Il y a un an, les Brésiliens de Sepultura étaient venus à Paris pour présenter en live les titres du très bon Machine Messiah, alors fraîchement sorti. Toutefois, cette date en ouverture de Kreator ne leur avait laissé qu'un temps de jeu restreint. Difficile dans ces conditions de jouer tous les classiques ainsi que les nouveaux morceaux de leur quatorzième opus. Ce concert en tête d'affiche leur permet de rétablir le tir et montrer que malgré plus de trente ans de carrière, Sepultura reste animé par la passion du metal.
Fit For an Autopsy
C'est une constante en raison du couvre-feu qui plane sur les salles de concert parisienne, les portes de l'Elysée Montmartre ouvrent particulièrement tôt. Il est en effet 17h30 quand les spectateurs commencent à investir la salle. Fit For an Autopsy s'apprête donc à jouer devant un public plus que réduit.
Est-ce en raison du faible nombre de spectateurs que le deathcore de Fit For an Autopsy peine à convaincre ? Ou bien est-ce à cause d'un style radicalement différent de celui de la tête d'affiche du jour ? Nous n'avons pas la réponse, mais toujours est-il que le sextet ne déclenche pas les passions. Pourtant, techniquement, les titres sont bien interprétés et Joe Badolato (chant) se démène comme un beau diable sur les planches. Mais son chant manque cruellement de variation et Fit for an Autopsy semble également faire les frais de l'horaire précoce. De plus, les musiciens ont du mal à remplir l'espace de la scène, qui paraît bien trop grande pour le sextet.
En dépit d'une exécution millimétrée de leurs titres (les breakdown massifs sont joués au cordeau), le combo sonne comme beaucoup d'autres dans le deathcore et ne parvient pas à faire preuve de personnalité tout au long des trente minutes qui leur sont accordées.
Goatwhore
L'affiche du soir se veut clairement éclectique. Ainsi, après le deathcore de FFAA et avant le death technique d'Obscura, c'est à Goatwhore de présenter son black n' roll teinté de thrash devant un parterre un peu plus fourni que pendant la prestation des Américains.
De black, on ne garde ici que les influences de la première vague, notamment celle de Venom en tête. En effet, le quintet avance pied au plancher, avec des riffs parfois thrash, même si quelques ralentissements doom se font sentir. Les sonorités sludges sont également de la partie de façon ponctuelle, mais à cela rien d'étonnant lorsque l'on sait que Sammy Duet (guitare) a un temps fait partie de Crowbar et d'Eyehategod. Ben, le chanteur, reste assis sur un flightcase pendant toute la durée du set, en raison d'un pied dans le plâtre. Mais cela ne signifie pas pour autant que le vocaliste se lance dans une prestation à l'économie, puisqu'à plusieurs reprises, on sent chez lui une envie de se lever et d'aller à la rencontre des premiers rangs. C'est ce que font essentiellement les deux cordistes, Sammy et James Harvey (basse), qui vont au-devant du public.
Pour autant, malgré une prestation enjouée de la part des musiciens, on sent une fois de plus les spectateurs sur la réserve. Il faut dire aussi que malgré les titres solides, l'impression d'entendre du Venom en moins bien reste présente. Dommage, car les Américains avaient définitivement une carte à jouer ce soir.
Obscura
Akroasis, le dernier opus des Allemands d'Obscura, a permis au combo de grandir sur la scène death technique, et ce en dépit d'un changement presque complet de line-up. La barre est toujours tenue par Steffen Kummerer, le charismatique chanteur/guitariste du groupe. Et ce soir, c'est bien vers lui que tous les regards sont tournés. En effet, la sympathie qu'il dégage sur scène, couplée à son aisance technique, en fait un plus indéniable au moment de voir Obscura en live. Il faut dire que voir un frontman sourire tout le long de son set dans le death n'est pas chose courante.
Pourtant, "Ten Sepiroth" qui démarre les hostilités fait les frais d'une mise en son hasardeuse, avec un chant franchement sous-mixé. Il faudra attendre "Ocean Gateways" pour que les choses s'améliorent de ce point de vue là. Techniquement, un concert d'Obscura est toujours une claque pour les musiciens présents dans la salle. La règle est une fois de plus vérifiée ce soir, car si Rafael Trujillo (guitare) est effacé sur le côté gauche de la scène, ses plans de guitare sont d'une précision à couper le souffle. De même, on apprécie grandement le jeu de basse de Linus Klausenitzer, avec un son rond et jazzy typique des instruments fretless.
La setlist est intelligemment construite et tient compte du faible temps de jeu accordé à la formation. Obscura balaye tout de même sa discographie le temps de six titres, dont les deux meilleurs extraits de Cosmogenesis, l'opus qui les a révélés. "The Anticosmic Overload" et "Centric Flow" (qui ferme la marche) sont deux grands morceaux, sur lesquels on sent le public plus investi que pendant le reste du show. Il faut dire que ces compositions reflètent à merveille le style d'Obscura, progressif, technique, sans oublier d'être mélodique, notamment sur le final de "Centric Flow".
Une fois de plus, c'est un carton plein pour les Allemands qui réalisent une excellente prestation live. On attend désormais avec impatience que le quatuor se remette au travail pour composer le successeur d'Akroasis et enrichir une déjà très belle discographie.
Setlist Obscura
Ten Sepiroth
Ocean Gateways
Akroasis
The Anticosmic Overload
Ode to the Sun
Centric Flow
Sepultura
Machine Messiah, le dernier album de Sepultura, est peut-être l'un de leurs plus diversifiés. Pour autant, c'est avec le très classique et direct "I Am the Enemy" que les Brésiliens démarrent leur set, à 100 à l'heure, comme pour rappeler qui est le patron ce soir. Et à ce niveau-là, effectivement, Derrick Green est dans une forme olympique, tout comme Andreas Kisser qui se lâche totalement. Dans son coin, Paulo Jr (basse) n'est pas en reste, et malgré une barbe à faire pâlir d'envie Tom Araya et le père Noël, on sent que le timide bassiste prend du plaisir à être sur scène.
Sepultura est clairement venu pour défendre les titres de son dernier album, en témoigne la présence de "Phantom Self" et ses influences arabisantes ou encore le très progressif "Sworn Oath". Mais c'est bien entendu les classiques comme "Territory" et "Desperate Cry" qui déclenchent les premiers circle pits de la soirée, avec un public qui ne faiblit pas. Eloy Casagrande non plus n'y va pas en s'économisant et depuis son intégration dans la formation brésilienne ne fait que confirmer tout son talent. C'est bien simple, à l'heure actuelle, le jeune batteur semble bien plus polyvalent et subtil que son illustre prédécesseur, Igor Cavalera, tout en faisant preuve d'une puissance et d'un groove impressionnant. On constate cependant un léger ventre mou dans le set des Brésiliens, avec l'interprétation de trois titres à la suite tirés d'Against, clairement pas leur meilleur album.
Derrick Green profite du titre éponyme du dernier opus pour montrer également son aisance en chant clair, et confirme le fait que Machine Messiah restera comme un très grand album dans la discographie du groupe. De même, l'instrumental très progressif "Iceberg Dance" est l'occasion de constater le talent d'écriture d'Andreas Kisser, ainsi que son aisance sur une guitare classique durant le pont du morceau.
Mais c'est surtout la triplette de fin (avant le rappel) qui va enfoncer le clou et marquer les esprits. Derrick annonce des titres old school, et c'est parti pour "Inner Self" (seul rescapé de Beneath the Remains joué ce soir), "Refuse/Resist" (scandé par un public en transe) et surtout "Arise" (agrémenté du riff de "Mass Hypnosis" en intro) pour mettre les spectateurs sur les rotules.
Pourtant, la fête n'est pas finie et le rappel donne l'occasion aux Brésiliens de faire danser la samba au public sur l'excellent "Ratamahatta" et surtout le titre le plus connu de Sepultura, "Roots Bloody Roots", sur lequel Paulo Jr. revêt un béret rouge pour parfaire sa tenue de Santa Claus. Dans la fosse, ça saute, ça danse et ça fait la fête, ce qui est un signe que le contrat est rempli à la perfection.
Nous avons beau avoir assisté à de nombreuses prestations live de Sepultura, il faut reconnaître que celle-ci demeurera l'une des meilleures du quatuor dans cette configuration. Muito obrigado cavalheiros !
Setlist Sepultura
I Am The Enemy
Phantom Self
Kairos
Territory
Desperate Cry
Sworn Oath
Resistant Parasite
Against
Choke
Boycott
Machine Messiah
Iceberg Dance
Inner Self
Refuse/Resist
Arise
Slave New World
Ratamahatta
Roots Bloody Roots
Photographies : © Arnaud Dionisio / Ananta 2018
Toute reproduction interdite sans autorisation du photographe.
Merci à Garmonbozia Inc. et à Valérie de Nuclear Blast pour nous avoir permis de relater cette soirée.