Entrevue avec Cruor et Zingultus d'Endstille
Samedi 16 juin 2012 au Hellfest
Après le très bon concert, Katarz et moi allons rejoindre les deux représentants Cruor et Zingultus, qui sont respectivement les bassiste et chanteur d'Endstille, dans la salle de presse. Ils ont tout de même eu le temps de se démaquiller et de se doucher, ce qui leur évitera certainement de laisser du sang un peu partout.
Nous vous transcrivons ici l'interview qui a été réalisé en allemand et en anglais.
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Katarz : La première question sera en anglais. Il parait que vous faites beaucoup la fête quand vous êtes en tournée. Je voulais savoir si vous étiez arrivés hier, si vous avez eu le temps d’en profiter, si vous avez bien picolé hier soir ?
Cruor : Oui, nous sommes arrivés hier soir vers 1h du matin et c’était le chaos. Nous ne savions pas trop où aller. On ne voyait pas les panneaux « artistes » et finalement, on a trouvé. Donc on n’a pas trop fait la fête hier soir. Mais probablement aujourd’hui, on va bien se rattraper. (rires)
Thomas : Qu’avez-vous ressenti pendant votre concert devant le public du Hellfest ?
Zingultus : Au début, le public français est toujours très réservé. La tente s’est remplie de plus en plus, et à un moment, il y a eu l’étincelle. Et après, ils ont bien participé. Et comme on l’a entendu, on a bien remué la tente ! D’une certaine manière, ils devaient quand même avoir envie de métal, parce que juste resté planté bêtement là, on peut aussi le faire à la maison !
Thomas : Et l’horaire n’était peut-être pas adapté ?
Zingultus : Non, sous la tente, c’était OK. Si on avait dû jouer du black metal sous le soleil, ça aurait été stupide.
Cruor : Pour moi, l’ambiance m’a plu. Pour l’horaire, si ça avait été un peu plus tard, quand l’équipe de France aura joué et perdu, le public aurait été de mauvaise humeur, hahaha !
Cruor
Thomas : En France, vous n’êtes pas tant connu que ça, même si vous avez déjà sorti plusieurs albums. Comment pourriez-vous vous présenter pour quelqu’un qui n’aurait pas été présent aujourd’hui au Hellfest ? Quel est votre black metal ?
Zingultus : On est juste extrême. Il ne s’agit pas de chercher la perfection de la qualité musicale sur la scène. On fait ça en studio et on peut écouter les CD chez soi. Nous voulons transmettre sur scène les émotions que nous voulons exprimer avec notre musique. Tout cela est extrême, il s’agit de colère, de laisser simplement sortir la haine. Ce que nous élaborons sur scène, c’est simplement destructeur. C’est pour nous un moyen pour revenir à l’équilibre. Quand la tension monte, alors c’est la guerre sur scène. Tout se détruit, et après, on est à nouveau calme.
Thomas : La guerre est une thématique qui revient souvent dans vos CD. Pourquoi ? Juste parce qu’il s’agit de relâcher de l’énergie destructrice ?
Cruor : L’histoire de là d’où l’on vient influence toujours sa culture personnelle, son développement et bien sûr aussi l’art que l’on élabore. Or nous venons d’Allemagne, et même si nous ne sommes pas de la génération qui a participé, tout ceci a une influence sur nous.
Thomas : De la fascination ?
Cruor : On est souvent confronté à tout cela. Quand tu allumes la télé en Allemagne, tu tombes toujours sur une émission plus ou moins en rapport avec la deuxième ou la première guerre mondiale sur l’une ou l’autre chaîne. Cela nous influence forcément dans notre art. Quand nous nous rendons à l’étranger, on nous dit « ah oui, des allemands, bande de porcs ». Tout cela a un effet sur nous. C’est donc une thématique pour nous, qui influence donc aussi notre musique. Pas uniquement, mais en partie.
Zingultus : Y-a-t’il pire habitude de l’humanité que de faire la guerre ? Il n’y a rien de plus destructif que la guerre. C’est simplement le pire que peut faire un humain. Et cette confrontation critique telle que nous la fabriquons avec notre musique et nos textes est ce qui nous intéresse. Les gens parlent de la guerre, écrivent sur la guerre parce qu’ils veulent parler de ce sujet. Mais nous on montre à quel point la guerre peut être mauvaise. Il ne s’agit pas de dire que la guerre c’est chouette. Nous polarisons cette thématique, en tant que groupe allemand. Quand tu vas quelque part et que tu dis on parle de guerre, on te dit automatiquement que tu es un groupe nazi. Mais même si nous nous consacrons à la guerre, nous ne parlons pas juste de la deuxième guerre mondiale, comme par exemple Sabaton. Mais personne ne dit que c’est un groupe nazi, parce qu’ils sont suédois. Mais si tu parles en tant qu’allemand de la deuxième guerre mondiale, du point de vue des allemands, alors t’es tout de suite mis dans une catégorie. Mais pour nous, il ne s’agit pas de politique, mais simplement de la thématique de la guerre. Le meilleur exemple est notre dernier CD, avec des représentations datant de bien avant la première guerre mondiale. Nous ne nous laissons pas limiter par l’histoire de la seconde guerre mondiale.
Zingultus
Thomas : Ok. C’était une explication très claire. Et du point de vue musical. Quelles sont vos influences personnelles ? Cela n’a pas besoin d’être forcément du black metal, cela peut être tout et n’importe quoi.
Zingultus : Tout est le meilleur mot. Tout nous influence. Cela peut être du metal, de la disco, tout ce qui t’entoure dans ta vie t’influence. Si tu considères ce que tu fais comme de l’art, alors tout ce qui te touche t’influence, puisque les émotions sont liées à la musique.
Thomas : Et toi ?
Cruor : Je m’associe à ce qu’il vient de dire.
Thomas : A l'heure actuelle, quand on joue du black metal, doit-on obligatoirement se couvrir de sang et de maquillage ? Est-ce que ça en fait forcément parti ?
Cruor : Pas forcément.
Thomas : Pour vous, ça vous amuse ? Ou est-ce que c’est juste pour le spectacle ? Ou y-a-t’il une autre raison derrière tout cela ?
Cruor : Je ne sais pas. Ca fait parti du truc. Avant un concert, quand je me prépare, c’est comme une sorte de rituel. Tu te prépares, tu rentre dans l’ambiance. Ca fait parti de la préparation.
Thomas : Comme un guerrier avant la bataille ?
Cruor : Oui, peut-être comme cela. Pour moi cela fait simplement partie du truc, et après on casse tout !
Thomas : C’est ce qu’on a vu au concert !
Zingultus : Pour moi, le sang c’est important. Le sang est un élixir de vie, qui contient également les poisons du corps. Il y a donc une symbolique cathartique. Quand je monte sur scène, je me purifie de mes mauvais sentiments. Je libère tout ce qui est mauvais en moi. Ma performance sur scène est une sorte de purification. Quand je redescends, je suis libre parce que j’ai relâché mon agressivité. J’en ai besoin pour équilibrer le reste de ma vie, sinon j’irais dans la zone piétonne et je tabasserais des gens. C’est pas possible. Je préfère retrouver mon équilibre sur la scène.
Thomas : Beaucoup pensent ça je crois. Et les spectateurs également. J’ai une question certainement un peu compliqué à répondre : pour vous, en 2012, qu’est-ce qu’est Endstille en un seul mot ? Ou en deux si vous voulez…
Cruor : « End – Stille » (« Fin - Silence »). C’est difficile à dire. Pour moi, Endstille est quelque chose d’unique. Et je ne pense d’ailleurs pas qu’Endstille est comparable avec d’autres groupes. Tout a une dynamique propre. Cela me parait difficile de trouver un mot.
Zingultus : Je pourrais associer un mot à Endstille, c’est communauté. Je ne dis pas unité, car cela signifierait que avons tous les même avis, ce qui n’est pas le cas. Mais nous avons un objectif commun. Nous ne savons pas forcément ce que nous voulons exactement, mais nous voulons faire avancer le truc, faire sortir des émotions des gens.
Thomas : Avez-vous un projet d’actualité, comme un nouvel album par exemple ?
Cruor : Oui, on a commencé l’écriture de nouvelles chansons. Si ça marche, on aimerait bien sortir un nouveau CD en 2013.
Katarz : Alors justement, je voulais savoir comment vous travailliez ensemble. J’ai crû entendre que c’était Iblis qui composait la plupart des musiques…
Cruor : Ah bon ? Où tu as lu ça ? Absolument pas. C’est une étrange rumeur. (rires) ... La plupart du temps, en fait, ça commence par des riffs, des mélodies que j’écris. Les chansons naissent avec les riffs que nous retravaillons ensuite en répétition. On participe tous à l’écriture, le batteur, les guitaristes et moi. Seul Zingultus habite loin des autres.
Zingultus : Oui, j’habite à 500 km de la base du groupe, Kiel. Je travaille surtout à l’écriture des textes, mais je ne suis pas le seul. Après un premier jet, les autres peuvent aussi participer et modifier les textes à leur guise.
Cruor : Oui, l’influence de Zingultus est quand même grande, puisqu’il peut avoir le dernier mot et demander à ce que l’on modifie un passage de musique pour que ça colle aux paroles. Nous procédons alors aux modifications.
Katarz : Comment sonnera le prochain album ?
Zingultus : Endstille.
Katarz : Il sera peut-être plus groovy ou au contraire très rapide comme « Dominanz » ?
Zingultus : On ne sait pas de quoi demain sera fait.
Cruor : Oui, on ne peut pas encore se prononcer parce qu’on vient juste de commencer l’écriture des morceaux. Pour l’instant, nous avons trois morceaux de prêts et il y a effectivement des passages très bourrins, voire d’inspiration punk. Mais oui, il sonnera comme du Endstille.
Zingultus : En fait, depuis qu’Iblis n’est plus dans le groupe, les choses ont changé. Il était celui qui limitait le groupe, il voulait toujours plus de blasts. Désormais, nous travaillons différemment, nous prenons les influences de chacun. Il n’y a plus de raison de perdre notre identité en tant qu’Endstille.
Katarz : Parlons un peu de votre concert aujourd’hui. D’un point de vue des fans, il était excellent, mais la batterie était un peu mal réglée.
Cruor : Il y avait un problème avec la batterie aujourd’hui. L’ingé-son m’a expliqué que les micros ne fonctionnaient pas, alors il a dû mettre le son à fond, et donc il n’y avait pas de retour. Donc gros soucis de batterie aujourd’hui, mais personne ne savait d’où venait réellement le problème, on a pas pu le régler à temps.
Katarz : Avez-vous votre propre ingé-son ?
Cruor : Oui, il s’appelle Tim.
Katarz : Et êtes vous contents du concert ?
Cruor : Oui, c’était une très belle expérience et le public était formidable. On approchait de la fin du concert et je sentais que j’aurais pu jouer une heure de plus. (rires)
Katarz : Quels sont les groupes que vous voulez voir ici au Hellfest ?
Zingultus : On a raté Darkspace à cause des interviews, bande de bâtards (rires) ! Sinon, demain je voudrais absolument voir Ascension parce que je pense que c’est un groupe de black metal allemand de très grande qualité.
Cruor : (...le regarde d’un air douteux et rigole)
Zingultus : Je voudrais voir Mötley Crue.
Cruor : J’ai raté Discharge, c’est dommage parce que j’aime bien leur cross-over de métal. Sinon, j’attends de voir Brujeria et aussi King Diamond. J’aimerais bien le voir celui-là. J’aimerais aussi voir les Guns’n’Roses (rires). En fait, je veux voir si va être totalement à chier ou pas.
Katarz : Oui la question c’est est-ce qu’ils vont jouer tous ensembls avec Slash.
Cruor : J’ai crû voir effectivement que Slash allait jouer au même festival et que l’on se posait ce genre de questions...
Zingultus : Non, non, non. Stop stop stop ! Si tu portes un tee-shirt de Slash à un concert des Guns, tu ne peux pas entrer et c’est pas des rumeurs, c’est vrai. Oui, c’est sûr que ce serait cool de les voir ensemble, mais tu le verras jamais.
Cruor : Et Blue Öyster Cult. “Don’t Fear the Reaper” !
Katarz: C’est vrai que le Hellfest est le seul festival où tu peux voir des groupes aussi éclectiques et autant de groupes old school.
Cruor : Oui, le line-up est absolument génial. Ce qui est énorme, ce sont ces scènes spécialisées. J’ai un ami qui est venu voir 55 groupes au festival (rires).
Katarz & Thomas : Merci beaucoup !
Katarz & Thomas Orlanth
Photos : © 2012 Thomas Orlanth
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