White Skull – Under This Flag

Il y a des groupes, là, comme ça, tu ne sais pas trop pourquoi (même si les explications données par les spécialistes sont multiples et variées), mais ils ne percent jamais vraiment. C'est comme ça, là où certains font des grandes scènes, d'autres ont les plus grandes peines à se faire un nom. Bien qu'ils aient été une influence pour Metallica, paraît-il, Diamond Head fait des tournées dans des petites salles (enfin, tout est relatif bien sûr, ils font parfois des festivals), on peut aussi penser à Skylark qui existe depuis des années mais dans la réputation piétine encore au point presque mort, sauf en Asie (et ici, en Europe, c'est un sujet à rire), ou encore Metalium mais eux, c'est parce que c'était mauvais. Donc le destin il est cruel, pas beau pas gentil pour tout le monde, et puis de toute façon, le groupe d'aujourd'hui est inclus dans cette catégorie et ce ne serait même pas étonnant que leur nouveau brûlot sorte dans l'indifférence la plus totale. Je dis Italie, je dis heavy metal, je dis chanteuse, vous pensez à ?

Mais c'est bien sûr : White Skull ! Quoi, comment ça, personne n'avait deviné, et donc mon introduction résume parfaitement la situation ? En fait, si, vous le saviez, car vous avez lu le titre de la chronique, mais peu importe. Petit historique pour la situation : quelques beaux albums dans le temps, c'est à dire Tales From the North, Public Glory – Secret Agony et puis … et puis … et puis c'est tout, en fait. Après ça, c'est la décadence (romaine, oui comme ils sont italiens, toussa … ahem), la déchéance, bref la chute aux enfers. Succédant à la génialissime Feredica De Boni, Gustavo Gabarro n'a en rien aidé à sauver les meubles d'une formation dont les talents de composition fondaient comme neige au soleil, et Elisa De Palma, elle, n'est restée que le temps d'un opus seulement (et tant mieux vu la performance), le très moyen Forever Fight. Donc non, apparemment rien à attendre de White Skul … et … et en fait, si, car en 2011, devinez qui est de retour ? Oui, Feredica elle même ! Enfin vu la baisse de régime sur les morceaux, on pouvait encore douter. Alors qu'en est-il de Under This Flag, dont on espère une renaissance (italienne, elle aussi, hahaha !) ?

Stylistiquement, White Skull est un groupe, encore une fois, fidèle à lui-même, dans une pure tradition du heavy metal, pas particulièrement original, certes, car reprenant tous les ingrédients du genre, sans oublier la petite touche power épique (comme sur « Prisoners of War ») qui est supposée faire gagner en intensité. Mais les amateurs du genre ne sont pas toujours cléments avec notre quintet, qualifié par les plus méchants de vulgaire clone de Grave Digger et / ou de Virgin Steele, influences notables s'il en est. Bon, il est vrai que nos chers italiens, aussi sympathiques soient-ils, ne démontrent pas toujours une réelle personnalité, certains plans paraissant déjà vus ou entendus, aussi bons qu'ils puissent êtres. Mais ce n'est pas pour autant qu'ils ne peuvent pas nous proposer de la qualité, même s'il est vrai qu'une identité plus affirmée ne pourrait être que bénéfique pour le quintet, qui se repose en grande partie, pour se démarquer de la masse, sur sa chanteuse Federica. Ah, ce petit bout de femme à la voix gonflée aux testostérones …

Car cette fois-ci, c'est par le chant qu'il semble essentiel de commencer. Et force est de constater qu'avec les années, la frontwoman n'a définitivement rien perdu de sa superbe et de sa puissance, toujours aussi virile, toujours aussi identifiable entre mille, toujours véloce et sans concessions, tel un véritable rouleau compresseur qui enterre littéralement les prétendants et prétendantes, pensant pouvoir rivaliser avec tant de maîtrise. Aucun doute là-dessus, elle est bel et bien de retour, et ce plus performante que jamais ! Celle que l'on surnomme l’alter-ego féminin de Chris Boltendahl est capable de moduler sa voix autant que possible, toujours en gardant son timbre qui lui est si propre, et bien sûr, en ne cédant pas à un cliché trop répandu chez les femmes du heavy : tenter de sonner comme un homme. Federica assume sa féminité, et c'est très bien ainsi ! Elle est magnifiquement douce sur « A.O.D », destructrice et impériale sur « Hunted Down » ou encore meneuse sur « Under This Flag ». Non, vraiment, comment résister à son invitation d'aller botter le cul de ses ennemis, ou de pleurer avec elle dans les moments émouvants ? Voilà un retour triomphal, du moins, en ce qui concerne la chanteuse. Car sur le groupe en lui-même, les craintes se placent majoritairement de ce côté, avant de lancer l'écoute.

On va faire simple et clair : le groupe n'est toujours pas original, et ne le sera sûrement jamais. C'est pas son intention, après tout, et on retrouve encore et toujours des inspirations de leurs maîtres à penser, Grave Digger en tête. Morceaux guerriers, thématiques ou utilisation du chant et de ses lignes, le combo allemand sera souvent effleuré de près, sans pour autant que l'on soit obligé d'apposer à nos joyeux italiens la mention plagiat, qu'ils évitent par quelques bonnes idées qui proviennent directement de leur esprit à eux, et non d'un autre album posé sur leur table de chevet. Ainsi, à défaut d'avoir l'opus le plus inventif de la création, on se retrouve avec un Under This Flag qui ne cache pas ses influences, mais qui n'hésite pas à montrer les crocs sur des morceaux qui deviennent très rapidement des hymnes, se contentant d'être consistants, et suffisamment inspirés pour garder la tête au-dessus de l'eau dans le pire des cas, ou faire rentrer le titre de force dans votre caboche au mieux. Tant et si bien que tout en devient rapidement entêtant, avec des refrains bien pensés dans la majorité des cas.

White Skull

White Skull is watching you !

Bon évidemment, faire cela comporte son lot de défauts. En dépit de solos inspirés, de breaks bien amenés, d'un rythme qui amène à la fougue, donne envie de se peindre le corps, son drapeau et d'aller au combat aux côtés de Federica, tout n'est pas toujours dans cette optique. Parfois, la formation se prend à son propre piège en proposant des structures fortement similaires, qui amènent à un manque parfois cruel de distinction entre les différentes pistes. C'est bien simple, de temps en temps, différencier un titre de l'autre est assez ardu, et le manque d'intérêt que l'on peut éprouver pour les morceaux qui se retrouvent dans cette catégorie n'est, certes, pas fatal pour le brûlot, mais lui fait quand même perdre un peu de son intérêt, heureusement compensé assez vite. Car en dépit de titres plus faiblards, il est clair que, par rapport aux opus précédents, l'inspiration a été retrouvée, et une bonne partie des défauts gommés. Mais il reste bien sûr cette imperfection qui ne permettra pas à la galette d'atteindre le niveau d'un Tales From the North.

Mentionnons aussi un point important, crucial même : la production, ici malheureusement un peu brouillon en ce qui concerne la batterie, étouffée et assez mal réglée. Elle peine à donner une quelconque ampleur à la musique pratiquée, tant et si bien que la guitare, elle plutôt bien placée dans le mixage, se voit contrainte de rectifier le tir plus d'une fois. Conseil aux italiens : faites donc bien attention, la prochaine fois, à votre production. Car c'est quand même un élément clé, et même s'il est coûteux de se garnir d'une production et d'un mixage à la hauteur, ce détail n'en est finalement pas un. Même si l'art d'offrir un son qui correspond à un groupe n'est pas aisé (le côté trop clean pouvant dépersonnaliser ou ramollir, tandis que le côté trop brut repousser et donner l'impression d'une anarchie instrumentale regrettable), difficile à croire que White Skull ne semble pas encore rodé alors qu'il s'agit du neuvième album. Mais qui sait, peut-être à l'avenir …

On pourrait appliquer un découpage ultra simpliste à ce Under This Flag, mais très réaliste malgré tout : de « Hunted Down » jusqu'à « A.O.D » (comprenez Angel of Death), on oscille entre le bien, et le très bien. Et on constate avec joie et engouement que de jolis petits hymnes viennent vous titiller l'oreille avec bonne humeur et vélocité. Autre découpage : de « Freedom's Not Here » jusqu'à « Redemption », c'est cool aussi. Surtout « You Choose » qui est fédératrice (notez la ressemblance entre ce mot et le prénom Federica), et dont le refrain restera gravé dans votre esprit plus longtemps que vous ne le pensez. Vous ne voyez pas ça venir, et vous chantez en cœur avec la jolie demoiselle, convaincante de bout en bout. D'ailleurs, sans la force de persuasion que dégage son chant, cet aspect-là passerait à la trappe, non ? On va s'en rendre compte bien vite, dans le fameux ventre mou.

Oui, car, si vous avez bien suivi le découpage, il reste une partie qui, elle, n'est pas bonne, et ennuie plus qu'autre chose. Il s'agit de « Prisoners of War », « War After War » et « Nightmares ». Répétition du mot « war », du coup on se dit chouette, du tube guerrier ! C'est ce que cherche à produire le combo avec quelques accents power metal, mais la banalité et le manque d'inspiration de ces trois compositions est affligeant. Refrains pauvres (même si « Prisoners of War » est la moins mauvaise sur ce point-là), répétitivité et surtout … longueurs, car elles dépassent toutes les 5 minutes (5 minutes de trop diront les mauvaises langues). Si la formation s'était contentée d'aller à l'essentiel plutôt que de nous infliger des solos peu intéressants, des parties de guitare qui n'impressionneront personne, bref des futilités, les titres auraient été nettement plus digestes et enthousiasmants. Mais non, et il est dommage que de tels ratés côtoient de l'excellent.

Pour oublier ces tâches d'ombre qui nous pourrissent l'écoute, il est mieux de se concentrer sur ce qui se fait de mieux : « Hunted Down » est une ouverture plus qu'alléchante, où l'on fait ses retrouvailles avec le chant agressif de Federica De Boni, et ce refrain avec les chœurs guerriers commence sur les chapeaux de roue ! On pensera la même chose d'un « Bottled Mind » où, encore une fois, le refrain est la pierre angulaire de la piste. Encore une fois réussi, mémorable et tubesque, le groupe italien commence très bien ! Et puis vers la fin, aussi, avec « You Choose » très puissante et calibrée pour fonctionner, un calcul où l'on ne dénote aucun faute, loin de la médiocrité. De même, la mid-tempo qu'est « A.O.D » voit le retour d'un chant plus doux de la part d'une chanteuse impressionnante, pour un morceau qui tient généralement grâce à cette frontwoman au charisme et au talent à en faire jalouser les autres mâles et femelles.

Under This Flag n'est pas le disque de l'année, la faute à quelques fautes dispensables qui auraient pu être évitées. Mais le combo italien possède assez de qualités intrinsèques au sein de ce brûlot pour livrer un travail honnête et bien réalisé en dépit des faiblesses. Plus appréciable que les derniers opus de la formation, ce disque voit également le retour d'un espoir dans les capacités de White Skull, et surtout du côté chant, le retour de Federica De Boni étant un véritable miracle. Bien sûr, le rôle du chroniqueur exige de garder une certaine sévérité envers cette œuvre, mais pourtant, son capital sympathie et le potentiel qu'il s'en dégage fait penser la balance de la subjectivité vers plus de plaisir et d'affection. Devoir d'objectivité oblige, la note reflète donc la qualité réelle de l'album.

NOTE DE L'AUTEUR : 7 / 10



Partagez cet article sur vos réseaux sociaux :

Ces artistes en relation peuvent aussi vous intéresser...