Entretien avec Of Mice and Men

"Le message de Defy est: Dis à la vie d’aller se faire foutre et définis-toi tout seul."

Valeur montante il y a quelques temps, Of Mice and Men est désormais une valeur sûre du metalcore. Non content de sortir un nouvel album en ce début d’année 2018, le quartet a eu en novembre dernier l’opportunité d’ouvrir pour deux gros noms : Five Finger Death Punch et In Flames à l’Olympia de Paris. Cueillis à chaud après leur prestation, Aaron Pauley et Valentino Arteaga (bassiste/chanteur et batteur) se sont prêtés au jeu de l’interview avec humour, sincérité… et quelques verres de whisky.

Salut Valentino et merci pour cette interview. Ne perdons pas de temps, tu viens de te produire dans une des plus célèbres salles de la capitale, alors peux-tu nous raconter ce moment ?


C’était absolument incroyable ! Et tu vois, toute la journée j’ai senti une certaine attente, une certaine « hype », qui montait petit à petit. On était vraiment pressés de retrouver nos fans français, la dernière fois que nous sommes venus en France, avant le Hellfest, c’était avec Linkin Park (2014). Tu vois, je crois que j’ai encore du mal à réaliser que mon petit groupe du sud de la Californie a autant de fans dans le monde, je m’en rends compte avec le temps, scènes après scènes, villes après villes. C’est important pour nous de continuer à tourner encore et encore, nous devons continuer à construire notre fan base, peu importe que l’on soit en première partie ou en tête d’affiche. Ce soir, nous avons vu tellement de fans venir nous soutenir, c’était fou ! Et puis ce lieu semble tellement emblématique.
 

Juste avant le début de notre concert, on sentait quelque chose, on sentait que les gens n’étaient pas là que pour In Flames ou FFDP,  ils étaient là pour nous tous. Avant le début de ce tour, nous n’avions pas réalisé ça, mais dates après dates,  on réalise que l’on fait partie d’une communauté, on réalise que nous faisons partie de cette atmosphère créée par cette affiche. C’est déjà génial que l’on puisse toucher les fans des autres groupes mais ce soir je crois… Oui, je crois profondément que plus de la moitié du public savait qui nous étions. Quel sentiment incroyable, celui d’avoir un réel impact sur la soirée, ce soir je crois que c’est une belle histoire que l’on a vécue avec ce public. Et c’est là où tu te rappelles que les plus belles surprises, quand tu joues dans un groupe, t’attendent sur scène. J’espère que nous allons continuer à vivre de tels moment pendant ce tour, avec ce public que nous rencontrons tous les jours. Je suis content d’être en France ce soir, retrouver nos fans français, les voir réactif à ma musique, les voir chanter les paroles, nous reviendrons toujours dans ce pays, pour ce public incroyable… Désolé je parle beaucoup, mais j’aime ton pays (rires) !

Of mice and men

Aucun problème. Une autre belle histoire et une autre belle surprise : votre passage au Hellfest en juin dernier. Pour beaucoup de médias et à priori une bonne partie du public, votre passage a été une très très grosse surprise. Qu’as-tu pensé de ce moment, de ce festival ?

Je vais te dire exactement ce qui s’est passé ce jour là : quand je me suis réveillé, descendu du bus et quand j’ai découvert l’endroit où nous allions jouer (la Mainstage 2) et la taille du festival… J’ai envoyé plein de textos à mon papa (rires) ! Je lui ai envoyé peut-être 50 photos, et autant de vidéos. Avant de jouer, c’était déjà un moment incroyable pour nous. Se dire que l’on allait peut-être créer quelque chose sur cette scène, à ce festival… Wow ! On n’était pas là à boire des bières et mâcher du chewing-gum et attendre de passer sur scène. Non, pour nous ça allait être comme si notre musique allait passer à la radio, on allait toucher beaucoup de monde.  Le Hellfest a été l’une des plus grandes et importantes scènes de notre vie. C’était un très grand jour pour nous et c’était vraiment cool d’avoir la possibilité de faire écouter notre musique à tant de gens. Honnêtement je ne pensais pas que la vie nous apporterait un tel moment, vraiment. Encore une fois, nous reviendrons toujours en France et Europe. Je me souviens aussi que Tom Morello était en train de nous regarder, il attendait pour jouer avec Prophets of Rage (sur la Mainstage 1). Ouais, ouais c’était vraiment un grand moment.

Nous sommes rejoins par Aaron et une grosse bouteille de whisky,

Valentino : Tu trouves qu’il ressemble à qui ? (en s’adressant à moi et en désignant Aaron).

Je dirais Jack Black…

Aaron : Je vais te tuer (en imitant une grimace de Jack Black)

Je ne suis pas le premier à te le dire, c’est ça ?

Valentino : Au moins le millionième (rires) !

Aaron : Ouais je ressemble à mon vieil oncle Jack, mais là je suis venu avec oncle James (rires) ! (Il se sert et avale d’une traite un gobelet de Jameson).

Revenons à la musique. Quelle a été l’approche de Defy ? Car c’est le premier album que vous composez à quatre…

Valentino : En effet. Finalement tout est venu très naturellement. Austin a quitté le groupe...

Aaron : En novembre 2016.

Valentino : Oui, merci. Donc en novembre dernier, Austin a quitté le groupe. Et il nous manque, sincèrement il nous manque. Ce qu’il nous a dit en partant c’était fondamentalement : « Les gars, je dois quitter le groupe, c’est vous les gars qui devaient décider de ce que va devenir Of Mice and Men, de continuer à donner le meilleur de Of Mice and Men en restant ou non Of Mice and Men ». En gros c’est à nous qu’il a laissé la décision de continuer ou non l’aventure. Pour nous, présenter un nouveau chanteur, cela aurait été comme présenter un nouveau visage, un nouveau groupe…

Aaron : Et ce que l’on voulait c’était balayer le passé. Je pense qu’engager un nouveau chanteur n’était pas le bon choix, nous voulions honorer l’héritage de ce groupe. Je veux dire… Merde, j’avais 21 ans quand je suis arrivé dans le groupe et il y avait deux albums derrière. Et la chose que j’ai toujours cherché à faire, soir après soir, c’est honorer cet héritage, en tant que bassiste, en tant que chanteur, même les titres qui ont été composés avant que j’arrive. Et je crois que c’est ce que nous faisons tous les quatre aujourd’hui : nous honorons cet héritage. La  première approche a été de se dire « Ok les gars, peut-on proposer à nos fans la même chose que nous faisions avec Austin ? ». Pendant à peu près un mois, nos idées ont germé et grandi…

Valentino : … C’est amusant car cet endroit me rappelle celui dans lequel nous avons discuté pendant ce mois (ndlr : la loge doit faire quelque chose comme 8m²), nous voulions être dans une ambiance très intime, nous voulions être très proches pour vraiment réaliser ce que Of Mice and Men représente pour nous et, surtout, après tous les changements que l’on a vécu, comment continuer à donner le meilleur de Of Mice and Men. On veut avant tout être honnêtes avec nous, avec ceux qui nous aiment.

OMM

Tu parles d’un héritage, Aaron, et il y a un an tu as pris la décision de devenir le chanteur d’OMM. Que penses-tu de ton rôle aujourd’hui ?

Aaron : Eh bien quelle question difficile (rires) ! Pour moi ça n’a pas été si difficile de reprendre le chant. Je faisais déjà presque la moitié du chant de toute façon, du chant clair, des chœurs... Et j’avais déjà chanté dans d’autres groupes. Mais je tiens à dire que ce n’est pas ma décision, c’est notre décision. Même avant qu’il ne parte pour de bon, Austin nous avons donné quelques noms et repéré quelques chanteurs en disant « Eh, ce mec chante vraiment bien ! ». Mais pour moi, personnellement, Austin est comme un frère et Of Mice and Men comme une famille. C’est  pour ça que pour nous, recruter un nouveau membre n’a jamais sonné comme quelque chose de positif. Je pense que recruter un nouveau chanteur aurait inévitablement provoqué une comparaison qui allait nous suivre toute notre vie. Nous voulions continuer avec la solide base que nous représentons tous les quatre…

Aaron et Valentino : Nous sommes Of Mice and Men (rires) !

Aaron : Je crois que pendant longtemps le public et les médias ont trop considéré que Of Mice and Men était Austin et nous, nous étions les musiciens derrière. Je crois que certains n’ont jamais compris que dans notre groupe nous avons toujours travaillé ensemble, que nous avons toujours été attachés avec une corde très solide. Alors oui, je suis devenu le chanteur pour deux raisons : L’amour de nos compositions, je les aime, j’aime les chanter. Et pour que nos fans puissent continuer à voir cette unité que, je pense, nous représentons. Je crois qu’avec un nouveau chanteur, nous aurions été comme un nouveau groupe, pas Of Mice and Men. Finalement on en revient toujours à cette envie d’honorer cet héritage. Je voudrais juste dire qu’après le départ d’Austin, connaître notre avenir a été comme une sorte de lutte au quotidien. Putain, il y a un an on était tous à la maison et on ne savait pas si on allait continuer. Et aujourd’hui… Putain, on ouvre pour In Flames et Five Finger Death Punch. Est-ce qu’on en serait là avec un autre chanteur ? Je ne sais pas, parfois la musique est mystérieuse. Mais ce que je peux te dire qu’après notre décision, aujourd’hui on se dit tous « C’est cool, on continue ». Et ça ce n’est pas grâce à moi, c’est grâce à tout le monde.


Valentino : C’est tout à fait ça. Nous sommes Of Mice and Men et nous avons toujours été une unité, OMM n’a jamais reposé sur une seule personne. Nous continuons juste à écrire notre histoire.  Et nous continuerons à faire face à l’adversité et les épreuves et nous continuerons à relever des défis.

OMM

Du coup vous n’avez pas choisi le nom de « Defy » par hasard. Comment résumeriez-vous l’état d’esprit de cet album ?

Aaron : Nous défions la vie, nous défions ce que les gens pensent de nous, mais nous ne défions guère nous-même. Nous faisons les choses comme nous l’entendons. Car après tout, personne ne connaît OMM tel que nous le connaissons. Tu veux savoir notre état d’esprit ? Nos fans veulent connaître notre état d’esprit ? Alors écoutez tous Defy dans son intégralité…

Valentino : Oui, écoutez notre musique. Je crois que la chose la plus incroyable et qui résume bien l’album, c’est que nous sommes fondamentalement juste des musiciens capables de créer des choses. Je veux dire, je reviens encore à cette unité, mais je crois qu’aujourd’hui certains groupes ont du mal à s’appuyer sur la confiance, sur le dialogue. Je pense que l’on a aussi établi une forme de dialogue avec notre public au travers de l’album. On en est à cinq albums, plus de soixante chansons, il y a beaucoup de chaque membre de OMM dans tous nos albums. Defy est notre défi pour 2018 : montrer que nous sommes une unité et continuer à toucher le plus de gens possible.

Aaron : Je vais être grossier, mais le message de Defy est « Dis à la vie d’aller se faire foutre et définis-toi tout seul ». C’est à toi de dire qui tu es et pas les autres. Et nous, avec Defy, c’est pareil : c’est nous qui allons dire qui nous sommes. Voilà notre état d’esprit, ça te va (rires) ?!

Du moment que vos fans sont contents. Parlons musique. Cet album est extrêmement efficace, très direct. Cold War était peut-être plus sombre et technique. Que voulez-vous proposer à vos fans avec cette nouvelle production ?


Aaron : Tout à fait, je dirai même que Cold War était bien plus profond et recherché que Defy. Le plus sombre et le plus profond que l’on a fait, d’ailleurs. Et on a peut-être oublié le temps d’un album que ce n’est pas pour ce genre de musique que nos fans nous aiment.

Valentino : Tout simplement. La musique d’Of Mice and Men doit être quelque chose d’efficace, de percutant et de véloce. Je ne pense pas que l’on fera un album comme Cold War à nouveau, même si on a adoré le faire (rires) !

OMM

On trouve une bonne surprise dans cet album : "Money" de Pink Floyd. Il y a un monde entre ce groupe et le vôtre, pourquoi cette reprise ?

Aaron : En fait toute la partie studio a pris beaucoup moins de temps que prévu. Lorsque nous avions déjà enregistré six ou sept morceaux, notre producteur est venu nous voir et nous a dit « wow les gars, vous avez presque fini ? Si vous continuez comme ça vous allez vous ennuyez pendant une semaine. » Et on lui a répondu « Ok, mais qu’est ce que tu veux que l’on fasse ? », « Eh bien faites une reprise ? ». Je me souviens avoir dit « Cool, pourquoi pas », et là j’ai balancé une tonne de trucs que l’on pourrait reprendre, mais c’était pour plus ou moins pour rire à chaque fois. Et puis j’ai dit « Tiens, si on reprenait Money de Pink Floyd ? ». Et là tout le monde a arrêté de rire et tout le monde m’a regardé. Même pour s’amuser, on n’a jamais touché à Pink Floyd mais j’aime vraiment ce titre. Et notre producteur  nous a dit qu’il aimait vraiment cette idée. Il a demandé à Alan (Ashby, guitariste)  de jouer le riff et l’a suivi en tapant du pied. Je me suis dit « C’est vraiment barré, ça me plaît. Faisons cela ! ».

Valentino : Cela nous a fait du bien car on a vraiment voulu donner le meilleur de OMM avec cet album, et je crois qu’en studio on a oublié de s’amuser. Alors jouer et enregistrer ce morceau, cela nous a vraiment fait du bien. C’était un beau travail d’équipe (rires).

Le metalcore est un genre vraiment très populaire aujourd’hui, plus qu’à sa création aux débuts des années 2000. Se faire un nom n’est pas forcément facile, mais je pense que l’on peut dire que Of Mice and Men y est arrivé. Quel est votre avis sur ce mouvement qui s’approche de ses vingt ans ?


Aaron : Très simplement, si tu veux faire du metalcore, fais-le. Il n’y a aucun formulaire avec ce mouvement musical. Si tu veux faire du metalcore et réussir en 2018, alors je crois honnêtement que le mieux reste de parler de quelque chose qui te touche, quelque chose de personnel, quelque chose qui vient de ton cœur… Si tu n’as pas le courage de faire cela, alors casse-toi et rentre chez toi, parce que tu n’as pas compris ce que cette musique signifie. Si tu veux parler des autres ou de la politique, alors fais du hard-rock ou du thrash metal. Et je ne suis pas désolé de dire ça. Si tu veux faire de la musique pour parler aux gens et surfer sur une vague musicale, alors oublie la vague du metalcore, elle est morte et tu n’iras nulle part. Essaye de surfer sur la vague du hip-hop ou RnB. Mais, je crois que la vague du metalcore est morte…


Valentino : Je ne dirai pas ça comme ça. Je dirai plutôt qu’il faut savoir s’adapter dans le metalcore. Je crois que tu peux entendre beaucoup de choses que l’on a changées d’un album à l’autre. Nous ne ferons jamais deux albums similaires. Mais qu’importe le courant musical, du moment que tu le fais avec ta tête et avec ton cœur, c’est ce que te dira n’importe quel musicien. Le plus important aujourd’hui, pour nous, c’est ce qui se passe entre le public et nous, entre la scène et le mosh. Honnêtement je ne sais pas si la vague du metalcore est morte, mais aujourd’hui les émotions ne viennent pas de ma musique mais des circle pit.

Photographies : © Nidhal Marzouk 2017
Toute reproduction interdite sans autorisation du photographe



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