Beaucoup s’en souviennent, le dernier passage de Korpiklaani à Paris il y a deux ans avait vu un Jonne Järvela complètement ivre livrer une prestation à la limite du pathétique devant un Trabendo médusé. Un jour sans sur une longue tournée, ça peut arriver mais les Finlandais doivent effacer ce souvenir des têtes du public parisien en revenant jouer cette fois à l’Elysée Montmartre. Dans leurs bagages, on retrouve trois groupes confirmés : Arkona, Heidevolk et Trollfest pour une tournée aux faux airs de Heidenfest. Alors fête dédiée au folk metal ou nouvelle désillusion ?
Trollfest
Report par Thomas Orlanth
Trollfest, ce sont un peu les Garcimore du folk metal. Ils ont l’art et la manière de faire la petite blague qui va bien avec le spectacle présenté. En cette fin d’après-midi, ils entrent en scène affublés de divers costumes et de chapeaux ballons.
La première idée qui vient à l’esprit, c’est que le public venant à peine d’arriver en ce mardi à dix-sept heures, n’est certainement pas prêt pour cela. Les horaires ingrats pour ce premier groupe à devoir jouer ne facilitent pas la tâche aux Norvégiens.
Mais que nenni ! L’air endiablé de « Professor Otto » ouvre le spectacle en trombe, dans le plus pur style chaotique de la formation. La combinaison batterie / tambours de Trollmannen le vocaliste renforce l’impression de « gros bordel musical », mais l’efficacité du style est redoutable. Les pieds ne peuvent pas s’empêcher de s’agiter et le public suit rapidement le mouvement.
Dr. Leif, dans la merveilleuse reprise de « Toxic », remplace Britney Spears à la quasi perfection. Le même déhanché, les mêmes mouvements de danse, la même barbe. Enfin, presque. Les grands classiques du groupe, comme « Kaptein Kaos » ou « Brumlebassen » sont bien là, avec quelques morceaux du dernier album Helluva. Le côté bordélique d’un folk metal très agité, jazzy, Boratien voir Kusturicien parvient à obtenir un résultat incroyable : la salle entame une chenille géante alors qu’il n’est même pas dix-huit heures et que l’apéro, même pris en avance, n’a pas encore eu le temps de faire son effet sur autant de monde !
Les joyeux lurons de Trollfest ont donc réussi à accomplir un véritable exploit en chauffant la salle à ce point, un mardi après–midi à Paris ! Décidemment, il y a un petit quelque chose dans ce groupe d’anarcho-folk metal ! On ne peut pas rêver de meilleur début pour les autres groupes à suivre…
Heidevolk
Malgré les innombrables changement de line-up chez Heidevolk, les Néerlandais semblent avoir gardé la même âme. Comme souvent à l’Elysée Montmartre, le son est impeccable et on entend comme il faut le pagan metal épique qui a fait le succès du groupe depuis six albums maintenant. Les titres sont variés et on navigue entre hymnes guerriers et chansons plus posées invoquant les Dieux et le paganisme, le tout chanté en néerlandais bien sûr.
L’originalité du chant mélodique à deux têtes est toujours là et on peut dire que sur scène, le rendu est vraiment impressionnant. Lars et Jacco font parfaitement le travail pour harmoniser leur voix et se montrent parfois à leur avantage en solo, avec des screams dévoués à Lars. Les samples d’instruments comme la vielle à roue sont un peu trop nombreux et donnent parfois un côté un peu artificiel à la prestation mais Heidevolk s’en sort tout de même bien et réussit à déclencher quelques slams timides tout en mettant une ambiance festive dans la salle.
On peut saluer l’effort des deux chanteurs et du bassiste Rowan Roodbaert pour s’adresser de nombreuses fois à la foule en français dans le texte et en essayant d’impliquer au maximum le public dans le show. Au niveau des guitares, ça pêche en revanche avec des riffs assez peu originaux et parfois pompés aux leaders du genre comme Ensiferum. En plus de ça, on sent Koen Vuurdichter en difficulté pour rentrer ses parties pourtant pas les plus compliquées du monde. Dans l’ensemble le tout manque toujours de dynamisme même si on observe un net progrès depuis 2015.
1h10 de jeu pour une première partie, c’est simplement du jamais vu et cela permet à Heidevolk de prendre son temps, nous baladant dans sa riche discographie. Evidemment, Vuur Van Verzet sorti il y a quelques mois est particulièrement mis en avant dans la setlist, notamment par le single « A Wolf in My Heart » aux touches metalcore clairement visibles. Les Bataves nous quittent sur le festif « Vulgaris Magistralis » et ses « ahou » repris en chœur. Ils auront livré une performance honorable pour une première partie même si le tout reste encore trop juste pour faire une tête d’affiche crédible.
Setlist:
Ontwaakt
Ostara
A Wolf in My Heart
Het Wilde Heer
Yngwaz' Zonen
Britannia
Tiwaz
Saksenland
Drankgelag
De hallen van mijn vaderen
Gungnir
Vulgaris Magistralis
Arkona
Pas de doute possible, Arkona est attendu par bon nombre de fans ce soir. Les Russes sont aussi là pour défendre un nouvel album et on va vite le constater : la première moitié du concert n’est constituée que de ce dernier ! Comme à son habitude, Masha va rapidement focaliser les regards par son charisme si particulier et sa voix parfaitement maitrisée. Certes, les musiciens sont plus que limités techniquement mis à part Vladimir qui abat un énorme boulot aux instruments à vent mais l’essentiel n’est pas là. Le show d’Arkona nous porte entre passages ésotériques, déchainement en blasts beats et moment sautillants et festifs, ces derniers se faisant plus rares qu’auparavant. Car Arkona est bien un groupe des plus sérieux, fier de ses racines slaves. Les titres sont parfois difficiles d’accès, long et atmosphériques comme ce « Tseluya zhizn » de plus de 15 minutes !
Le son est encore une fois très bon et le public réserve au quintet un accueil digne d’une tête d’affiche, avec une ambiance égale à celle de Korpiklaani dans le pit. Masha communique peu mais lorsqu’elle le fait, les remerciements semblent particulièrement sincères. Sur la seconde moitié du set, le groupe va se concentrer sur ses classiques avec « Goi, Rode, Goi ! » même si on est tout de même déçu de voir l’excellent Yav’ passer à la trappe.
Les titres de Kharm ont beau tout emporter sur leur passage, le final revient lui vers le côté festif que l’on connait au groupe. La doublette « Stenka Na Stenku » et « Yarilo » fait danser toute la salle dans un moshpit plus déchainé que jamais. Eux aussi largement récompensés par un temps de jeu d’1h20, Arkona aura pu faire plaisir à ses anciens fans tout en présentant son nouvel album, ils s’imposent en tout cas comme grands gagnants de la soirée avec le show le plus abouti.
Setlist:
Mantra (Intro)
Shtorm
Tseluya zhizn
Khram
V pogonye za beloy tenyu
Mantra (Outro)
Az'
Arkaim
Goi, Rode, Goi!
Zakliatie
Skvoz' Tuman Vekov
Stenka na Stenku
Yarilo
Korpiklaani
Revoilà donc Korpiklaani en terre parisienne, deux ans après le fiasco du Trabendo. Preuve que tout ne s’est pas encore effacé des têtes du public parisien, la salle est loin d’être pleine lorsque les Finlandais montent sur scène. Qu’importe, ceux qui sont présent peuvent entonner le classique « Happy Little Boozer », bien senti en introduction.
Ce n’est pas une surprise, le groupe est toujours bien en place sur scène avec des musiciens incapables de rester immobile plus de trois secondes. Tous les regards se portent sur Jonne Järvelä, attendu au tournant et le frontman se montre sous son meilleur jour. Son timbre si particulier est bien audible et son sourire ne le quitte pas pendant toute la première partie du set.
Dès les premiers titres, on est surpris de l’importance incroyable prise par Tuomas Rounakari au violon. Constamment mis en avant sur scène et dans le mix, on n’entend presque que lui laissant dans l’ombre l’accordéoniste Sami Perttula. Dans la fosse, l’ambiance est un peu retombée et bizarrement le public est plutôt sage, se laissant porter par les mélodies festives des Finlandais. Les tubes « Wooden Pints » et « Lempo » arrivent très tôt et remontent le moral des troupes pour finalement lancer le concert. Peu de temps morts entre les titres, tout s’enchaîne très vite et la communication reste minimale.
Comme souvent chez Korpiklaani, le set est inégal et on se surprend parfois à s’ennuyer sur des titres pas très bien choisis. Mais ces moments ne durent jamais longtemps et le groupe a toujours un tube à sortir de sa besace pour faire remonter la sauce. « A Man With A Plan » rend le public complètement fou, c’est peu de dire que ce titre est devenu un classique. Autre classique, « Rauta » et ses riffs toujours aussi efficaces tandis que tout le monde répète le mantra « Iske » à l’infini.
En milieu de set, Jonne nous explique que la chanson qui va suivre est une nouvelle à paraitre sur le prochain album du groupe, prévu pour fin 2018. Une exclusivité sympathique pour les fans, d’autant que le titre est plutôt bon et montre une inspiration apparemment retrouvée. Il était temps d’avoir des nouvelles du successeur de Noita, datant déjà de 2015.
Au vu de la longueur des sets précédents, on s’attendait à un set encore plus long pour Korpiklaani mais il n’en sera rien. La triplette de fin « Tequila », « Beer Beer » et « Vodka » arrive assez rapidement et électrise la fosse venue en majorité pour ces chansons à boire. Petite alerte sur le taux d’alcoolémie de Jonne pendant « Tequila » puisque ce dernier oubliera tout simplement de chanter les paroles des couplets, s’attirant des regards inquiets de ses musiciens. Mais pas de problème, le concert ira quand même jusqu’au bout, poussant même jusqu’à un court rappel inattendu.
Korpiklaani est donc parvenu à se rattraper auprès du public parisien qui ressort globalement content de la salle. Même en s’étant légèrement fait voler la vedette par leurs premières parties, les Finlandais ont tout de même fait le boulot et justifié leur statut de tête de gondole de la scène. Après tout, quel autre groupe serait capable de réunir un line-up aussi lourd sur une seule et même tournée ?
Setlist:
Happy Little Boozer
Pilli on pajusta tehty
Tuonelan tuvilla
Wooden Pints
Lempo
Erämaan Ärjyt
Ruumiinmultaa
Petoeläimen kuola
Vaarinpolkka
A Man With a Plan
Metsämies
Cottages and Saunas
Rauta
New song
Hunting Song
Sahti
Tequila
Beer Beer
Vodka
Photos © 2018 Thomas Orlanth. Galerie complète disponible à ce lien.