Le metal progressif … un genre où il est difficile de tirer son épingle du jeu et de percer. Les grands noms sont assez rares, et restent souvent dans un public restreint, même si certaines exceptions, comme Dream Theater ou Symphony X, parviennent à atteindre des foules plus importantes. Un genre qui souffre aussi d'une image parfois négative et de trop nombreux clichés, certains se vérifiant pourtant par des groupes qui, eux, ne sont là que pour décrédibiliser un style qui tend à se boucher lentement mais certainement. Si, à ma connaissance, le stade atteint n'est pas encore critique contrairement à d'autres comme le metal symphonique, il semblerait que ça foisonne de plus en plus, et souvent l'intérêt n'est pas très grand. Bref, pour une introduction positive, oubliez ça, ce ne sera pas pour aujourd'hui !
Mirrormaze est un jeune combo et nous provient d'un pays où l'on retrouve également DGM, Astra ou Solisia : l'Italie. Pour beaucoup, cela évoquera nettement plus les pizzas et les spaghettis (/instant cliché) que le metal. Et si on fait référence à notre genre musical favori, c'est plutôt le power qui nous viendra à l'esprit qu'autre chose. Outre ces aspects, les dernières sensations de ce genre musical sont plutôt des formations avec des membres possédant déjà une certaine carrière et de l'expérience dans le domaine. Il suffit de prendre les engouements récents de Storm Corrosion, ou encore de Flying Colors, pour le constater. Une autre frange, elle, tient à l'originalité après tout, et ce n'est pas les canadiens d'Unexpect qui contrediraient cela. Alors difficile de se faire une place au soleil dans les conditions où ni l'un, ni l'autre point n'est réuni … et pourtant, Walkabout, s'il ne permettra peut-être pas à Mirrormaze de briller au niveau de la popularité, mérite pourtant une oreille attentive.
Car musicalement, c'est certain, nous évoluons ici dans un registre metal progressif tout ce qu'il y a de plus classique, et de plus traditionnel. Rien de très expérimental à l'horizon, pas d'originalité réelle, non, rien qui ne viendra troubler l'auditeur moyen, et surtout l'amateur du genre, se retrouvant souvent face à des parties mélodiques et instrumentales déjà bien connues, parfois même intégrées. Tout simplement car ce que nous proposent les transalpins est tout sauf original, et ils s'inscrivent donc dans la droite lignée d'un Dream Theater, Fates Warning ou Rush, les groupes qui bercent les douces nuits du compositeur et guitariste Davide Penna, et peut-être, là-dedans, retrouverez vous un riff, une petite partition de clavier, qui vous fera penser fatalement à ces désormais grandes références, inspiratrices de tant d'autres formations. Aujourd'hui, il devient difficile d'avoir sa propre personnalité, tant les groupes influencés par les noms ci-dessus sont désormais nombreux, et remplissent ce panier sans fond. Tout cela pour dire que la musique des italiens est de facture assez classique, et, aux premiers abords, n'interpellera peut-être pas les grands fans du style. Et même si Mirrormaze évite la mention plagiat (bien qu'ils poussent le vice jusqu'à son apogée en invitant Ray Adler de Fates Warning sur « Deeper Signs », où sa performance est exemplaire), le combo doit encore fait quelques efforts pour trouver ce qui rendrait leur musique unique, différente des autres, et montrerait à la concurrence pourquoi notre quintet est redoutable.
Pourtant, concernant leur musique à proprement parler, on ne peut pas dire que ce soit mauvais, ou mal composé, bien au contraire. Tout est d'un professionnalisme assez plaisant, démontrant une réelle expérience musicale de la part des musiciens, qui sont loin de commettre les banales erreurs de débutants, bien que le manque du « petit truc en plus » soit déjà un crime de lèse-majesté pour certains. Puristes s'abstenir, donc. La musique tourne beaucoup autour d'une guitare quasiment omniprésente, qui fait tout ou presque, de l'harmonie d'un titre jusqu'à son côté imposant et énergique. Elle est volontairement placée en avant, pour conférer puissance et majesté, une recette gagnante, incontestablement, du fait d'un réel travail mélodique, que ce soit des lignes de la dame à cordes, jusqu'à son utilisation : est-elle là pour gonfler en hormones une composition qui a besoin de tonus, sa présence est-elle justifiée par le manque d'ambiance ? Ces multiples fonctions, toutes couronnées d'un franc succès, lui permettent non seulement d'éviter l'écueil trop gênant de la linéarité, mais, qui plus est, d'éviter aussi à l'auditeur d'être remué par un dégoût dû à sa présence continue. Aucun doute, nous n'avons pas à faire à un manchot, mais bien à un homme aguerri, qui ne se précipite pas, mais, au contraire, est capable de montrer qu'il est un élément clé de la réussite d'un groupe qui, heureusement, ne dépend pas entièrement de lui.
Voulez-vous les aimer à l'italienne ? (Frédéric François aime votre publication)
S'il est bon, voir excellent même, Davide n'en reste pas moins membre d'un groupe. Et c'est les talents combinés de chacun qui donnent toute cette force à la formation, ainsi capable de pondre des pièces progressives évitant d'être répétitives, et qui, surtout, en dépit de la longueur du titre, réussissent, justement, à éviter ces longueurs gênantes. Ce qui donne une musique accrocheuse, avec des refrains et des atmosphères bien amenées, et sur lesquelles a été accompli un travail minutieux pour arriver à plaire (« Walkabout », ou encore « Earn Your Answers » mettent en avant ces qualités non-négligeables). Bien sûr, on sent que les inspirations du groupe ne sont pas loin, ce qui, de temps en temps, est un peu embêtant, car on ne peut s'empêcher de ce dire que telle ou telle ligne de chant, de guitare, fait penser à X ou Y. Il suffit d'écouter un « Broken Souls » où les mélodies de clavier rappellent furieusement un Dream Theater déjà passé par là auparavant. Fort dommage, car tout y est fortement réussi, mais, ceci dit, parfois trop impersonnel. Il va falloir sortir de ce carcan, tout en gardant les qualités musicales, pour enfin se dire que c'est du Mirrormaze, et non autre chose.
Il sera également difficile de ne pas leur conseiller d'améliorer leur production, manquant encore d'un peu de souffle, et se révélant un peu compressée, imparfaite. Loin d'être mauvaise, mais n'étant pas non plus au niveau des plus grands, et, dans un genre comme celui-ci, on sait à quel point moult auditeurs sont pointilleux, et ne pardonneront pas un écart qui, pourtant, n'enlève absolument rien à la qualité intrinsèque d'une musique à la composition intelligente. On regrettera cependant une batterie un peu trop sous-mixée, qui semble se perdre aux moments où tous les instruments sont à l'unisson, et une guitare, elle, au son perfectible. Cependant, il n'y a pas à rougir, car ce son est loin d'être honteux. Il nécessite juste davantage de soins et de travail.
Quant à Fabio d'Amore, lui aussi va devoir travailler un peu son chant. Bien qu'il soit davantage connu pour être le bassiste du groupe de power metal / heavy mélodique autrichien Serenity, ici, c'est sur un rôle de chant lead que le jeune homme sera jugé. Sa voix n'est pas encore techniquement impeccable, forçant quelquefois, et manquant encore un brin d'assurance. Ce qui est surmonté par un timbre relativement plaisant, en particulier dans les tonalités plus douces, calmes, comme la ballade « Missing » sur laquelle il fait merveille. On notera des réminiscences, dans le timbre, de Mike Andersson, vocaliste de Cloudscape, et même, plus éloigné, quelques évocations de Russell Allen, sans toutefois, pour le moment, atteindre les exploits vocaux des deux sus-cités. Il n'est pas un point faible, mais prendre du gallon semble nécessaire pour aider Mirrormaze à percer. Ce dont il est, c'est sûr, totalement capable !
En se penchant directement sur les morceaux eux-mêmes, on remarquera que certains se démarquent très clairement par rapport à l'ensemble. Sans doute disposent-ils de ce petit truc qui leur confère davantage d'aura. On pensera, en premier lieu, à la mystérieuse « Joke » et sa petite intro hautement sympathique et introduisant les autres instruments d'une manière plutôt fine. Sans parler d'une performance intéressante, tant musicale que vocale, rehaussée bien sûr par ces sons de guitare plus profonds et cet aspect varié, qui permet de respirer, tout en restant cohérent par un thème revenant de manière récurrente, sans tomber dans la répétition. La formation n'ira donc pas se perdre dans les dédales du labyrinthe, et contempler dans les miroirs leur propre technique, mettant celle-ci uniquement au service de son auditeur, dans le but suprême de rendre l'écoute plaisante et mémorisable. Et les deux pistes qui suivent, ainsi que la dernière, ont, elles aussi, un attrait plus important, grâce à cette touche mélodique et cohérente qui ne laisse pas insensible, et touche au très bon prog.
Et ça nous ferait presque oublier les deux petits ratés de l'album. « Missing » est cette traditionnelle et, malheureusement, inévitable ballade, sur laquelle il ne se passe pas grand chose, et qui s'oublie très facilement. Ce que l'on retient, c'est juste un Fabio à l'aise, et capable de rehausser qualitativement parlant un morceau trop peu attractif dans d'autres domaines. De même, « Vicious Circle », sans mauvais jeu de mot, tourne en rond, dans un cercle vicieux. Perclus de moult erreurs, d'inutiles petits passages et d'un manque d'intérêt total, on se lassera bien rapidement d'un titre qui ne manquerait pas s'il était absent, car il est en fait le point noir du brûlot.
En faisant le bilan de Walkabout, on se rend ainsi compte que nous sommes en face d'un album de plutôt bonne facture, manquant en premier lieu d'une personnalité affirmée, et d'une production de meilleure qualité. A côté de cela, le reste est globalement plutôt convaincant, rien d'exceptionnel, mais assez agréable et dynamique pour nous faire passer un plutôt bon moment. Après la réussite de Cadaveria avec son Horror Metal, Bakerteam Records nous prouve avec Mirrormaze que l'Italie a plus d'un tour dans son sac, cette année. A découvrir, si ce n'est déjà fait.