Alors que le groupe prépare un album pour le printemps, Myrath a donné à Paris le coup d’envoi d'une tournée européenne, histoire de tenir les fans au courant de l’avancée des travaux et leur présenter quelques nouveautés. Dans une salle du Trabendo pas complètement pleine mais acquise à leur cause, les Tunisiens ont montré à ceux qui en doutaient encore qu’ils avaient le sens de la scène et du show.
Manigance
La salle se remplit doucement lorsque Manigance envoie les premières notes. Les Français, qui affichent plus de 20 ans d’existence, jouissent d’une certaine aura dans le milieu du metal, et promettent donc une belle ouverture en perspective…
Pourtant, dès les premières minutes, le public sent que quelque chose ne tourne pas rond. Il faut dire que le chanteur historique, Didier Delsaux, est parti il y a à peine un mois, laissant le groupe sans vocaliste juste avant d’entamer une tournée. Il a donc recruté Carine Pinto, qui avait déjà réalisé un duo avec le groupe sur le dernier album de celui-ci, Machine Nation. Et malheureusement, elle n’est pas toujours à la hauteur vocalement de ce que faisait Delsaux. Sa voix ressemble un peu à une caricature de chant heavy metal, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle manque souvent de justesse, ce qui annule la potentielle puissance qu’elle pourrait déployer.
Cela ne l’empêche pas de tenir vaillamment son rôle de frontwoman. Elle fait ce qu’elle peut pour faire participer le public, multipliant les appels à reprendre les refrains en chœur et tentant d’établir une participation avec les spectateurs. Las, ceux-ci ont du mal à se prêter au jeu. Si certains chantent effectivement les paroles en chœur et s’agitent joyeusement, beaucoup semblent plus sceptiques, et la déception se fait sentir chez certains fans du groupe, en dépit de la volonté du combo de contenter tout le monde en mettant à l’honneur cinq de ses albums, dont le deuxième paru en 2002, Ange Ou Démon.
La froideur de l’accueil, compréhensible, n'aide pas Carine Pinto, qui donne une impression étrange : si elle sourit beaucoup et peut sembler contente d’être là, son attitude semble en même temps figée, comme si elle était en réalité très mal à l’aise.
C’est assez dommage, car derrière, les instruments sont en place, et délivrent une musique honnête, notamment les deux guitaristes Bruno Ramos et François Merle, tout à fait au point techniquement, et qui gratifient le public de plusieurs soli de très bonne facture. On se demande donc si la chanteuse n’est pas une erreur de casting, mais ce line-up n’ayant encore que très peu tourné, on mise pour l’instant sur un manque de rodage, et sur des défauts qui seront corrigés à force de se frotter à la scène.
Setlist
Face Contre Terre
Héritier
Machination
En mon Nom
Ennemi
Volte-Face
Loin d'ici
Pur Sang
Larme de l'Univers
Myrath
Après le temps nécessaire aux fans de Manigance pour noyer leur chagrin dans l’alcool, les lumières s’éteignent de nouveau sous une fosse cette fois beaucoup plus compacte. Une musique orientale retentit, et la danseuse orientale Mara Priscila qui accompagne le groupe sur scène, fait son apparition, pour le plus grand bonheur des fans.
A entendre les réactions des spectateurs, la dame est attendue, et provoque d’ailleurs une levée de téléphones pour immortaliser l’instant – ce qui mériterait un plaidoyer contre tous ces accros au smartphone qui ne vivent l’événement que via leur écran et gâchent la vue de leurs voisins, mais là n’est pas le sujet.
Tandis que Mara Priscila virevolte sur la scène au son de la musique, le quintette s’installe progressivement, et lance carrément les hostilités avec un morceau inédit, "Born to Survive". Le groupe semble déjà bien rodé sur ce titre, et le public l’accueille avec force démonstrations d’enthousiasme. La chanson a, de fait, de quoi remporter l’adhésion, puisqu’elle reprend avec succès la formule propre à Myrath, ce mélange de metal mélodique et d’influences orientales, que ce soit dans le chant, les arrangements ou les mélodies.
Dès le deuxième morceau, "Storm of Lies", le chanteur Zaher Zorgati part se promener au milieu d’une fosse ravie, et y passe presque toute la chanson, action qu’il réitèrera vers la fin du concert. La communion entre Myrath et son public est palpable, et il faut dire que la salle a de quoi être conquise : le groupe est en place, joue juste et avec énergie. Chaque musicien assure sa partie avec efficacité, que ce soit Morgan Berthet à la batterie ou Anis Jouini à la basse. Le guitariste Malek Ben Arbia assure des riffs efficaces et saupoudre l’ensemble de quelques soli occasionnels.
Quant à Elyes Bouchoucha, il se taille la part du lion avec ses claviers. C’est d’ailleurs l’un des rares reproches que l’on peut faire au groupe : tous les instruments traditionnels sont joués ici par le clavier, et même si cela reste bien fait, cela n’a pas l’authenticité ni la chaleur que produisent violons ou cithares quand ils sont joués sur scène.
Mais le vrai showman de la soirée, c’est bien Zaher Zorgati. Très en forme, il assure sa partie à la perfection, tout en se déhanchant, et profite des intermèdes pour enchainer les blagues et les annonces – il donne une date de sortie d’album qui n’est au final pas la bonne (mais on ne connaitra pas la vraie ce soir), menace en plaisantant de virer des membres du groupe, imite la pub de Tipiak, et clame que Morgan Berthet est le meilleur batteur français… au sein du groupe.
Et quand il n’est pas en train de blaguer, il enchaine les rasades de rhum. Il a beau affirmer être saoul à la moitié du show, on a du mal à le croire, tant il continue d’assurer le chant avec précision. Car il est là pour faire danser le public, et le public il fera danser toute la soirée. Si les nombreux passages de danse orientale sur scène nous montrent que la musique de Myrath se marie parfaitement avec les déhanchés, le public le confirme, puisqu’il pogote relativement peu (les quelques qui s’y risquent s’attirent souvent les regards suspicieux de leurs voisins), préférant s’abandonner à la danse – plusieurs spectatrices semblent d’ailleurs versées dans l’art de la danse orientale. C’est ce qui fait le charme de la musique du groupe : le mélange de sonorités dansantes, traditionnelles et metal transforment la fosse du Trabendo en boite de nuit alternative.
En plus de quelques nouveautés, la setlist n’oublie aucun album mais fait la part belle à Legacy, sorti en 2016, avec près de la moitié des titres ("Get Your Freedom Back", "Unburnt", "Endure the Silence"…). Alors que sonne l’heure du rappel, la foule explose sur un "Believer" au refrain entêtant. Le groupe tire sa révérence après "Beyond the Stars". Ceux qui ont bravé la pluie parisienne n’auront pas fait le déplacement pour rien, mais on peut regretter que le concert n’ait duré qu’1h25. Qu’importe, pas une minute n’était à jeter.
Setlist
Born To Survive (New song)
Storm of Lies
Dance (New song)
Wide Shut
Merciless Times
Get Your Freedom Back
Endure the Silence
Nobody's Lives
Madness
Sour Sigh
The Unburnt
Tales of the Sands
Rappel:
Jasmin
Believer
Beyond the Stars
Crédits photos : Justine Cadet. Reproduction interdite sans autorisation de la photographe.
