Le 25 novembre dernier nous assistions au concert d’Enslaved au Trabendo organisé par Garmonbozia Inc. Ce soir-là, les Norvégiens partageaient la scène avec deux groupes de post-rock français, Wolve et Lost in Kiev, qui nous ont doucement fait entrer dans leurs univers sombres et planants. Mais que ce soit pour un groupe comme pour l’autre, il était bien dommage qu’ils ne puissent occuper la scène plus de trente minutes. En effet, les deux groupes n’ont pu jouer que trois ou quatre morceaux, ce qui n’a pas permis au public de pouvoir totalement entrer dans leurs univers pourtant très riches.
Wolve
Le set de Wolve commence sous les yeux d’un public éparse. Julien Sournac joue quelques notes lancinantes à l’archer sur sa guitare avant de commencer à chanter de sa voix claire et chaude. Dommage d’ailleurs qu’elle ne soit pas toujours audible sur ce premier morceau.
Le groupe enchaîne avec un second morceau plus lourd aux sonorités proches du doom et du stoner. On entend très bien la ligne de basse à la fois lourde et groovy qui soutient à merveille la voix du chanteur. Au milieu de la salle, un fan reprend les paroles de la chanson en chœur alors que la salle se remplit doucement.
La dernière chanson de Wolve est plus énergique que les deux premières et les samples de percussions apportent un côté tribal à ce long morceau instrumental qui se finit sur un chant envoûtant. Dommage que le set ait été si court. Il a commencé et fini trop vite pour que l’on puisse s’imprégner de la musique du groupe mais a été suffisamment long pour piquer la curiosité du public.
Lost in Kiev
C’est au tour de Lost in Kiev de monter sur les planches. Là encore, le set est un peu court pour pouvoir apprécier toutes les facettes du groupe, mais le public qui s’est fait un peu plus dense à l’air de rentrer un peu plus dans leur univers.
Les gens se balancent au rythme sombre de la musique. Les stroboscopes ajoutent un côté oppressant à ce set qui envoûtera le public à mesure que les notes s’envolent. Le deuxième morceau du groupe commence par un vrombissement qui vous donne la chair de poule. Seule la batterie s’extirpe du son entêtant que produisent les autres instruments au début du morceau, jusqu’à ce que petit à petit la mélodie l’emporte. Des samples de voix viennent accompagner la musique, dommage que ceux-ci soient quasi-inaudibles. Lost in Kiev terminera son set par un troisième morceau à l’intro stridente. Les notes aiguës s’envolent lentement avant que les instruments ne viennent prendre le relais avec un son plus grave et posé. Leur musique nous fait lentement divaguer.
Le public commence à headbanger, comme transporté par la musique. Les paroles des samples utilisés pour ce dernier morceau sont projetées à l’arrière de la scène mais en décalé, ce qui est bien dommage. Puis, arrive une apparition sur scène. Le jeune homme au t-shirt blanc, qui s’occupait du merch juste devant nous, apparait sur scène comme par magie pour prendre le micro. Sa voix nous prend aux tripes et conclut ce dernier morceau sur des notes sombres et poignantes.
Enslaved
Voilà enfin le moment tant attendu. Enslaved va commencer à jouer dans peu de temps et le public se fait de plus en plus nombreux et impatient. Les membres du groupe arrivent un à un sur scène sous les ovations des fans.
La fumée et les lumières rouges donnent une ambiance feutrée comme sortie d’un rêve. Le public entre dans l’univers du groupe dès les premières notes de l’intro. Les Norvégiens commencent leur set par "Storm Son", chanson phare de leur dernier album E. Malheureusement, le son est mal réglé et on a du mal à distinguer les voix, surtout la voix claire qui peine à se frayer un passage entre les notes graves des instruments. Mais cela n’empêche pas Enslaved de sortir le public de la torpeur créée par les deux premiers groupes. Grutle Kjellson prend la parole en français pour remercier le public d’être là et aussi réceptif. Il faut dire qu’en plus d’avoir un charisme incroyable, les membres d’Enslaved ont ce pouvoir extraordinaire de donner le sourire à leur public malgré le côté sombre de leur musique. Enslaved est un groupe qui partage son amour de la musique et de son public, et ce dernier le lui rend bien.
Grutle annonce "Roots of the Mountains", de l’album Riitiir, sorti en 2012. Le son s’améliore petit à petit, la musique nous transporte mais la douce voix de Håkon Vinje au clavier a toujours du mal à se faire entendre. Cela n’empêche pas le public de chanter en chœur.
Ce qui est bien dans une salle comme le Trabendo, c’est que l’on peut surplomber la fosse et observer les gens dans la salle, et avec un groupe comme Enslaved, aussi proche de ses fans c’est un régal. Je dois dire que certains membres du public m’auront fait ma soirée ! Je pense tout particulièrement à toi Antoine, ancien collègue de La Grosse Radio Metal, au fond du pit, les bras levés, poings fermés, en train de chanter comme possédé par la musique. Et à toi, jeune homme barbu au crâne rasé au premier rang qui a dansé, chanté, headbangué comme si rien ni personne n’existait autour de toi tellement tu étais envoûté par la musique. C’est toujours beau de voir à quel point un groupe peut dégager autant d’énergie positive.
Après avoir encore une fois dit au public à quel point c’était un plaisir de venir jouer en France, Grutle annonce la prochaine chanson et nous explique que celle-ci nous enjoint à ne pas être des « trous du cul ». Les premières notes de "Return to Yggdrasil" se font entendre et entraînent le public au cœur de la légende de l’arbre-monde.
On retourne ensuite vers un morceau plus récent, "The Rivers Mouth", que l’on trouve sur l’album E. Grutle insiste même sur la prononciation de cette rune et s’amuse à faire répéter le public avant de jouer les premières notes. Et là, miracle ! La voix de Håkon Vinje se fait enfin entendre ! Les problèmes techniques sont enfin résolus, le public est enchanté et chante de plus belle. Le groupe enchaîne sur "Convoys to Nothingness" et se rapproche encore plus de son public en venant serrer des mains au premier rang. La lumière jaune venue du haut de la scène éclaire les artistes tel un rayon de lune, ce qui colle parfaitement au côté sombre de cette chanson.
Le public a l’air enchanté d’entendre des chansons plus anciennes. Enslaved nous emmènera donc encore plus loin avec "Vetrarnótt", un morceau de l’album Vikingligr Veldi sorti en 1994. Mon fan préféré au premier rang est totalement en transe, le public s’agite et pogote sur ce morceau très black metal.
Puis nous retournons à un morceau plus récent de 2015 avec "One Thousand Years of Rain" avant d’entamer le dernier morceau du set qui cette fois-ci ne sera pas "Anti-social" de Trust, comme le veut la tradition. A la fin de cette chanson, Grutle nous parle de son amour pour le Cognac et présente les membres du groupe de façon humoristique. Il nous présente Cato Bekkevold comme étant le plus merveilleux des batteurs, Ivar Bjørnson comme son ami et compagnon de toujours, avant de passer aux moqueries concernant Ice Dale. Il se moque du fait qu’il soit torse-nu pour nous montrer ses tatouages et lui dit de s’acheter une ceinture car on voit ses sous-vêtements. Puis il nous présente le dernier arrivé dans le groupe, le jeune Håkon Vinje qui est même plus jeune que le premier album du groupe avant d’entamer "Sacred Horse".
Le concert ne s’arrêtera pas là. Cato Bekkevold reviendra sur scène nous offrir un impressionnant solo de batterie. Le groupe conclura par deux derniers morceaux : "allfÇ«ðr oðinn" pour les fans de la première heure, puis "Isa" avant de se jeter dans le public pour des embrassades.
Ce que l’on retiendra de ce concert, c’est le contact extraordinaire qu’ont les membres d’Enslaved avec leur public. Il est rare de voir un concert de black metal où les gens ont le sourire aux lèvres du début à la fin. Enslaved est dans le partage et transmet son amour de la musique au public qu’ils apprécient tant. Etre sur scène n’est pas seulement se faire plaisir en jouant les morceaux que l’on a composé, c’est aussi la rencontre magique avec le public. Ils l’ont bien compris et nous le rendent extrêmement bien.
Article : Eloïse Morisse
Photos : © 2017 Arnaud Dionisio
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