"Je crois qu’en découvrant on a la possibilité de se rendre compte que d’autres genres peuvent plaire aux fans les plus érudits."
Dans festival, il y a estival… Pourtant certains ne le voient pas de cet œil là. C’est le cas de Guillaume Sabarot, responsable de la communication de la première édition de l’Interceptor Festival, qui se déroulera dans trois lieux de Bordeaux du 5 au 7 octobre 2017. La tête sur les épaules, c’est avec passion et humilité que Guillaume s’est présenté et a présenté son bébé à La Grosse Radio. Le tout avec le bon accent du Sud-Ouest.
Bonjour Guillaume, merci pour cet interview. Avant de parler de ton festival, peux-tu te présenter à nos lecteurs ?
Bien sûr ! Je m’appelle Guillaume Sabarot, j’ai 25 ans, je travaille au Void, petite salle associative punk-metal du centre-ville de Bordeaux. Anciennement, cet endroit s’appelait L’Heretic, nous avons repris cette salle après y avoir travaillé quelques années. Concernant l’Interceptor, je travaille à la communication avec ma collègue Flore de la Rock School Barbey. L’Interceptor est à la base une idée de fin de soirée pendant laquelle on se disait qu’il pourrait être bien d’unir ces deux salles avec leurs différences pour organiser un festival dédié aux musiques extrêmes. Petit à petit, à force d’en parler et de propositions cela a plu à beaucoup de personnes. Et aujourd’hui, dix mois plus tard, nous avons un projet très bien en place et un événement qui verra le jour début octobre. A la base, j’aurais dit que j’adore le thrash metal, le heavy et le death, mais avec l’élaboration de la programmation, j’ai eu l’occasion de découvrir au compte-goutte les groupes, les uns après les autres, et j’ai pris des baignes dans tous les sens par rapport à plein de style de musique : le grind, le black, le doom… Et du coup j’avoue que je ne peux plus dire quel est mon style de prédilection avec tous ces groupes qui ont ouvert des portes (rires) !
Parlons de la scène metal en Gironde, comment se positionne l’Interceptor ?
Au niveau de la diversité de ce que l’on propose, je pense, du haut de mes 25 ans, que nous avons une culture assez riche. Je pense par exemple à Gojira qui a fait son premier DVD live à la Barbey, et il y a beaucoup de groupes que j’adore qui sont passés dans cette salle. Et depuis une dizaine d'années, je pense que cela a eu tendance à freiner un peu. Alors je ne sais pas pour quelle raison, parce que c’est vrai que le public est toujours là, mais c’est vrai que cela nous a donné envie de redonner un peu de présence aux musiques extrêmes que nous aimons et qui font notre quotidien.
Comment résumerais-tu l’état d’esprit de ce festival et son image ? Le post-apocalyptique semble être au cœur de tout, notamment avec cette affiche inspirée de Mad Max.
Disons qu’à la base nous avons pas mal de choses qui nous unissent, autant du côté Rock School Barbey que du côté Void, avec pas mal de gens qui ont été très actifs sur les événements metal du côté de Bordeaux. Disons que oui, l’univers de Mad Max de part sa vision post-apocalyptique du monde, plein de rouille où tout le monde se démerde comme il peut, est l'identité que nous voulions. Nous avons commencé à réfléchir sur tout cela et c’est vrai que nous voulions construire une programmation sur ce modèle post-apo. Car finalement, en résultat final, la programmation reflète assez bien ce type de paysage. Nous avons travaillé sur la cohérence pour arriver à cette image qui nous correspond et correspond aux musiques que l’on représente.
Que peux-tu nous dire au niveau de l’organisation ? Comment se sont construits ces dix mois ? Car il faut rappeler que le festival va se dérouler dans plusieurs lieux différents et sur trois jours.
Disons que de base nous n’avons pas tous la même passion pour cette musique mais tout le monde s’est prêté au jeu, et s’est livré corps et âme dans ce projet, ce qui m’a fait énormément plaisir. Je ne pense pas que de telles collaborations, entre deux salles diamétralement opposées, aient déjà eu lieu sur Bordeaux. Du coup, organiser cet événement nous permettait de mettre en valeur une certaine cohésion. Les après-midi se passent soit au Void soit sur la place Dormoy, les soirées se passent aà la Rock School. La place Dormoy est une sorte de bonus, et nous avons demandé à la mairie sans trop y croire mais finalement nous y avons eu accès. Encore une fois, les deux salles sont opposées de part le style qu’elles proposent. Le Void est plus underground avec un accueil d’environ 200 personnes et la Rock School va jusqu’à 600. Cela nous permet, naturellement, de décider de quel groupe ira dans quel lieu, il faut que l’atmosphère soit la plus propice pour que le festivalier ressente un maximum notre vision de la musique et celle des musiciens, bien entendu.
Justement, comment se sont passés les échanges avec la municipalité ?
Lorsque nous avons commencé la gestation du projet, nous avons très vite entendu parler de la venue de la LGV Paris-Bordeaux qui a ouvert en juillet dernier (2017). À partir de là, nous avions des contacts avec le pôle culture de la mairie de Bordeaux. Après discussions, il nous ont informé que la SNCF et la ville de Bordeaux et agglomérations organisaient une campagne de communication autour de cette LGV en mettant en valeur la saison culturelle de la ville. Donc, quand ils ont entendu parler de notre projet, ils l’ont hyper bien reçu ! Il y a eu une volonté de la mairie de mettre en valeur la variété des différentes cultures musicales actives au sein de la ville. Ils nous ont dit « banco » et proposé de nous mettre dans la sélection officielle de la saison 2017/2018 de l’agglomération bordelaise. Je les remercie au passage.
Il est temps d’aborder l’affiche, riche et éclectique, un mot sur les têtes d’affiche et les genres représentés ?
Dans les genres, je commence par les têtes d’affiche, il y a SWANS qui fait office d’OVNI dans cette prog très metal extrême. Après, tout a été une sorte d’opportunité qui s’est offerte à nous. On nous a proposé de faire jouer les SWANS, à ce moment là, ils n’étaient pas au courant de notre existence. Puis, nous leur avons proposé le projet et demandé s’ils voulaient que nous les greffions au projet et ils ont dit « ok pour le jeudi ». Après, nous avons établi la programmation avec les autres têtes d’affiche comme Tsjuder et Angel Witch, respectivement groupes très présents dans le black depuis les années 90 et ancien du heavy metal anglais. Et d’autres styles sont venus se greffer avec le grind, un peu de doom, du stoner… Et ce que nous voulions, c’était représenter tous ces styles qui au sein de l’équipe nous touchent différemment, nous voulions montrer que nous arrivons à nous entendre. Au niveau de la scène metal, nous voulions proposer à nos festivaliers des choses nouvelles. Je veux dire que je ne n’imagine pas toujours un amateur de heavy assister à un concert de death ou de doom. Pourtant je crois qu’en découvrant on a la possibilité de se rendre compte que d’autres genres peuvent plaire aux fans les plus érudits. Ces groupes se retrouvent réunis sur ces scènes et nous nous sommes rendu compte que SWANS faisait presque office de lien avec tous les autres groupes et je crois que nous sommes arrivés à une sorte de cohérence. Je remercie vraiment ceux qui ont construit cette prog, ils ont fait un boulot monstre.
Vous avez attrapé des artistes d’autres pays. Comment avez-vous « dragué » ces groupes étrangers ?
Eh bien c’est un un concours de circonstance. De ce que j’ai pu entendre, la programmation a pris tout d’abord les groupes comme ils venaient et au fur et à mesure que l’affiche se remplissait, nous avons eu des propositions de nouveaux groupes ce qui nous a laissé pas mal de liberté de choix. Bien sûr, nous aurions aimé mettre plus de groupes mais il ne fallait pas avoir les yeux plus gros que le ventre et nous nous sommes arrêtés à une bonne vingtaine de noms, quitte à renouveler l’expérience si ça marche bien cette année, renouveler l’expérience en proposant des groupes que nous n’avons pas pu programmer cette année.
Vous n’avez pas pu les programmer par choix de leur part ou du votre ? Peut-être les deux ?
Oui, pour diverses raisons que je ne vais pas préciser, mais notre gros problème a été le timing. Les délais étaient très serrés pour remplir tout ça, beaucoup de groupes étaient déjà bookés, malheureusement. Mais ils regrettaient de ne pouvoir être là. Bien sûr, certains ne voulaient pas être des notre, tout simplement. Mais globalement, l’accueil auprès des groupes a été très bon, la majorité de ceux qui nous ont dit non pour cette année nous ont demandé de les recontacter pour une prochaine édition, si jamais il y a une prochaine édition… (rires).
Organiser un festival en automne n’est-il pas une autre difficulté ? Question de temps et de créneaux?
Il y a un peu des deux, dans la mesure où tout simplement nous n’avons pas vu l’intérêt de faire un festival sur le créneau juin/début septembre, il y a une nuée d’événements qui soit existent déjà, soit sont apparus cette année. Je ne crois pas qu’il y avait un véritable intérêt à débarquer à ce moment-là en proposant une affiche qui serait sensiblement la même que celles des autres. Les groupes qui ont accepté l’on fait à titre exceptionnel, pour les groupes étrangers du moins. Cela a été un mélange des deux, il y a la contrainte du temps qui oblige à tirer un petit plus sur la fin de l’été mais globalement si le problème c’est le temps. Mais je dirais que sur Bordeaux, nous avons depuis plusieurs années de très bonnes température,s et justement cela permet d’offrir un événement dans une période moins touristique. C’est vrai que j’ai bon espoir que le cadre soit très agréable pour tout le monde.
Les préventes sont-elles rassurantes ?
Elles se vendent tranquillement. Évidemment on aimerait en vendre un plus car nos attentes me semblent réalisables, parce que nous serons vraiment très heureux si l’on arrive à 500 personnes par jour. C’était un petit peu timide aux débuts, en même temps c’est vrai que nous avons eu quelques difficultés à se faire entendre, surtout au niveau national. Mais petit à petit, au fur et à mesure que l’on boucle les partenariats et les interviews, tout en restant à l’écoute de notre public, nous avons créé une vrai proximité avec les festivaliers. Maintenant j’ai bon espoir que l’on arrive à faire quelque chose en vue de nos attentes.
Ces attentes justement, sans trop se projeter dans l’avenir, avez-vous un plan pour l’année prochaine ? Quels-sont vos objectifs ?
Forcément il y a ce désir de pérennisation, mais surtout nous voulons continuer à nous faire plaisir. En ce moment, nous sommes comme des gosses à l’idée de faire venir ces groupes que l’on a pu écouter au lycée. Je pense à mon sourire complètement débile quand j’en parle (rires), nous voulons continuer à croquer à ce plaisir d’organiser ce festival que nous avons trop longtemps repoussé à plus tard faute de moyens. Aujourd’hui nous les avons, nous voulons vraiment pérenniser l’Interceptor. Nous resterons en Gironde quoi qu’il arrive, nous voulons proposer un festival reconnu dans le Sud-Ouest, dans la Nouvelle Aquitaine. Cela manque par rapport à une époque qui n’est pas si lointaine. Nous ferons comme cette première édition : prendre les choses comme elles viennent, jusqu’à maintenant ça a été plutôt bon, le rendu est bon et c’est bien d’avoir un festival qui respecte totalement nos idéaux sans se conformer à une charte qui s’impose sur les gros festivals. Nous voulons continuer dans cette direction et créer quelque chose qui pourra, je l’espère, s’inscrire dans les festoches français de moyenne envergure mais qui propose quelque chose d’un peu plus pointu.
Eh bien nous touchons à la fin, peut-être veux-tu dire un mot à de potentiels futurs festivaliers ?
Je dirai que l’Intercetor est un bébé que nous avons conçu avec nos tripes, sans compter les heures. Nous espérons qu’il représentera au mieux notre passion. Alors si vous vous reconnaissez dans cette passion, venez nous voir. Nous voulons proposer quelque chose de pas cher et qui plaît à tout le monde. N’hésitez pas, venez nous voir, il fait beau à Bordeaux, la bière est bonne et les gens sont cools (rires) !