Si la Suède est surtout renommée dans le paysage musical pour les faits d’armes de ses figures de proue du sud, et plus particulièrement de Göteborg et Stockholm (In Flames, Entombed, Dismember, Unleashed), beaucoup ignorent en revanche la productivité d’un nord en nette opposition musicale et thématique avec le sud. C’est du grand nord que nous vient donc Vintersorg, le projet solo d’Andreas Hedlund, chanteur, auteur-compositeur et multi-instrumentiste de génie, que l’on connaît surtout pour son rôle au sein du groupe de viking/black metal Borknagar. Résolument inclassable, la musique de Vintersorg tente album après album d’explorer des sentiers vierges, et d’incorporer dans une musique foncièrement metal des éléments empruntés à d’autres sphères musicales, telle la musique traditionnelle scandinave par exemple.
Huitième effort studio du duo Andreas Hedlund / Matthias Marklund, Orkan (ouragan, en français) surprendra d’abord par l’usage de la langue suédoise en exclusivité au fil des huit chansons qui composent l’album, facteur qui ajoute à l’originalité mais aussi à l’hermétisme de l’album. Après une précédente production (Jordpuls) axée sur l’élément de la Terre, Orkan se veut cette fois axé sur l’élément de l’air, selon les dires de Mr V. lui-même, qui s’avoue volontiers être un ‘nature freak’, et qui s’attèlerait donc dernièrement à consacrer un album à chaque élément. D’emblée, le titre "Istid" donne le ton avec ses rythmes complexes, sa rhapsodie de passages up-tempo, black metal, folk, mais aussi ses pointes symphoniques, ses synthés fortement teintés 70’s, et sa recherche de sons inédits et inattendus ; autant d’éléments épars qui se brassent judicieusement afin de porter les élans progressifs de la musique de Vintersorg. Il y a dans cette dernière une dimension quasi-mystique, comme si elle avait pour don de permettre l’accès vers un autre monde. Envolées symphoniques, polyphonies d’inspiration médiévale, mais aussi guitare folk, passages de batterie jazzy, et bien-sûr l’alternance si caractéristique chant brutal / chant clair sont comme à l’accoutumée au rendez-vous. Quelques solos de guitare très inspirés de la part de Matthias Marklund viennent sublimer les compositions déjà très raffinées de Mr V., et apporter une plus grande versatilité encore au tout. Un titre comme "Ur Stjärnstoft Är Vi Komna" (de la poudre d’étoiles nous sommes issus) n’est pas sans rappeler les frères Norvégiens de Dimmu Borgir ou Emperor, avec ses passages grandiloquents dont seuls les Scandinaves ont le secret. Les fans de l’époque Visions From The Spiral Generator ou Cosmic Genesis seront ravis à l’écoute d’un titre tel que "Polarnatten" avec son refrain-hymne, et l’usage de l’orgue. Les thèmes récurrents de la nature et du cosmos reflètent comme toujours les considérations d’ordre anthropologiques et cosmogoniques de Mr V., qui tente avec ce nouvel effort d’explorer de nouveaux angles, d’aborder de nouveaux thèmes d’écriture, avec un placement de textes parlés venant ajouter à l’attrait prophétique du tout.
Après quelques productions en anglais (avec entre autres le très réussi Cosmic Genesis, qui relevait véritablement du chef d’œuvre), Mr V. décide d’orienter ses deux dernières productions exclusivement en langue suédoise. Un retour aux sources qui s’accompagne d’une réclusion musicale, puisque la musique du projet Vintersorg est à présent exclusivement composée par Hedlund, avec pour seule intervention externe la coopération de Marklund, son ami depuis 30 ans. Trajectoire vers la réclusion également empruntée par le choix de production : en effet, il faut savoir que depuis Jordpuls le duo enregistre, produit et mixe par ses propres soins entièrement. Une émancipation qui ouvre la voie à une plus grande autonomie en termes de créativité et de réalisation, chose qui se ressent immédiatement dans la qualité de la musique proposée, qui est à la fois originale, innovante et réellement d’avant-garde. On pourra évidemment toujours trouver quelque chose à reprocher, et l’on pense tout de suite à la qualité du son qui s’avère quelque peu ‘faiblard’ (en particulier le son de batterie). En effet, la qualité des chansons est telle que l’on ne peut s’empêcher de penser que si Orkan avait bénéficié d’une production à la Fredrik Nordström, il recevrait certainement la palme d’album dark de l’année ! Mais en même temps, on se demande si cela correspond réellement aux aspirations de Mr V… Par ailleurs, la charte artistique de ce dernier disque est telle que l’on ne peut que saluer son originalité et ses proportions olympiennes. Du grand Vintersorg, fidèle à la dimension de son géniteur, et qui, s’il sollicite une certaine gymnastique cérébrale, n’est pas du tout en reste de feeling, avec ses refrains accrocheurs et ses thèmes entêtants. Un album de grande qualité, audacieux et proposant une musique qui respire l’authenticité. L’ouragan est lancé et ne manquera pas de tout soulever sur son passage !
