Deux albums en vingt ans, à peine plus de concerts, le groupe Hantaoma distille ses charmes avec on ne peut plus de parcimonie. Et c’est assez dommage, car la formation propose un univers très personnel, à la croisée du pagan, du thrash, du black et de la musique d’inspiration occitane et médiévale. On ne saurait trop vous conseiller de vous jeter sur leur deuxième livraison.
Plonger au cœur de Malamort, c’est risquer de se faire entraîner dans un sortilège dont on aura le plus grand mal à sortir. Dès les premières notes du morceau d’ouverture, "Lo Reine del Negre", le charme opère. Les arpèges de bouzouki nous emmènent dans le temps pour un voyage médiéval, avant que, très vite, les guitares électriques fassent monter l’ensemble en puissance, au service de chœurs graves et vigoureux. L’ambiance d’obscur rituel est renforcée par les cris écorchés du chanteur. L’ensemble est saisissant, lourd, ensorcelant, les chœurs vibrants se marient admirablement avec les cris, le déluge de riffs et les quelques instruments traditionnels disséminés dans le morceau.
"Los Dracons", qui lui succède, offre un tempo beaucoup plus rapide. Il évoque des chants festifs médiévaux ou Renaissance, et la juxtaposition avec le déluge de guitares et le chant crié offre un contraste plus frappant qui emporte l’auditeur dans un tourbillon d’énergie et de mondes fantastiques.
En deux morceaux, presque tout l’univers de l’album est posé : le groupe pyrénéen Hantaoma propose un pagan metal en bonne et due forme, aux ambiances lourdes, tour à tour ésotériques, dansantes, martiales, mais il renouvelle le genre par plusieurs aspects.
Le chant, d’abord, intégralement en gascon, évoque à la fois les origines du sud-ouest de ce groupe venu des Hautes-Pyrénées, et ancre la musique dans un terroir riche de traditions, évoquant un passé fantasmé empli de sortilèges et de dragons.
Si les parties criées sont assez classiques pour le genre, les chœurs virils offrent de véritables envolées martiales (notamment sur "Las Trébas del Castel", splendide morceau de bravoure), quand elles ne créent pas des ambiances propices aux transes. Ils sont dans tous les cas l’un des meilleurs atouts de l’album, créant une identité sonore reconnaissable et originale.
Le black metal est extrêmement présent d’un bout à l’autre de l’album, mais les riffs savent aussi emprunter au thrash ou au heavy. Il prend d’ailleurs parfois le pas sur les éléments traditionnels, plus que sur leur premier album Malombra. Si les amateurs de black pur apprécieront, les auditeurs séduits avant tout par la composante folk gascon pourront par moments se lasser ("L’alba del drac", grande démonstration de bourrinage dans lequel les cris écorchés couvrent largement les chœurs sauf à la toute fin, "Frej Eternal" ou encore "Indemoniata").
Si les compositions sont toutes originales, sauf la dernière qui reprend un air traditionnel, elles évoquent indéniablement les airs traditionnels occitans. Les instruments traditionnels, bouzoukis, mandolines, vielles, cornemuses, bombardes, flûtes, bien que parfois en retrait comparés aux guitares, nous accompagnent efficacement le long de cette balade temporelle.
Au milieu de morceaux agressifs ou dansants, le groupe nous offre aussi des bijoux semblant venus du fond des âges. Ainsi, "Tres Peiras", dont les deux premiers tiers sont uniquement instrumentaux, offre une marche lente, sombre, solennelle et puissante, où la cornemuse mène l’invocation, avant que des chœurs prenants ne la rejoignent, plongeant dans une transe suspendue hors du temps.
Hantaoma conclut son second opus avec "Mestres del Boes e Mestres de la Luna", morceau magnifique qui sublime tous les ingrédients qu’a parsemé le groupe dans ses incantations : un chant black agressif, des chœurs puissants et majestueux, plusieurs instruments dont la bombarde vraiment mis en avant, des passages entraînants, un chant clair inattendu et entêtant, une alliance parfaite entre les riffs et les instruments traditionnels.
A l’origine projet parallèle de la formation de folk occitan Stille Volke, Hantaoma est définitivement un groupe à suivre. L’auditeur ne ressort pas indemne de cette écoute, et deux souhaits viennent à l’esprit : que le prochain album soit moins long à venir (treize ans depuis le précédent !), et que, contrairement à la prestation lors du festival Cernunnos en février dernier, les prochains concerts fassent la part belle aux bouzoukis et aux bombardes pour rendre justice à l’album !
Tracklist
1. Lo reine del negre 05:53
2. Los dracons 04:53
3. Marcamal 05:34
4. Las trébas del castel 05:57
5. L'alba del drac 05:43
6. Tres pèiras 04:23
7. Frej eternal 05:17
8. Sortilegi 05:31
9. In demoniata05:34
10. Mèstres del boès e mèstres de la luna 05:11
Sorti le 9 mars 2018 chez Holy Records
Plus d'informations sur le groupe