A Girl Called Cerveza donne le hoquet
Après 30 ans de carrière, le groupe de thrash metal Tankard sort son quinzième album, A Girl Called Cerveza. Si le disque bénéficie d’une production plus que correcte et de morceaux accrocheurs, quelques fillers viennent gâcher la fête et alourdir un cru qui aurait pu se révéler délicieux. La boisson se laisse consommer, mais attention au trop-plein de mousse et à la gueule de bois.
Les joyeux poivrots allemands de Tankard prennent de l’âge. Ils fêtent en 2012 le trentième anniversaire de leur carrière musicale. Mais cette année n’est pas seulement marquée par leur longévité. En effet, les thrashers imbibés ont signé chez le label Nuclear Blast et sortent sous cette signature leur quinzième album au titre évocateur : A Girl Called Cerveza ("une fille nommée bière").
Ce disque réunit tous les éléments typiques de la scène thrash metal. Des riffs simples mais acérés, des rythmiques rapides, des solos qui mêlent vitesse et mélodicité et une voix au grain houblonné reconnaissable. Les refrains, soutenus par des chœurs discrets, prennent souvent la forme de slogans et sont ainsi taillés pour être repris par un public. En termes de composition, le groupe ne fait pas de chichis et se contente de structures simplissimes pour l’ensemble des dix chansons. Ces éléments rendent l’album agréable dans son ensemble, mais le manque d’ambition se fait sentir.
En effet, les quatre thrashers ne prennent pas de risques et brassent ici un cru habituel. La majeure partie du temps, la formule fonctionne Ainsi, le titre d’ouverture "Rapid Fire (A Tyrant's Elegy)", après une courte intro épique, alterne couplets rapides et refrains qui appellent à lever le poing, avec un solo mélodique sans être démonstratif signé Andreas Gutjahr. Quelques ralentissements de tempo sont présents, notamment sur "The Metal Lady Boy", morceau sur lequel la chanteuse Doro prête sa voix, ce qui donne un duo avec Gerre du plus bel effet.
D’autres morceaux goûteux sont présents dans A Girl Called Cerveza, comme la chanson-titre, qui présente un côté rock n’roll agréable, l’épique "Son Of A Fridge" et ses cavalcades effrénées qui ne sont pas sans rappeler les morceaux rapides d’Iron Maiden, et aussi la conclusion fort agréable "Running On Fumes", avec un Gerre soiffard qui éructe un "refill the tankard" plein de bonne volonté.
Si les morceaux précités se dégustent avec plaisir, ce n’est malheureusement pas le cas de tous. Certains fillers sont évidents, comme le sans saveur "Master Of Farces", au riff banal et sans solo, ou le pataud "Metal Magnolia" qui sent la fleur fanée. Si ces titres recevront les grâces des plus tolérants, ils n’apportent malheureusement rien à l’album en l’alourdissant, tel une pinte qui contiendrait plus de mousse qu’il n’en faut.
Nuclear Blast oblige, le groupe bénéficie d’une production irréprochable. Sans sonner propret, chaque instrument est à sa place, et se fait entendre distinctement, avec un Andreas Gutjahr à l’honneur à la guitare, un Frank Thorwarth présent sans être imposant à la basse, qui soutient la frappe assurée d’Olaf Zissel. Côté chant, la voix élevée à la bière de Gerre est parfaitement capturée, avec ses imprécisions et ses limites, mais aussi l’identité de l’interprète.
En bons thrashers old-school, les quatre pochetrons de Tankard servent un album correct et fort de savoir-faire, mais qui manque de fantaisie et de prise de risques. Si cette offrande est loin d’être désagréable, elle risque de se fondre dans la masse des albums de thrash metal déjà existants. Le groupe garde la même recette, qui mériterait d’être un peu plus soignée pour éviter de donner à leur disque houblonné une saveur trop amère. Prost !