Entretien avec Andreas Kisser, guitariste de Sepultura

Le passage de Sepultura dans la capitale pour un concert donné en compagnie d'Obscura nous a donné l'occasion de nous entretenir avec Andreas Kisser, guitariste de la formation brésilienne. Ensemble, nous sommes revenus sur la sortie de Machine Messiah, dévoilé au public un an auparavant, ainsi que sur l'état d'esprit dans lequel était le groupe lors de la composition de cet album. L'occasion de parler de prog, de Yes, mais également des Tambours du Bronx...

Ola Andreas e muito obrigado por esta entrevista ! C'est la seule chose que je peux dire en brésilien, désolé !

(rires) Merci beaucoup ! (en français NDLR) C'est parfait, merci mec ! (rires)

Tout d'abord, je voudrais revenir sur la sortie de Machine Messiah, que vous avez commercialisé il y a un an. Avec le recul, que penses-tu de cet album ?

Tout s'est bien passé pour nous avec cet album. On a fait plusieurs tournées, donné plusieurs concerts, notamment avec Kreator l'an passé puis avec Testament aux Etats-Unis. On a également pu participer à plusieurs festivals, en Europe ou ailleurs comme au Rock In Rio. Maintenant, c'est notre première tournée en tête d'affiche pour cet album, donc c'est également la première fois que nous le présentons de la manière dont nous souhaitions initialement le faire. Nous pouvons jouer le titre "Machine Messiah", le morceau instrumental "Iceberg Dance", des chansons que nous n'avons pas interprétées l'an passé. Et la réponse du public est excellente. C'est comme si nous ouvrions un nouveau chapitre dans notre carrière, avec de nouvelles possibilités pour le futur. C'est un album très diversifié, nous avons réellement souhaité explorer de nouvelles choses et aller au bout de nos capacités en tant que musicien. Derrick a fait un super boulot, son meilleur depuis longtemps. Et pour Eloy, c'est le second album que nous enregistrons ensemble, du coup il y a plus d'interaction de sa part avec les autres membres du groupe. Et pour Paulo et moi-même, il y a également eu plus de préparation, sur le plan technique, physique et mental ! Le choix de Jens Borgen comme producteur a été le bon également...

Comme tu l'as mentionné, c'est un album très diversifié avec des titres aux influences orientales ("Phantom Self", "Resistant Parasite") ou progressives comme sur "Iceberg Dance" ou "Sworn Oath". Dans quel état d'esprit étais-tu au moment d'enregistrer ?

Généralement, j'engrange des idées musicales en permanence. J'ai toujours mon petit enregistreur portable avec moi et même avec un smartphone, je peux garder une idée à développer pour plus tard. Je n'écris pas toujours pour Sepultura, j'ai aussi un side project appelé De la Tierra, avec un chant en espagnol. J'écris en permanence. Mais je pense que la plus grande influence dans Machine Messiah vient de ce que nous vivons au quotidien. Tu sais, depuis 1989, nous avons la chance de voyager autour du monde et de visiter plusieurs pays, et notamment ceux qui se sont ouvert au reste du monde après la chute du mur et la fin du communisme. Et nous avons pu voir l'impact croissant de la technologie, la fin des vinyles et des cds, l'apparition du téléchargement... Nous avons le privilège d'être témoin de tout cela, et de voir comment la technologie devient une part importante de la vie de chacun à l'heure actuelle. Nous ne nous parlons plus en vrai désormais, durant les concerts, on voit beaucoup de personnes qui oublient de vivre l'instant présent. Nous avons été influencés par ce genre de sujets. Et musicalement, c'est aussi très diversifié car nous voulions parler de différents aspects et explorer différents rythmes. Par exemple, "Phantom Self" contient des rythmiques propres à la partie nord-orientale du Brésil, bien différentes de celles que nous avons explorées sur Roots par exemple. C'est cool, car le Brésil est si vaste et nous avons encore tant de chemins à découvrir. Et avec Machine Messiah, c'était l'occasion d'expérimenter sur un album complet et non pas seulement sur un titre ou deux en particulier. Nous voulions un CD que les fans puissent écouter en entier, du début à la fin !

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Sur cet album, Derrick utilise sa voix claire sur "Machine Messiah" ou "Cyber God". Est-ce quelque chose que vous voudriez continuer à faire sur le prochain opus ?

Tu sais, depuis qu'il a rejoint le groupe, il a toujours chanté un peu comme cela. C'était déjà le cas sur Against, le premier album sur lequel il était présent, avec "Common Bonds". Sur Nation, il le faisait aussi sur "Water". Mais ce qui diffère sur celui-ci, c'est que le morceau sur lequel il utilise cette belle voix claire est celui qui ouvre l'album. Nous n'avions jamais fait cela sur un titre d'ouverture. C'était intentionnel d'ailleurs car le morceau a été conçu comme une intro, une ouverture d'opéra. Il apporte quelques éléments que l'on retrouvera plus tard, mais en même temps il soulève des questions sur ce qui va suivre. Les gens se demandent "mais putain, qu'est-ce que ces mecs sont en train de faire !" (rires). C'est une chanson que nous jouons live actuellement. Il y a quelque chose de très différent. Je pense qu'aujourd'hui, nos fans arrivent mieux à saisir de quoi il est capable en tant que chanteur. Il est également plus mature vocalement parlant. Cela fait vingt ans qu'il est avec nous désormais, il a donc beaucoup plus confiance en lui. Et le fait d'avoir travaillé avec de grands producteurs comme Ross Robinson, Jens Bogren, Roy Z... tous ces gens lui apportent quelque chose et le rendent encore meilleur.

Comme je le disais tout à l'heure, il y a un côté progressif dans l'album Machine Messiah. Ce titre est également celui d'une chanson de Yes, un groupe de rock progressif. En étais-tu conscient ? Est-ce une coïncidence ou hommage ?

J'en étais conscient, c'est à la fois une coïncidence et un hommage ! (éclats de rires). Les trois combinés ! (rires) Tu sais, j'adore Yes ! Particulièrement cet album, Drama, sur lequel Jon Anderson n'est pas présent et avec Trevor Horn. La place accordée au chant est incroyable. Cet enregistrement est très différent, il y a de belles chansons très longues avec de plusieurs aspects. Mais tu sais, je n'ai pas pensé à faire du Yes sur Machine Messiah. Le concept de l'album est vraiment celui de la technologie, de montrer à quel point les gens confient leur destin à des machines et espère que celles-ci vont résoudre tous leurs problèmes. Les choses ne fonctionne pas comme cela ! On ne peut pas espérer qu'un messie vienne et nous sauve de nous-même. C'est à nous de résoudre nos problèmes, surtout lorsque nous les avons créés, et de faire en sorte que le monde tourne mieux. Mais au final, pour Yes, c'était quand même dans un coin de mon esprit, car il s'agit d'une partie de mon bagage musical. C'était chouette quand j'ai réalisé qu'il y avait un clin d'oeil. Notre morceau appelé "Machine Messiah" est totalement différent du leur, mais la coïncidence me convient ! (rires)

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Pendant cette tournée, vous jouez également avec le groupe Obscura notamment. En tant que guitariste, qu'est-ce que cela t'apporte de voir ces musiciens très techniques ?

Je pense que c'est fantastique de voir des musiciens tels qu'eux et de se rendre compte de la façon dont ils explorent leurs capacités instrumentales et leurs limites. Ils ont une technique issue du jazz et d'autres univers que le metal. Tu sais, Van Halen a apporté beaucoup de choses en s'inspirant des techniques de piano ! Il était très bon au piano et a transposé les choses à la guitare. Cela me plaît de voir des musiciens chercher des choses ailleurs pour diversifier encore leur pratique. C'est fantastique ! Obscura, ce sont de très bons musiciens, qui écrivent des titres très intéressants. Je pense que tout ce qui m'entoure m'apporte quelque chose musicalement, et pas seulement quand je vois des guitaristes qui sont des monstres dans leur style ! Tout doit être inspirant bien sûr. En tant que musicien, j'essaye de ne pas me concentrer uniquement sur mon instrument et de faire en sorte que mes compositions prennent en compte plusieurs aspects. J'étudie la guitare de façon classique pour jouer certains aspects. J'ai aussi besoin de m'assoir plusieurs heures et de pratiquer, d'étudier différentes gammes car il faut avoir cette mécanique des doigts. Mais j'essaye de ne pas devenir esclave de la technique et de devenir esclave du feeling ! (rires) S'il n'y a besoin que d'une note pour exprimer quelque chose, alors il n'y aura qu'une seule note pour une chanson de cinq minutes ! (rires) Nous avons suffisamment de morceaux dans notre répertoire qui sont rapides et plus techniques et qui sont un challenge à jouer pour moi. Peut-être qu'un jour je ne serai plus en mesure de les jouer, mais peu importe, c'est bien de se défier soi-même. Et quand je vois des musiciens comme Obscura, c'est vrai que tout devient une inspiration et que j'essaye de faire les choses encore mieux !

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Il y a quelques années, vous avez donné un concert au Rock in Rio avec les Tambours du Bronx. Penses-tu rejouer un jour en leur compagnie, dans le cadre d'un album studio cette fois ?

Cela serait super, bien sûr ! Je sais qu'ils travaillent sur un nouvel album, avec un groupe (Weapons of Mass Percussion, avec Franky Constanza, Stéphane Buriez et Reuno NDLR). Et je crois que cela a été inspiré en partie par notre collaboration avec eux. Pourtant, personne n'y croyait au début car ils n'avaient jamais joué au Brésil et personne ne les connaissaient là-bas. Mais les programmateurs du festival ont quand même accordé une chance à cette idée et tout s'est très bien passé. Les répétitions, les arrangements...Dominique Gaudeaux (membre des Tambours du Bronx, NDLR) a très bien compris le projet. Nous avons joué des titres de nos deux groupes, c'était une vraie collaboration. C'est bien de voir que l'alchimie a fonctionné entre les guitares, la batterie et leurs percussions. Je pense que c'est chouette pour eux, ils se sont ouverts à de nouvelles possibilités, tout comme nous. J'aimerais bien rejouer avec eux et je pense que sur Machine Messiah, certaines choses auraient été géniales avec eux ! (rires).

Cette année marque ta trente-et-unième année en tant que membre de Sepultura. Quel souvenir en particulier retiens-tu de toutes ces années ?

Malheureusement, il y en a plusieurs ! (rires). Mais je pense en particulier au premier concert que j'ai donné avec Sepultura il y a 31 ans. C'était la première fois que Sepultura jouait dans la partie nord-est du Brésil. Nous avons dû prendre un bus, voyager pendant près de 40 heures...On a joué, fait notre truc, mais c'était spécial pour moi de jouer avec eux pour la première fois. J'avais une Fender Stratocaster qui provenait du premier guitariste de Sepultura, Jairo Guedz. Je lui avais emprunté, tu vois ? (rires). Nous avions joué des titres de Morbid Visions, Bestial Devastation...Quelques chansons aussi de Schizophrenia qui s'apprêtait à sortir, ainsi qu'une reprise de Destruction, "Curse the Gods". C'était mon premier concert avec eux ! (rires).

Merci pour cette interview Andreas. Avant de nous quitter, as-tu un dernier mot pour nos lecteurs ?

Je voudrais juste leur adresser un grand merci pour tout le soutien pendant toutes ces années. C'est super d'être ici pour présenter Machine Messiah, aidés par un super label, une super structure et ce super line-up. Nous avons la chance d'avoir vécu des choses extraordinaires, donc merci à tous pour tous ces instants car sans notre fan-base, qui nous motive, nous ne serions pas là ! Merci (en français dans le texte NDLR).

Muito obrigado !

Obrigado a vocês ! (rires)

Photographies : © Arnaud Dionisio / Ananta 2018
Toute reproduction interdite sans autorisation du photographe
Merci à Valérie de Nuclear Blast, ainsi qu'à Cat Cook, tour manager, d'avoir rendu possible cet entretien.

 



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