L'annonce d'un nouvel album de Primordial est toujours un événement dans le monde du pagan metal, d'autant que les sorties du groupe se font aujourd'hui de plus en plus espacées. Les superbes The Gathering Wilderness et To The Nameless Dead ayant propulsé les Irlandais au rang de figure incontournable du genre, ces derniers développent depuis sereinement leur musique, à la fois pagan, doom, heavy, black, mais toujours délicieusement torturée.
Contrairement à son prédécesseur qui nous attaquait frontalement, Exile Amongst The Ruins s'ouvre par un "Nail Their Tongues" aux arpèges délicats, prenant le temps d'instaurer un climat théatral. Puis déboule subitement un riff qui lui aussi tranche avec "Where The Greater Men Have Fallen" ; brut, heavy, il nous montre un travail de production sensiblement différent, nous remémorant – avec joie – l'époque des deux albums cités en introduction. Ce premier morceau de bravoure d'une durée neuf minutes et aux mélodies épiques place la barre très haut, offrant même quelques judicieuses incursions vers le black (chose plus rare chez le groupe depuis quelques temps) sur sa deuxième partie. Comme à son habitude, Namtheanga nous délivre une prestation vocale habitée, véritable chef-d'orchestre sans qui Primordial ne serait que l'ombre de lui-même.
Si Exile Amongst The Ruins porte indéniablement la patte du groupe en se révélant comme un disque empreint de classicisme, sans que cela soit péjoratif, il n'est pas exempt de nouveautés pour autant. A ce titre, "To Hell Or The Hangman", avec sa rythmique sautillante et ses guitares aériennes évoque clairement Iron Maiden. Quand bien même cette chanson peut paraître un brin répétitive pour celui qui l'écouterait d'une oreille distraite, elle constitue un mélange des genres réussi, preuve de la capacité de Primordial à se renouveler sans se renier.
Encore une fois sur cet album, n'allez pas chercher de joie, ou quelque autre sentiment de ce genre. Exile Amongst The Ruins est même un opus particulièrement pessimiste (l'excellent "Where Lie The Gods" semble un véritable tunnel sans fin), narrant le déclin actuel de nos civilisations occidentales. Pour saisir complètement un disque des Irlandais, il est indispensable de se plonger dans les paroles, et ce recueil ne fait pas exception à la règle.
Les huit titres composant ce manifeste sont longs, tournant pour la plupart autour des huit minutes. La musique de Primordial n'étant pas facile d'accès par nature, il vous faudra de nombreuses écoutes pour saisir pleinement le sens de ces compositions à tiroirs. Se révèlent alors de nombreux détails, des refrains qui se glissent insidieusement en tête ("Upon Our Spiritual Deathbed"), et des morceaux aux évolutions diverses.
Rythmiquement plus varié que son prédécesseur, il n'est pas rare d'entendre au sein d'une même chanson le mid-tempo cohabiter avec des accélérations bienvenues, qui font intelligemment tenir en haleine l'auditeur, exercice toujours difficile sur des morceaux au format étiré. L’enchaînement "Stolen Years" et "Sunken Lungs" se retrouve lui aussi bien pensé. La première, belle, calme et épurée, où l'on s'imaginerait parfaitement dans un paysage Irlandais un soir pluvieux, offre une respiration bienvenue qui débouche sur le violent "Sunken Lungs", peut être un peu trop classique mais apportant une déflagration salvatrice.
"Last Call", du haut de ses dix minutes, se charge de conclure ce neuvième effort. Et même après 55 minutes d'écoute, le quintette parvient à nous captiver, développant une atmosphère si intense, tel la fin d'une ère, que Namtheanga nous conte avec passion. Au final, Exile Amongst The Ruins n'atteint peut être pas le niveau de The Nameless Dead, mais il constitue l'opus le plus cohérent de Primordial depuis. Voilà qui n'est pas un mince exploit, après quasiment 25 ans de carrière !
Sortie le 30 mars 2018 chez Metal Blade Records