A l’occasion de la sortie de leur dernier album Les Contes de la Tripes le 31 octobre dernier, le groupe marseillais Bad Tripes, nous livre ses impressions sur cet album marquant un retour en force.
Bonsoir Bad Tripes, merci de m’accueillir dans votre « triperie ». Votre univers kitsch sanglant commence à se faire une jolie réputation, et après une petite période de calme vous revenez en force avec un troisième album enregistré avec un nouveau line-up. Une petite présentation ?
Hikiko (chant-paroles) : Pardon pour l’odeur. Alors en fait de nouveau line-up on régresse au fil du temps. Au début on était six, puis cinq, aujourd’hui quatre. D’après mes calculs un jour on finira deux avec Seth à soixante-dix ans … Bref en attendant j’en profite pour vous présenter Siger, notre batteur, qui est arrivé à cheval entre le moment où on a enregistré le deuxième album Splendeurs et Viscères, et sa sortie. Entre temps notre guitariste Schwanz nous a quitté, Taenia la bassiste aussi. Elle est remplacée aujourd’hui par Kami ici présente.
Seth (guitariste-compositeur) : D’ailleurs les pizzas arrivent, en l’espace de deux minutes on a perdu encore deux membres…
Votre troisième album s’intitule « Les Contes de la Tripe ». Quels genres de contes y racontez-vous ?
Hikiko : Contes horrifiques, faits divers… En fait le côté « contes » ce n’est pas tant le rapport aux contes de fées mais il s’agit plus du côté « conteur » qui raconte une histoire. Plutôt que d’écrire des paroles engagées, qui dénoncent ou qui sont abstraites on préfère raconter une petite narration avec mise en situation, élément perturbateur etc. Le titre de l’album évoque surtout un hommage aux Contes de la crypte, un peu comme le nom de notre groupe. On n’avait pas trop d’idée et il y avait une performeuse que j’aimais bien qui s’appelait «Lily Badtrip», du coup j’ai dit "tiens pourquoi pas", avec « es » à la fin pour faire « tripes » ça le ferait! Les anciens zikos étaient d’accord donc voilà. Puis on avait la flemme de réfléchir... en fait il n’y a rien d’intellectuel là-dedans, c’est très spontané !
Qu’est-ce qui fait la particularité de cet album comparé aux deux autres ?
Hikiko : Cet album baigne dans l’univers cinématographique, mais ce n’était pas spécialement pensé comme ça au départ. Ca s’est fait tout seul suite à l’écoute de « Fuck Me Freddy ». Puis on est un groupe avec un visuel assez fort, on a toujours eu envie de faire des clips, il y a une forme de continuité par rapport à ça. On aime le côté gore, le cinéma, le côté sombre mais un peu déconnant, les films de la société Troma, les nanars, c’est devenu évident. Mais ce qui le distingue c’est surtout sa sortie qui fut l’accouchement le plus long du monde. L’album a été fait dans des conditions limite épouvantables avec le départ des anciens membres. Reprendre ses habitudes, se remotiver, se mettre d’accord sur les titres…On a été d’une lenteur pachydermique à le concevoir.
Seth : Ouais ça a été une grosse galère, comme une rupture. Ca fout un coup au moral, mais on se remet en selle. L’album a été plus long à écrire dans ce contexte mais en même temps on n’avait pas de deadline. Du coup ça explique ce temps de calme. Puis l’inspiration est revenue et tout s’est enchaîné. Mais ce qui le distingue, comparé aux deux autres, c’est qu’avant les gens n’écoutaient pas nécessairement Bad Tripes comme ça sans raison, dans leurs voitures ou ailleurs. Et aujourd’hui on me dit que le matin le cd tourne en boucle dans la caisse et c’est la plus grande récompense pour nous de savoir que notre musique est écoutée, et surtout réécoutée! Donc grosse avancée avec cet album.
Kami (basse) : c'est vrai que les gens ont trouvé une certaine continuité dans l’album dans le sens où ils l’écoutent en boucle et trouve un intérêt dans chaque titre. Ca fait plaisir.
Siger (batterie) : Pour moi le plus gros travail sur cet album a été au niveau de la voix, Hikiko a fait d’énormes progrès au niveau chant et ça s’entend clairement.
Hikiko : en même temps tu pars de moins deux c’est obligé d’arriver quelque part où c’est acceptable. En vrai c’est une évolution personnelle. Depuis des années Seth me vante les mérites du chant clair. Sans être une metalleuse intégriste, d’ailleurs j’écoute assez peu de metal en vérité., j’avoue ne pas être très friande du chant clair dans le metal. J’avais quelques idées préconçues…. J’avais peur qu’on me fasse chanter des choses un peu cucul qui n’iraient pas. Puis je suis moins bornée et concon qu’avant, j’ai accepté de tenter et en fait il y a des variantes et c’est sympa.
Vous avez déjà dû avoir des retours suite aux premières écoutes de l’album. Y a-t-il des chansons qui se démarquent des autres ?
Hikiko : « Car Nous Sommes Nombreux » semble se démarquer pas mal des autres avec son côté assez black metal. « Gretel », qui est influencée nettement (parce qu’on est des putains de clichés et qu’on assume) par les musiques de Rammstein, sort aussi du lot. Enfin je dirais « Hansel » qui est plutôt pop par rapport aux autres.
Et vous, y-a-t-il une musique que vous préférez ?
Seth : Moi personnellement c’est « La Bouchère de Hanovre» parce que c’est la plus tubesque! Sans parler de « Hansel » qui était, quand je l’ai écrit, le morceau « ovni ». C’est vrai que ce n’est pas un morceau que Bad Tripes aurait fait en temps normal. Ce type de morceau fait très pub, très prémaché, très sucette, très tout ce qu’on veut, et donc très loin de ce qu’on fait d’habitude. Mais elle sonnait bien, le refrain allait tout seul et au niveau de l’enregistrement ce fût facile… Mais la plus représentative de Bad Tripes pour moi ça reste « La Bouchère de Hanovre» .
Kami : Moi je vais être vachement originale mais… j’aime tout l’album. Toutes les mélodies restent dans la tête, on les sifflote, on les fredonne et c’est génial.
Siger : Pour ma part j'aime beaucoup écouter « Hansel », mais j’adore jouer « Les Rendez-Vous de la Bête » car il swingue, il groove. Puis c’est rare les morceaux qui swinguent dans le milieu metal donc j’apprécie.
Seth : Ah ben préparez-vous les enfants parce qu’il va y en avoir d’autres je vous le dis … Je suis déjà en train d’écrire.
Quoi ?! il y a un quatrième album en cours ?!
Le groupe : Eh oui c’est en cours.
Dans l’ensemble quelles sont vos influences (musicales) ?
Seth : En réalité vu que, même si on est quatre, je fais les compos seul et que Hikiko écrit les textes seule, c’est difficile à dire … Pour ma part c’est vrai que pendant des années j’étais un peu borné et plutôt axé sur du metal scandinave. Un metal très bourrin par rapport à ce que je fais aujourd’hui, pour m’ouvrir par la suite à d’autres styles. Après ce n’était pas dans l’état d’esprit de retranscrire un style particulier, même si on ressent nettement le côté un peu Rammstein, ce n’est pas nécessairement volontaire. En fait ça fait des années que je joue comme ça et même si je voulais faire autrement ça retomberait immédiatement au naturel pour sonner dans ces riffs-là. En fait l’influence de Bad Tripes c’est le fait de ne pas en avoir ; j’ai écrit des morceaux et ensuite j’ai commencé à faire des mixs de metal guinguette un peu punk, sans que cela rentre réellement dans une case. Quand les gens cherchent à se foutre dans des cases en disant "on va faire du death melo, de la pop, du swing congolais ou ce qu’on veut", je me suis dit que je n’avais pas envie de faire ça. Je vais plutôt penser « tiens j’ai envie d’un saxo, d’un accordéon, d’une scie sauteuse qui démarre » : on mixe le tout et ça sonne cool. Bon après c’est vrai que j’adore tout ce qui est cuivre et compagnie, et en fait je voulais que cet album soit dansant. Je ne me suis pas mis de limite et tout s’est fait naturellement, puis au final le meilleur moyen pour être original c’est de ne pas chercher à l’être.
Hikiko : j’ai toujours aimé le punk et j’aime bien que cela ressorte dans nos morceaux. Notamment ado j’étais super fan de Lofofora, je trouve que la voix de Reuno – Reuno de Lofofora qu’on s’entende bien, pas l’autre saucisse sociale-traitre - est extra. J’aime bien les voix masculines du punk et cela m’inspire pas mal. J’écoutais également beaucoup Les Bérus, en fait j’ai plus des influences masculines sorties des années 80-90 généralement.
Deux chansons de ce troisième album ont déjà leurs clips disponibles : « La Bouchère de Hanovre » et « Gretel ». Pourriez-vous nous dire qq mots sur leur réalisation ?
Hikiko : Et vous oubliez également le clip "Hansel" petit dernier sorti le 10 décembre. Vous allez me dire « pourquoi vous avez mis Gretel d’abord ? Alors que théoriquement Hansel vient avant ». Ben en fait… on fait ce qu’on veut, c’est nous qui réalisons !
Plus sérieusement, la réalisation des clips fut intéressante : deux expériences différentes qui donnent envie de recommencer. Pour "La Bouchère de Hanovre", notre ami photographe Romain Barielle nous a présenté son cousin, Willy Boutet, qui était en train de monter sa boîte de production. On a bien accroché et on s’est dit "pourquoi pas autant faire les choses bien". Puis, Seth qui s’est toujours occupé de la partie visuelle du groupe avait des idées des clips avec des grues et autres… et ce projet semblait plus réalisable. Travailler avec Bat Art Production fut une super aventure avec une équipe professionnelle au top.
Concernant "Gretel", Seth a pris les choses en mains et a décidé de se lancer ; c’était une découverte et une expérience concluante puisqu’il a enchainé avec "Hansel" et pense à d’autres projets.
Seth : Ah c’est toujours dans un coin de ma tête ! Ca viendra, ça viendra.
Donc vous avez d’autres projets de clips en vue ?
Kami : On a d'autres projets de clips en vue pour plusieurs chansons, mais on ne peut pas tout dévoiler pour le moment… Idéalement c’est ce qu’on aimerait faire pour tous les titres de l’album. C’est aussi le côté cinématographique de cette réalisation qui nous plait et qu’on aime mettre en scène.
Pour ceux qui ne vous ont pas encore découverts en live, avez-vous des concerts de prévus prochainement ?
Hikiko : Pour l’instant rien de prévu. Toutefois une asso de Marseille a pris contact avec nous ; les gérants ont organisé un concert pour Punish Yourself à Toulon qui était extraordinaire et on va les recontacter prochainement. Mais après des années de frustration visuelle où on n’a pas donné corps à nos envies et nos projets, là on se concentre sur la partie réalisation des clips. Puis cette partie visuelle véhicule aussi l’image d’un groupe et va peut-être donner envie aux gens de découvrir notre univers.
Seth : Oui on va bientôt s’y remettre. C’est vrai que pour l’instant on est plus dans une phase créative axée sur l’image et les clips. Puis on est plus méfiants avec les concerts maintenant, c’est vrai que tout ce qui est partie créa et promo on peut maîtriser tandis que pour le déroulement d’un show on n’a plus la main et c’est plus stressant. Quoiqu’il en soit on finit de peaufiner tout ce qui est clip et en 2018 les concerts vont sans doute repartir.
Parmi les concerts que vous avez déjà donnés, y en a t il un qui vous a particulièrement marqués ?
Hikiko : Celui où j’ai vomi en plein concert était pas mal ("show must go on" comme dirait l'autre) ; j’ai cru que j’allais crever… j’ai perdu deux kilos en quarante-cinq minutes.
Seth : Pour moi c’est le dernier qui a eu lieu en mai au Poste à Galène à Marseille, car c’est notre premier concert avec la nouvelle équipe et ça faisait longtemps que je n’avais pas pris mon pied comme ça.
En fait à ce moment-là l’album n’était pas encore sorti ; c’est la première fois qu’on joue cet album et je me suis rendu compte sur scène que tout le monde était à 8000 tours minutes et je me suis dit « punaise mais quand l’album va sortir ça risque d’être super cool, on ne s’est pas trompé ! ». En plus l’équipe de tournage de Bat Art Productions était venue exprès de Montpellier assister au concert, ce qui nous a d’autant plus donné la pêche.
Je pense qu’on y a plus ou moins répondu tout à l’heure mais je pose quand même la question : un autre projet musical en vue ?
Seth : on s’est peut-être dit qu’on allait partir sur du Brutal Zouk (rires). Sinon on en a vaguement parlé précédemment, il y a un quatrième album qui est déjà en cours d’écriture. On ne va pas trop en dire plus non plus mais il y a beaucoup de nouveau morceaux dans les tiroirs.
Pouvez-vous décrire Bad Tripes en trois mots ?
Kami : Bouffe bouffe bouffe !
Seth : Jacquie et Michel.
Hikiko : Mangez des pommes. Non mais, blague à part, déjà qu’on ne sait même pas dire précisément ce que l’on fait comme musique, c’est extrêmement délicat de décrire le groupe en trois mots.
Siger : Déjanté, débile et indescriptible. Mais on nous a déjà décrit comme étant des "Ritas Mistousko en plus trash".
Comment se passe la partie créative des chansons ?
Hikiko : En fait généralement Seth s’occupe de créer les compos, il me fait écouter les musiques, et en fonction de ce que ces musiques m’inspirent j’écris des textes. Mais parfois Seth va directement suggérer des choses. Par exemple un jour il a dit « bon écoute j’ai une idée, il y a un morceau qui s’appelle Hansel et un autre qui s’appelle Gretel, tu fais avec. » Et c’est vrai que je n’aurais pas forcément pensé à ça, du coup j’ai écrit les textes en fonction et ça rend plutôt bien.
Certains groupes trouvent le titre après avoir écrit la chanson, vous en fait c’est l’inverse vous trouvez le titre après vous faites la chanson.
Hikiko : Mais c’est parce qu’on est complètement kamoulox ma petite.
Un endroit où vous aimeriez jouer ?
Kami : JAAAPPPOOOON !
Seth : Le Hellfest ce serait pas mal.
Hikiko : Pas d’endroit particulier, j’aime beaucoup faire des concerts et m’amuser n’importe où, donc dès lors que ce n’est pas un truc foutage de gueule ça me va.
Siger : Jouer à la croisière metal 70000 tons of metal, ce serait extraordinaire.
Un groupe avec lequel vous aimeriez jouer ?
Siger : Bad Tripes ! Sinon en deuxième choix Banane Metalik. Sinon Metallica ça existe encore ?
Hikiko : Punish Yourself.
Seth : bah ce n’est pas une surprise me concernant… (rires) : Rammstein.
Comment voyez vous l’avenir de Bad Tripes ?
Seth : Rolls Royce, bitches, cocaïne, le classique quoi. Avec le tiroir à bière !
Siger : Et le tiroir à putes !
Hikiko : plutôt prolifique, actif, pleins de morceaux, de concerts, et de chtouilles !
Les Bad Tripes ont une page Facebook, et un site web.
Bad Tripes, Les Contes de la Tripe,
Sortie le 31/10/2017, auto-production.
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Crédit photographies : Romain Barrielle Photographies 2017.
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