Ce soir c’est la dernière. Après avoir parcouru la France une toute dernière fois, le chemin de The Arrs s’arrête au Trabendo pour une date d’adieu archi-complète. C’est la fin de près de 19 ans de carrière pour un combo qui a vu s’élever tout un tas de jeunes pousses à la Rise Of The Northstar et qui a surtout sorti des albums d’une qualité supérieure, à l’image du petit dernier Khronos. Pour dire au revoir à ce monument de la scène hardcore française, un plateau de choix s’est donné rendez-vous en ce samedi férié et tout laisse à penser que le groupe va s’en aller avec les honneurs en livrant un show dont il a le secret.
Stinky
Cinq groupes sont à l’affiche ce soir et c’est Stinky qui se voit charger d’ouvrir la soirée. Les Nantais n’ont pas forcément le blaze le plus classe de la scène mais c’est un sacré coup de cœur qui nous tombe dessus lorsque l’on découvre la musique jouée. Sans réinventer la roue, Stinky nous balance un punk-hardcore ultra efficace dans la droite lignée d’un Comeback Kid, oscillant entre moshparts bien senties et rythmiques rapides. Les titres sont courts, moins de deux minutes en général et varient assez pour qu’on ne s’ennuie jamais sur les 30 minutes accordées aux Nantais.
Sur scène, le groupe bouge bien même si quelques éléments sont encore à parfaire. La voix de Claire donne son originalité aux compositions et la restitution live ne souffre d’aucune fioriture : la frontwoman a du coffre et l’utilise à bon escient pour screamer de façon très convaincante.
Dans le style, il est vraiment rare de trouver ce mélange de façon aussi bien dosée et les compositions sont irrésistibles, de quoi faire bouger toute une fosse. Seul hic, la fosse dans le cas présent ne bouge pas des masses, la faute à un son un peu brouillon et à un horaire peu adapté (Stinky est monté sur scène à 18h15, seulement quinze minutes après l’ouverture des portes). On peut aussi penser que le combo pratique un style absolument pas populaire en France, où le public préfère le punk plus classique ou le metalcore plus bas du front. Pas grave, le groupe aura surpris en bien une bonne partie de l’auditoire et offre clairement une alternative crédible aux groupes de punk hardcore anglo-saxons. Leur ascension ne fait sans doute que commencer et on attendra leur retour sur Paris avec impatience.
Primal Age
Deuxièmes à prendre la scène d’assaut, les vétérans de Primal Age semblent eux aussi déterminés à en découdre. Cela fait plaisir de voir qu’une formation peut durer depuis 20 ans dans la scène hardcore underground, encore plus lorsqu’elle défend des idées straight-edge et vegans.
Forcément, avec autant d’expérience, les musiciens sont parfaitement en place et peuvent envoyer leur HxC teinté de metal de façon carrée et efficace. Au chant, xDidierx impressionne vraiment avec un coffre incroyable pour ses growls et un jeu de jambes très physique. Malheureusement, le son ne permet pas de se mettre vraiment dans le bain et les compositions semblent un peu passées de mode, à l’image d’un Hatebreed ou même un The Arrs de 2006 qui n’aurait pas évolué.
Cela n’empêcher pas de profiter du show du combo, ainsi que de la sympathie de Didier entre les titres. On le sent naturel dans ses interventions comme lorsqu’il s’éclame « Y en a plein parmi vous, je pourrais être votre père ! ».
Pour la fin du concert, Marine du groupe My Own Fear rejoint Primal Age sur scène pour interpréter un medley des meilleurs titres de Slayer. On repassera pour la qualité de l’interprétation des chansons de la bande à Jeff Hanneman mais le groupe se fait plaisir et quitte la scène sous les applaudissements. Que du respect pour la longévité de Primal Age qui semblaient eux aussi bien tristes de voir mourir The Arrs, après avoir vu le combo débuter au début des années 2000 et prendre son envol.
In Arkadia
In Arkadia est un nom plutôt connu dans le paysage français. Et dès l’entrée sur scène du sextet, on sent que le niveau a complètement changé. Le son est aux petits oignons et la déferlante deathcore que nous envoie les Lyonnais est ultra efficace, lançant les premiers mouvements de foule. La fosse s’est bien remplie et le pit commence à prendre de l’ampleur sous les breakdowns dévastateurs du combo. On peut voir une filiation avec Betraying the Martyrs, poids lourd du deathcore français à l’exception du chant clair complètement absent ici.
L’identité visuelle d’In Arkadia est un peu particulière, avec des membres grimés d’un mélange entre Northlane et Wes Borland de Limp Bizkit. De toute façon, pas moyen de distinguer cette particularité avec les lights épileptiques du Trabendo. Deux frontmans se partagent le chant et cette combinaison fonctionne plutôt bien, ne laissant aucun temps mort pendant et entre les morceaux. Ces derniers n’hésitent pas à balancer des petites provocations sympathiques (« Ici c’est Lyon ! ») mais surtout à occuper tout l’espace scénique en montant sur les retours et en allant chercher le public aux barrières.
En fin de set, le groupe se lance dans une cover débridée de « People = Shit » de Slipknot, invitant chacun à venir chanter. L’appel sera entendu et pas mal de monde pourra venir se défouler sur ce classique des américains, apogée du set. In Arkadia s’éclipse en ayant une nouvelle fois fait le boulot, alors que la tête d’affiche de la soirée approche lentement mais sûrement.
Smash Hit Combo
Mais d’abord, Smash Hit Combo est prêt à donner une leçon au Trabendo. Pour qui ne les as pas vu depuis quelques années, la nouvelle côte de popularité est frappante. Les Alsaciens sont presque aussi attendus que The Arrs ce soir et le pit va se déchainer dès les premières notes d’« Animal Nocturne » qui ouvre le set. Paul en profite pour déjà se jeter dans la foule et le ton est donné, les 45 prochaines minutes vont être intenses.
On connait déjà la maitrise scénique des musiciens et ils n’ont pas besoin de forcer pour assurer leur mélange rap/djent comme des chefs. « Toujours Plus », « Baka », « 2.0 », « In Game », autant de titres que les fans reprennent par cœur et où l’énergie des deux frontmans, Max et Paul fait le reste. Pas de « Le Poids des Mots » ou de « Quart de Siècle », l’accent est volontairement mis sur les morceaux les plus violents, ne laissant aucun moment de répit sauf sur les couplets de « Hardcore Gamer ».
Mais il reste un petit problème : où sont donc les titres de L33T, le nouvel album sorti cette année ? La réponse ne va pas tarder à arriver avec la venue sur scène de NLJ, MC d’Atlanta pour chanter ses parties en anglais. Le groupe devient alors une entité à trois chanteurs incontrôlables se jetant dans la foule à chaque occasion et offrant les déjà très populaires « Spin the Wheel » ou « Die and Retry ».
Le chant en anglais est une étape inattendue chez Smash Hit Combo et les nouveaux titres sonnent vraiment Linkin Park sans dénaturer l’essence des compositions. NLJ semble vraiment heureux de faire ces dates et son flow live impressionne par sa rapidité. Un peu avant la fin, il s’éclipse néanmoins pour laisser le duo originel finir sur le traditionnel « Hostile ».
Smash Hit Combo semble avoir réussi son pari de gagner un public nombreux et fidèle en France et à Paris à force de tournée intense et ce concert en était l’illustration parfaite. Ils seront d’ailleurs de retour dans la capitale avec Dagoba et Betraying the Martyrs en décembre.
The Arrs
Désormais fini les blagues, l’émotion est dans l’air et le Trabendo est plein comme un œuf pour accueillir le dernier concert de The Arrs. Petite surprise alors que la salle n’a normalement pas de crash barrière, on en trouve ici ce qui est un peu dommage. La France est encore loin de la scène hardcore américaine en ce qui concerne la communion entre les groupes et le public dans ce style si particulier.
Les cinq membres arrivent comme d’habitude surmotivés et Nico vient déjà se jeter dans la foule dès les premières secondes de « Requiem ». L’intensité ne va jamais retomber et The Arrs nous prépare un voyage d’une heure trente à travers toute sa carrière sans faire une seule concession à leur brutalité habituelle. Tenir aussi longtemps en jouant une musique si brutale est un vrai tour de force et il faut souligner la ténacité de musiciens comme le batteur Toki, impressionnant de régularité pendant tout le set.
La recette est connue depuis plus de dix ans, un metalcore sans concession que l’on pourrait rapprocher des québecois de Get the Shot pour le coté brisage de dents en règle. Le genre de musique qui ne fonctionne en live que si le public est concerné et on vous laissez deviner si il l’était ce soir-là. Les tueries s’enchainent à la pelle et les invités aussi, dernière oblige. C’est tout d’abord Maxime Keller de Smash Hit Combo qui monte sur scène avant de laisser la place à l’ex guitariste du groupe, Pasqual présent sur quelques titres. Julien Truchan de Benighted sera de la partie sur « Khronos » alors que Poun de Black Bomb A débarque pour chanter sa partie sur l’impressionnant « Prophétie ».
Le pit est un véritable champ de bataille pendant toute la durée du concert et les slams s’enchainent par dizaine pendant les titres, mettant à mal la sécurité du Trabendo. On sent une vraie camaraderie chez tout le monde, content de profiter une dernière fois de la musique de The Arrs en live. Niveau setlist, le groupe a le temps de faire la part belle à tous leurs albums avec six titres de Et la douleur est la même sans oublier le tout dernier EP sorti cette année. Une petite panne de courant oblige les parisiens à recommencer un morceau et cet imprévu est presque salutaire pour la fosse qui suffoque.
Nico passe son temps aux barrières pour tendre son micro aux plus véloces, il faut dire que les sing-alongs de « Mon Epitaphe » et « Du Ciel et de la Terre » sont plutôt propices à cet exercice. Le chant clair est clairement à revoir mais cela importe peu ici, les guitaristes envoient des riffs en acier trempé qu’ils soient deux ou trois et la puissance dégagée par la prestation ne laisse absolument personne indifférent.
Le rideau tombe sur un énième « Sanctuaire » pour arracher une dernière fois les nuques. Evidemment, un rappel est de rigueur et The Arrs revient pour jouer le tube « Du Berceau à La Tombe » avant de finir sur « Passion », comme le résumé d’une carrière. Le groupe a fait péter le budget confettis et salue longuement son public en l’invitant à venir à la séance de dédicace juste après le concert. Le concert est terminé et il faut déjà se faire à l’idée que l’on ne reverra plus ce groupe qui a tant donné pour la scène française. Adieu The Arrs, vous allez nous manquer et si un jour vous souhaitez remonter sur scène, votre public sera là toujours aussi passionné.
Setlist:
Requiem
Au cœur de l’arène
De Ma Plume
A Jamais
Mon Epitaphe
Délivrance
Hommes d’Honneur
Brule en Silence
IV Horizons
Prophétie
Héros Assassin
Kombat
Hors Norme
Originel
Khronos
Aussi Loin Que Le Regard Des Anges
Du Ciel et de la Terre
Sanctuaire
Authentique Indignés
Ennemis
Du Berceau à la Tombe
Passion
Photo : Justinator / Justine Cadet 2017