Ce soir n’est pas un soir comme les autres au Backstage By The Mill. Pour la première fois, les Japonais de Crystal Lake sont conviés à jouer en France pour le plus grand bonheur des fans qui attendaient que le combo sorte d’Asie depuis sa création. C’est chose faite avec une petite tournée européenne de seulement neuf dates, dont celle de Paris rajoutée in extremis juste avant le retour en avion. Autant dire que le quintet de Tokyo a fini les choses façon feu d’artifice.
Out Of My Eyes
Pour ouvrir la soirée, les locaux de Out of My Eyes ont été conviés et vont devoir expédier leur set en vitesse, la faute au retard du van de Crystal Lake. Histoire de remuer un peu un public qui les connait peu, le groupe va faire ce qu’il sait faire : du metalcore sans prise de tête pour se faire plaisir dans le moshpit.
L’accoutrement du chanteur Corentin fait fortement penser à Chris Fronz d’Attila et la musique jouée n’est effectivement pas loin de celle des Américains. Une musique que l’on qualifiera de sans prise de tête pour être gentils, on déconnecte ses neurones et on headbang frénétiquement. Et une fois ce constat passé il faut reconnaitre que Out of My Eyes fait très bien le boulot. On a face à nous une formation étonnamment carrée et professionnelle, il n’y a strictement rien à reprocher aux membres qui font chacun le boulot remarquablement bien avec beaucoup de charisme. Certes, les compos sont loin d’être techniques mais ce professionnalisme mérite d’être souligné pour un groupe évoluant encore à l’échelle locale.
De son côté, le frontman semble très à l’aise dans son rôle avec un scream bien maitrisé et des invectives nombreuses au public pour que celui-ci commence à se bouger. Quelques moshers commencent à ouvrir le pit et Corentin n’hésite pas à s’y rendre lui-même pour faire bouger les choses, sans lâcher son public d’une semelle.
Pour qui aime ce genre de metalcore, Out Of My Eyes est donc une belle surprise en présentant une alternative française plus que crédible aux grands noms comme Attila ou Emmure. Peut-être de quoi glaner quelques nouveaux fans dans le public de Crystal Lake.
Aviana
Place désormais aux Suédois d’Aviana, accompagnant les Japonais sur toute la tournée. Quasi-inconnus en France, ils ont également tout à prouver pour leur première fois dans notre pays et malheureusement la bonne impression ne sera pas pour cette fois. La faute à un son exécrable étouffant toute tentative de mélodie et rendant le set du groupe plat au possible.
Alors qu’en studio, Aviana est un copié-collé pur et simple de groupes comme Invent, Animate ou Northlane, on perd en live toute la mélodie que le style apporte. Résultat, des breakdowns et des notes a vides comme s’il en pleuvait sans que l’on soit le moins du monde emballé par ce qu’on voit. Certes, ça joue bien et le charisme des membres est évident mais il leur manque encore une personnalité pour sortir de la masse des groupes du style.
Le chanteur Markus Vik ne nous gratifie pas des backflips que l’on avait pu admirer sur la date de Cologne mais son chant reste convaincant, l’une des seules satisfactions du set d’Aviana. Fin de tournée oblige, on a le droit à un petit moment sympathique où les membres de Crystal Lake débarquent sur scène pour une petite blague, en enlevant progressivement le kit de batterie. A noter aussi le featuring hallucinant de Ryo Kinoshita sur une chanson, démontrant tout simplement les plusieurs classes qui séparent encore Aviana de Crystal Lake. Aux Suédois de travailler s’ils souhaitent s’imposer à l’avenir.
Crystal Lake
La fosse s’est bien remplie pendant que Crystal Lake fait sa balance et on sent toute l’impatience du public d’en découdre pour la première fois après avoir attendu la venue du groupe si longtemps. Malgré la concurrence de Stray From The Path non loin de là, la soirée a plutôt bien marché et le public parisien s’est bougé. Ne prenant même pas la peine de quitter la scène, les cinq membres installent d’emblée une ambiance électrique avec un déferlement sonore et une gestuelle plutôt athlétique. Puis « Prometheus » démarre et la leçon scénique nipponne est lancée. Tout est carré musicalement et en même temps totalement débridé, le charisme de chacun des membres faisant le reste.
Ryo épouse en permanence son premier rang en tendant son micro ou en allant chanter à quelques centimètres du visage des fans. Derrière lui, Shinya et Yudai envoient les riffs destructeurs de « Matrix » et les premiers stagedives font leur apparition : devant une telle composition, comment résister ? Même Ryo n’hésite pas à donner de sa personne et à faire un joli salto dans la foule avant de remonter chanter la partie habituellement dévouée à Ikepy de Her Name in Blood.
L’intensité du concert est invraisemblable, du jamais vu chez leurs homologues Européens ou Américains. Crystal Lake a choisi de ne laisser aucun répit au public en ne jouant que les morceaux les plus violents de sa discographie, à commencer par « Six Feet Under » où le moshpit devient pour de bon irrespirable. Alors que le nouveau bassiste réalise un nombre impressionnant de tours sur lui-même on s’aperçoit que le batteur Gaku n’hésite pas à se lever de son siège et à jouer debout pour mieux haranguer ses troupes.
On craignait que la fosse sonne creux mais le public parisien est tout simplement remarquable de passion ce soir. Renforcé par quelques die-hard fans venus tout droits de l’étranger, on sent que plusieurs personnes ont fait de la route pour attraper au moins une date de la tournée de Crystal Lake et les moshers s’en donnent à cœur joie tout comme les slammeurs. Le comble est atteint lorsque les membres d’Aviana viennent eux-aussi se jeter dans la foule habillés en costume de moines, non sans avoir fait la traditionnelle petite farce de fin de tournée à leurs nouveaux amis Japonais.
Première tournée en Europe oblige, la sympathique cover de « Rollin’ » de Limp Bizkit est jouée et reprise en chœur par tout le monde. Mais heureusement, la foule connait aussi sur le bout des doigts la discographie des nippons et les sing-alongs du dantesque « Ups and Downs » sont parfaitement entonnés. Le groupe a légèrement modifié sa setlist en cours de route sur cette tournée pour enlever « Hatred » et pouvoir jouer de plus vieux classiques, un choix dont on ne va pas se plaindre. Les trois derniers albums sont représentés chacun par trois titres et complétés par le petit nouveau « Apollo », rare moment de respiration où la mélodie des guitares prend le pas sur les breaks dévastateurs.
Comme tout bon frontman de harcore, Ryo ne lâche pas son public d’une semelle en demandant plus de stagedives et en commandant le pit sur les passages les plus propices à l’ouverture de celui-ci. On le sent ému pendant ses discours entre les morceaux, en particulier lorsqu’il évoque le fait de voyager à l’autre bout du monde et de constater que les gens connaissent ses chansons et les chantent si fort.
Justement, Crystal Lake va nous donner une bonne occasion de donner de la voix avec ce « Beloved » de derrière les fagots sur lequel le groupe va se faire un malin plaisir de rallonger l’outro pour laisser les fans si longtemps frustrés s’égosiller : « I’ll never let you go ». Chaque centimètre carré de la scène du Backstage est couvert par les membres, Yudai et Shinya s’approchant à quelques centimètres du premier rang pour jouer les mélodies et nous faire constater que la sueur sur les guitares est bien présente. Ils donnent tout et contrairement à d’autres groupes, on comprend parfaitement que le set ne dure qu’une heure au vu de l’énergie folle dépensée.
Mais toutes les bonnes choses ont une fin et c’est sur « Omega » que le groupe s’en va, avant un rappel surprise sur « True North » permettant de profiter jusqu’au bout de la présence des Japonais, sans savoir s’ils pourront revenir dans les années à venir.
Dire que le combo de Tokyo a livré une performance de haute volée ne serait pas à la hauteur pour décrire ce qu’on a vécu ce soir. Crystal Lake a délivré une véritable leçon, une fessée qui ferait pâlir bien des groupes occidentaux. Que l’on soit fan depuis cinq ans ou depuis un mois, tout le monde se sera accordé sur le niveau de performance ahurissant et sur le fait que le groupe est toujours très sous-estimé dans la scène metalcore. Une chose est sûre, c’est à coup de concerts comme celui-ci que les choses vont changer et on espère ne pas devoir attendre aussi longtemps pour retrouver Crystal Lake sur une scène européenne.
Setlist:
Prometheus
Matrix
Six Feet Under
Rollin' (Limp Bizkit Cover)
Ups and Downs
The Sign
New Romancer
Apollo
Beloved
Omega
True North
Photos par Garnet Angeldust pour What The hell webzine.