Korpiklaani nous apporte leur huitième album studio avec Manala, du nom du royaume de la mort de la mythologie finlandaise; à ne pas confondre avec les traditionnels bonhommes en brioches alsaciennes qui portent étrangement le même nom.
Quoiqu’en y réfléchissant bien, je trouve que la musique de Korpiklaani a beaucoup de points communs avec ces pâtisseries. Elle est de bon goût, elle est rigolote et elle est traditionnelle !
Ce nouvel album est évidemment très attendu par les nombreux fans du groupe et le départ de Jaako « Hittavainen » Lemmetty, un ancien du groupe et un élément clé de l’univers musical des finlandais, avec son important usage du violon, laissait planer un doute quant à l’évolution de Korpiklaani.
Son remplaçant a été visiblement bien choisi. Il s’agit de Tuomas Rounakari, éthno-musicologue spécialisé dans la musique rituelle des populations finno-ugriques et arctiques. Il est aussi à l’origine du projet musical ShamanViolin. Il a joué tous les morceaux du nouvel album et a même composé un des titres.
L’âme du groupe est donc conservée, et me laisse un peu d’espoir sur l’orientation future vers des sonorités plus proches de « Shamaniac » plutôt que vers des titres telles que Tequilla.
Entrons donc dans Manala, le pays des Morts.
L’album débute par un morceau tout à fait dans l’esprit du groupe : Kunnia (Honor dans la version anglaise) nous emporte dans un rythme festif et joyeux au chant clair. J’aurais tendance à dire qu’il s’agit bien d’une chanson faite pour passer à la radio et à la télévision (dans les pays germaniques bien sûr, parce qu’en France… Hum, cela risque d’être plus rare, mais heureusement qu'il y a La Grosse Radio pour programmer ce genre de morceaux…)
Tuonelan Tuvilla (At the huts of the underworld) nous entraîne sur un rythme plus rapide et saccadé, avec un son plus lourd et une voix parfois à la limite du growl. Bref, du Korpiklaani comme on l'aime dans un concert !
Rauta (The Steel) est un titre assez original, aux influences folks prononcées, mélangées aux riffs entraînants d’un métal festif.
Vient ensuite Ruumiinmultaa (Soil of the Corpse), avec quelques très belles mélodies entraînantes et joyeuses. J’ai presque l’impression d’entendre In Extremo sur ce titre, au détail près du chant chamanique au début et à la fin du morceau.
Les riffs plus lourds et puissants font leur retour sur le bien nommé Petoeläimen Kuola (Predator’s Saliva). Ouf, ça fait du bien !
Après toute cette violence, c’est l’heure de la très jolie ballade Synkkä (Dark Side).
Fraîchement reposé, nous voilà prêts pour repartir à la fête avec Ievan Polkka (Ieva’s Polka), qui est l’archétype du morceau festif korpiklaanien dans le style de l’excellent happy little boozer. A noter que l'air de cette chanson est bien connu des "geeks" puisqu'elle est connue sous le nom de "Leek Song" (chanson du poireau) par le biais de cette vidéo.
Tuomas Rounakari nous montre à travers Husky Sledge toute sa maîtrise du violon et nous entraîne dans un long voyage en traîneau à travers les étendues glacées de Finlande.
Dolorous est un morceau instrumental très beau et mélodieux. J’adore !
Uni et Metsälle concluent l’album avec une démonstration pratique de ce que sait faire Korpiklaani : joie, fête, riffs puissants, mélancolie du passé.
Que dire de cet album ?
Pour moi, il est une continuation logique de la carrière du groupe. La qualité est là, les morceaux sont bons, s’enchaînent bien et le style de Korpiklaani saute immédiatement aux oreilles.
Le groupe veut certainement s’ouvrir encore davantage au marché international, à travers un CD Bonus reprenant les chansons en anglais. Pour avoir entendu The Steel (Rauta) dans la langue de Shakespeare, je me dis que l’un des facteurs qui fait l’originalité du groupe est justement le fait de chanter en finlandais. Je préfère grandement la version originale, certainement parce que les chansons sont pensées d’abord dans leur langue natale. Enfin, tant que c’est un bonus, pourquoi pas !
On sent que certains morceaux sont visiblement taillés pour une diffusion plus large, mais l’âme de Korpiklaani est restée intacte à travers toutes ces années.
C’est à ça que je reconnais un grand groupe qui reste fidèle à lui-même, sans se répéter excessivement.
Bref, si vous êtes fan du combo finlandais, courrez acheter l’album et si vous ne le connaissez toujours pas, c’est un bon moyen de le découvrir.
En tout cas, ce petit détour dans les enfers m’a appris que visiblement les finlandais ont une vision assez festive du royaume des morts !
[Remarque : cette chronique a été réalisée à partir d’une version presse ne contenant pas Sumussa Hämärän Aamun ni le Bonus CD du Digipack européen avec les versions anglaises.]
Sortie le 3 août chez Nuclear Blast.
Thomas Orlanth