
F.P.C
Hang 'Em High
Claiming Certainty
Ingsoc
Covering Fire
Intension to Deceive
Converge
L'heure est venue pour les thrasheurs de laisser la place au mathcore de Converge. La fosse est compressée et prête à en découdre, tandis que résonne la rythmique chaotique de "Dark Horse". Immédiatement, la foule se lâche et alterne entre crowdsurfing et pogos énergiques.
Il faut dire que Jacob Bannon (chant) ne se prive pas pour harranguer le public, tout en poussant des hurlements déchirants et en adoptant une gestuelle désarticulée à la Barney Greenway (Napalm Death). Arborant fièrement une fine moustache, Kurt Ballou (guitare) ne tient pas non plus en place, ne se calmant que sur le nouveau titre "Eve", pour déployer de la meilleure des manières les textures sonores qui ont fait la marque de fabrique et la signature de Converge au cours des dernières années.
A mi-chemin entre punk, hardcore, metal et prog, Converge propose une musique protéiforme et fait un pont entre l'ensemble des formations qui ont foulé les planches du Trabendo ce soir. Toutefois, si une bonne partie du public ne s'économise pas, il faut reconnaître que la complexité des structures du groupe, ainsi que la fatigue accumulée avec trois autres prestations puissantes prennent rapidement le dessus. On aurait en effet souhaité avoir droit à plus de titres issus de Jane Doe, le chef d'oeuvre de Converge, mais le quatuor met logiquement l'accent sur All We Love We Leave Behind, dernier né de la discographie des Bostoniens, en attendant The Dusk in Us, prévu pour novembre prochain.
Au final, Converge a délivré une bonne prestation qui a plu à ses fans venus en nombre, mais a souffert de l'exigence de sa musique et de la fatigue accumulée tout au long de la soirée. C'est le très progressif "Jane Doe" qui clôt la prestation endiablée des Américains, et qui permet à Jacob Bannon de lever enfin le pied pour recharger les batteries.
Avec quatre sets tous aussi intenses, le grand gagnant de cette soirée éclectique a été le public, qui a par ailleurs réservé un excellent accueil à l'ensemble des artistes présents. On ne peut que ressortir satisfait d'une telle affiche, qui clôt la période estivale de la plus belle des manières.
Setlist Converge :
Dark Horse
Aimless Arrow
Under Duress
Trespasses
All we Love We Leave Behind
Predatory Glow
Reap What you Sow
Cutter
Worms will Feed/Rats will Feast
Eve
I Can tell you about Pain
Eagles Become Vultures
Concubine
Jane Doe
Photographies : © Justine Cadet / Justinator 2017
Toute reproduction interdite sans autorisation du photographe.
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