Mortillery – Murder Death Kill

(Toute ressemblance avec un personnage ou une histoire réelle est complètement involontaire) :

Il était une fois, dans le pays du sirop d'érable et des grands froids, vivait un jeune homme, qui passait sa journée à encenser ses idoles, à les écouter jour et nuit. Ces icônes qui bercent son ouïe, ils se nomment Testament, Kreator, Death Angel, Holy Moses ou encore Slayer. Notre jeune guitariste est donc le plus heureux des hommes, dans sa belle demeure reculée, loin de tout, paisible. Et un jour, un drame arriva.

Une horde de jeunes à mèches débarquèrent dans sa forêt enneigé, et lui portèrent aux oreilles un son qu'il ne connaissait pas. Et quelle ne fut pas sa réaction à l'écoute de cette musique qu'il considère insupportable ! Entre Bring Me the Horizon, Asking Alexandria, Bullet For My Valentine, Pierce the Veil, Eyes Set to Kill, Black Veil Brides et autres immondices, l'homme devenait fou. Ses murs tremblaient tant cette horde sauvage était nombreuse, et puissante. Son existence pleine de joie et de bonheur était ruinée.

Mais notre guitariste n'est pas homme à se laisser abattre. Et, après avoir longuement réfléchi à un moyen de restaurer la paix, l'harmonie et le bon goût musical sur ses terres, il décida de contacter, à l'aide d'un papier et de son fidèle pigeon voyageur, les plus nobles guerriers des contrées voisines. Émus par sa cause, quatre nobles compagnons décidèrent de lui prêter main forte : un second guitariste, fier barbare du nord, qui lui tiendrait compagnie et partagerait sa passion de l'instrument. Un batteur, redouté par tous, se joignit à la fidèle troupe. Enfin, deux jeunes femmes arrivèrent. Frêles en apparence, elles sont pourtant dotées de plus d'une corde à leur arc. La première, fière bassiste, apporte un complément idéal, quant à la seconde, diplômée de la grande académie des thrashers, elle allait devenir une arme redoutable. Et c'est ainsi qu'est né Mortillery, et la seule vocation de leur première œuvre, Murder Death Kill, est de botter des culs et faire peur aux envahisseurs. Une cause soutenue par Napalm Records. Les vaillants guerriers y arriveront-ils ?

Maintenant place aux choses sérieuses : la chronique.

Si vous recherchez un contenu original, ce n'est absolument pas chez nos amis canadiens que vous allez le trouver. Mortillery joue un mélange entre thrash et heavy solide et efficace, mais qui ne laisse aucun doute quant aux influences. Kreator, Death Angel, Toxic Holocaust et un soupçon d'autres choses, les grands noms retrouveront un peu de leur patte dans ce brûlot qui, pourtant, est loin d'être aguicheur, ou simplement un disque de plus bon à éviter dans le style. Bien sûr, le petit truc novateur, c'est pas pour cette fois, et si votre quête est celle-ci, sans passer par le détour du plaisir de l'écoute, alors il vaut mieux passer son chemin. Car notre quintet n'a, pour le moment, pas ambition à devenir la nouvelle icône du genre. Leur album, avec cette facture plutôt classique et ces codes respectés, s'inscrit dans une lignée directe de multiples offrandes, mais ce qui ne signifie pas que ce brûlot, lui, est inintéressant, bien loin de là. D'ailleurs, un point de personnalité vient du fait que chez eux, le micro est tenu par une femme. Alors oui, certes, trouver des demoiselles dans le metal n'est pas très exceptionnel de nos jours car la gente féminine s'est davantage intégrée à ce milieu. Mais dans le thrash, ce n'est pas si commun, et ainsi, voilà un petit souffle d'air frais qui fait du bien là où il passe.

Les morceaux que nous trouverons ainsi dans Murder Death Kill obéissent souvent au même but, pour une cause contre laquelle on peut difficilement être en désaccord : balancer un thrash sans concessions et puissant, pour nous permettre d'headbanguer et d'apprécier ce qui nous est proposé. La guitare, soit dit en passant, se taille quand même une belle part du gâteau, et se retrouve comme vedette. Par des riffs endiablés et maîtrisés, des solos variés (comme sur « Sacrifice » ou encore « Countless Suicide ») et une partition qui n'a pas à rougir de la concurrence, la dame à cordes est un élément clé de la musique des canadiens. Il faut avouer qu'outre-Atlantique, même si le genre est bien plus réputé aux États-Unis, une flopée de formations intéressantes font cela dans les règles de l'art, avec maîtrise et maturité. C'est en grande partie le cas dans l'album ici présent, sa facture classique et sa réminiscence sur d'autres groupes, s'ils empêchent une quelconque originalité, permettent aussi de laisser un petit effet de sympathie. Les inspirations ne tombent pas dans le plagiat, au contraire. Si on retrouve des idées qui peuvent déjà être utilisées ici et là (car rien d'innovant, avouons-le), les cinq compères apportent leur lot de bonnes choses et évitent l’écueil de la copie conforme. Simple mais efficace, en gros.

Mortillery

"QUI a osé dire que Dead By April c'est mieux que Destruction ?!"
 

C'est justement là où ça peut poser problème, et où nous arrivons au défaut majeur de ce skeud. S'il dispose d'un capital sympathie assez élevé, de part le bon moment qu'il nous fait passer, mais également les erreurs de débutant évitées, il reste un petit problème. Non pas de l'ennui, mais une certaine redondance concernant les structures utilisées, et donc un petit effet de linéarité qui pose problème. En effet, certaines pistes parviendraient presque à être difficile à différencier des autres. Gênant, n'est-ce pas ? Bon, si tout reste agréable pour l'oreille globalement, il n'en reste pas moins que ce léger manque de diversité, s'il est compensé par les lignes de chant variées, donne du mal à décoller à certaines parties. Notamment vers le milieu, là, entre « Outbreak » et « Despised by Blood ». Quand des petits éléments qui paraissent minimes font leur apparition, c'est là où, au contraire, Mortillery arrive avec des bonnes idées : la narration sur « Fritzis Cellar » ou encore les intonations de la chanteuse sur « Mortal Artillery » réveillent, et nous rappellent là où nous sommes. Peut-être cruel dit comme ça, mais un tantinet encombrant à l'écoute de l'album, qui, pourtant, ne manque pas de qualités.

Et s'il est un point où Mortillery montre qu'il sait nous surprendre, c'est bien évidemment sur la voix assez atypique, et finalement plaisante de la jolie Cara McCutchen. Car la jeune femme n'y va pas tout le temps avec sa voix extrême, non, elle aime alterner les tons, et les humeurs. Son chant clair, lui, est dans un registre heavy qui, s'il n'est pas encore parfait dans les aigus, est doté d'un grand sens de l'expressivité, maîtrisé dans sa grande globalité, et suffisamment varié pour ne pas ennuyer. On pensera un peu aux chanteuses de Sister Sin, ou de Crystal Viper, voir même de Battle Beast car les timbres ne sont pas si éloignés. Mais au moment où la canadienne n'est pas contente, elle se met à hurler comme une furie, d'un growl puissant et agressif, lui aussi digne et n'ayant rien à envier par rapport aux concurrentes, ou même aux concurrents. Elle a de la poigne, cette femme, ne se laissera pas faire, et gare aux machos qui oseront dire que les représentantes de la gente féminine ne sont pas faites pour thrasher. Son chant hargneux est un pugilat, et ses cris une violente correction. On appréciera donc sa performance, qui est un bon argument pour montrer qu'ils savent où ils vont, mais aussi avec qui. Une dame qui ne lâche rien, et possède son charisme.

Morceaux efficaces alliés à de la puissance, pas le temps de se reposer avec les canadiens, aucun mid-tempo ou ballade, et tant mieux ! C'est un déluge d'énergie, par des titres qui dépassent l'aspect linéaire grâce à la cavalcade souvent présente. Même si bien sûr, ils n'hésitent pas à s'accorder des petits breaks de temps en temps (comme sur « Sacrifice »), la férocité du propos, sa vélocité et son côté musclé proviennent donc de la dominante thrash, toujours saupoudrée d'une pointe heavy, que ce soit par la voix, ou certaines parties instrumentales.

Et même s'il reste ce petit point répétitif, Mortillery aime quand même varier les plaisirs de temps en temps. Du titre court (« Evil Remains ») à des biens plus longs, et plus inventifs (« Murder Death Kill », « Voracious Undead »), il y a de tout, à boire et à manger. Mais écouter les titres séparément, et non de bout en bout permet de comprendre et de profiter de ces derniers à leur juste valeur. Et c'est là où se situe un problème : s'il n'est nullement désagréable de se lancer Murder Death Kill d'un bout à l'autre, et que l'on passe un bon moment, être obligé d'y aller de manière séparée pour bien tout appréhender complique un tantinet l'affaire, et voilà quelque chose qu'il va falloir revoir pour nos amis canadiens.

Enfin, si cracher dans la soupe est plus facile qu'autre chose, il faut bien reconnaître que les morceaux, eux, envoient. La première qui nous vient à l'esprit est « Evil Remains », qui représente un peu l'esprit de cet opus. C'est à dire une mixture directe et redoutable, qui ne fait pas dans la dentelle, et dont le seul but et de se faire plaisir avec du thrash bien exécuté. Les lignes de chant de Cara y sont particulièrement polyvalentes, et la jeune femme alterne très régulièrement dans chaque registre. Mais il ne faut pas résumer Mortillery à un quintet qui se contente de faire la même chose tout le temps, tout au long d'un opus, loin de là. Outre des changements de rythmique assez conséquents sur moult pistes (« Outbreak », « Without Weapons »), les mélodies, si elles gardent souvent la même trame et sont brodées autour d'un certain ensemble, gardent des distinctions. Longueur, ton de voix (enragé souvent, mais aussi plus dramatique sur la fin de « Without Weapons »), ambiances (plus lourde sur « Mortal Artillery »), on ne peut reprocher au groupe d'outre-Atlantique de ne pas faire d'efforts pour casser un semblant de monotonie. Une approche louable, pas toujours couronnée de succès, mais qui paye sur le rendu final.

Certains titres se démarquent clairement de tout le lot. On pensera, pour commencer, au titre d'ouverture qu'est « Murder Death Kill » qui semble taillé pour faire des ravages sur scène : avec son intro, l'arrivée lente des instruments qui débarquent en furie, mais également la façon dont le chant y est introduit, tout est là pour commencer un show en beauté. Et la directe « Evil Remains » est du même calibre ! Par contre, « Mortal Artillery » est probablement le meilleur de tous, et ça tombe bien, il est en dernière position dans la tracklist, ce qui confirme donc que le meilleur est pour la fin. La chanteuse exploite à merveille l'étendue de son talent, le côté plus sombre et lourd est prenant, et la fin arrive bien trop vite. Du coup, « Fritzis Cellar » ou « Countless Suicide » paraissent à côté presque fade. Ils occupent malheureusement cette position de morceaux de facture un peu trop classique, et dispensable de surcroît. On leur préférera nettement le reste de l'album.

Vous l'aurez donc compris, Mortillery a du talent à revendre et un sacré potentiel pour s'imposer sur la scène thrash actuel. Seulement, Murder Death Kill souffre encore de quelques petites erreurs de jeunesse, que la maturité permettra sûrement de corriger avec le temps. Une fois ces petits problèmes gommés, alors nos canadiens pourront montrer les crocs et l'étendue de leur capacités. Et on souhaite vraiment qu'ils en arrivent là, car cette galette, elle, fait du bien par où elle passe ! Le genre d'opus que l'on écoute quand on veut passer un bon moment, sans trop chercher dans le compliqué. A surveiller de près, ces cinq-là, car ce qu'ils nous réservent pourrait promettre du bon. Et on a hâte d'entendre ça. D'autant plus que, d'après la légende, leur courage et leur bravoure serait venue, dans ces temps ancestraux, à bout des cruels metalcoreux, qui, si l'on en croit les bruits qui courent, se cachent encore pour fomenter un plan diabolique. Affaire à suivre.

Note finale : 7,5/10

 

NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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