Heaven Rain, voilà un nom qui pourrait être synonyme de « metal à chanteuse gnangnan ». D’ailleurs, la pochette de leur album ne fait que confirmer cette idée. Et bien détrompez-vous messieurs, dames ! C’est certes un groupe dit de « metal à chanteuse », mais il n’a rien de gnangnan, bien au contraire. Ce groupe provenant tout droit de Bosnie-Herzégovine nous offre une musique oscillant entre le metal progressif et le power metal mené par le claviériste Goran Baštinac, le tout agrémentée de la voix pêchue de leur frontwoman Miona Graorac.
Le groupe existant depuis maintenant 6 ans n’en est pas à son premier coup d’essai. Les bosniaques sortirent leur première démo en 2006, année de la création, puis un EP en 2007. Et vint leur premier album Far And Forever, sorti en 2008, qui avait déjà reçu des critiques encourageantes, mais à l’époque, le micro était tenu par un homme du nom de Božidar Šević. Ce n'est qu’en 2010 que le groupe opta pour une demoiselle, notre fameuse Miona. S’en suivit une petit tournée et la sortie d’un EP Evolution. En voilà qu’en 2012 arrive leur second méfait Second Sun sur Music Buy Mail. Autant dire que ces 6 années ont été très chargées pour ce quintet.
Venons-en au fait ! Notre album est introduit par une piste orchestrale fort agréable, épique à souhait, puis s’en suit immédiatement la chanson « Heaven Rain ». Une chanson remplie d’énergie, nous promettant bien des choses pour la suite. Et ces promesses sont tenues ! Une fois cette entrée en matière terminée, nous retrouvons des compositions bien écrites, sans prétention ni démonstration technique, le côté progressif dosé juste ce qu’il faut avec des ambiances mises en scènes par le clavier et les signatures rythmiques autres que la signature binaire rituel, à savoir le fameux 4/4. Le tout se mêlant astucieusement à la petite touche power.
Niveau solos divers, comme pour tout groupe de metal qui se respecte, Heaven Rain ne fait pas exception à la règle, en proposant ainsi régulièrement. Cependant, qui dit progressif, dit long solo de cent note/seconde. Et bien non, les solos de guitare et clavier sont écrits avec une réelle justesse, ce qu’il faut entre groove et technique. Cependant, on pourrait reprocher à l’album de manquer d’accroche. C’est bien là son plus gros défaut, mais que voulez-vous, personne n’est parfait. Il sera bien difficile pour l’auditeur de ne retenir ne serait-ce qu’un refrain ou même une mélodie, en dépit de structures de chansons restants basiques, sans grande fantaisie. Cela aurait pu jouer en leur faveur grâce à la facilité, mais il n’en est rien et malheureusement, il n'est donc pas si évident d’avoir un titre qui se démarque de l’autre car le ou les compositeurs se basent sur la même ligne d’écriture pour presque toutes les chansons.
Mais mine de rien, certaines sortent du lot, notamment « Raven In Heart » qui convainc par son écriture basée sur une gamme médiévale, évoquant dès les premières notes les prémices d’une bataille. Le refrain lui, ne fera que nous plonger au cœur de l’affrontement faisant ainsi de ce passage restant le point d’orgue du titre.
Il y a également « My Only One », la chanson qui se démarque avec son côté kitsch. Par exemple sur le refrain, la mélodie est simple, douce, agrémentée de ce petit chœur à la fin lui donnant tout son charme, si innocent, nous faisant sourire et rendant le morceau si irrésistible.
On retiendra également « Second Sun », l'éponyme, tant par sa puissance que par sa beauté. Les couplets sont entraînants et s’enchaînent sur un refrain qui, lui, envoûte par son aspect planant. L'équilibre entre les deux est très savoureusement dosé, avec beaucoup d’ingéniosité, et les lignes de chant donnent davantage d'intensité à la piste. Si tout le brûlot était orné de morceaux comme celui-ci, notamment en ce qui concerne les lignes de chant, il se serait élevé à un rang encore supérieur. Voilà l'archétype idéal du genre de titres que l'on souhaiterait entendre sur le reste de l’album.
A contrario, la piste « Dreamless » reste le titre donnant un arrière-goût amer à cette galette, par son aspect quelconque et ses mélodies plates. Le couplet reste sans grand intérêt, on aurait pu s’attendre à une éventuelle monter en puissance sur le refrain, malheureusement ce ne sera pas le cas. Une chanson sur laquelle l’auditeur n’aura certainement pas envie de s’attarder, mise à part, éventuellement, l’introduction qui reste sympathique.
Mais une question vous brûle les lèvres, qu’advient-il du chant en lui-même ? Le groupe ayant souhaité choisir une damoiselle au chant à partir de 2010, à quoi pouvons-nous nous attendre ? Une voix mielleuse, plate ? Que nenni ! La formation a su faire un choix judicieux en confiant le micro à Miona. Elle saura séduire ses auditeurs avec sa voix juste, rauque, pleine de testostérone, sachant également s’adoucir sur la ballade de l’album « Nowhere ». Cette chanson nous soufflant comme un vent de fraîcheur et de douceur dans ce monde de brute ! Toute la voix de Miona prend son sens, et même si le tout n’a rien d’exceptionnel, on peut quand même décerner ce petit quelque chose qu’elle a en plus qui nous démontre une partie de son talent.
Le petit bémol réside plus dans les lignes de chant qui manquent d’accroche, de puissance et restent bien trop linéaires, que dans la voix en elle-même. Elles semblent écrites et mieux adaptées à une voix masculine. En dépit de cette voix grave, n'oublions pas que Miona n’en reste pas moins une femme et il serait judicieux de pousser un peu plus sur les hauteurs. Cela pourrait être que bénéfique et donner plus de volume aux chansons, car cette chanteuse est un atout de taille pour Heaven Rain.
Pour finir sur la partie technique, la production est tout à fait correcte, mise à part, ce petit souci de mixage niveau de la batterie la rendant linéaire et manquant de réalisme. Et également la voix et le clavier légèrement mis en avant, ce qui du coup laisse parfois trop peu de place à la guitare et la basse, rendant l’ensemble moins homogène.
L’album bouclera la boucle sur « At The End Of Time », une instrumentale plus longue cette fois-ci. Détail ayant son importance car pour tenir l’auditeur en haleine sur les instrumentales, il faut savoir en écrire une dont on ne se lassera pas. Pari réussi avec brio ; cette musique vacille entre la mélancolie et l’épique avec sur la fin des petites sonorités orientales, cependant donner un peu plus de volume et de richesse en modulant un peu la mélodie aurait rendu cette musique parfaite. Quelle belle façon de conclure cet opus !
Le groupe nous livre également un petit « Bonus Track » avec « Veijte Snegori » (à vos souhaits – précisons qu'il s'agit d'une cover de Zana) écrite en langue serbe, apparaissant sur le single éponyme sortie en 2011. On appréciera son refrain mémorisable, et une Miona qui semble tout à fait à l'aise, dégageant un naturel séduisant et des aigus maîtrisés à la perfection.
Second Sun reste un brûlot qui certes, ne brille pas par son originalité mais plus par sa qualité avec des compositions bien écrites, efficaces, surmontées d’un chant à la hauteur bien que le tout reste relativement linéaire, et que surviennent des petits couacs côté production. Heaven Rain est un groupe qui n’a pas à rougir de ce nouvel opus ni de sa carrière et qui mérite de se faire connaître du public français.
7,5/10