Après un album live ayant permis de redécouvrir les compositions du groupe (bien trop sous-estimé) sous un autre angle, c'est un grand ménage qui s'opère au sein de Threshold. Exit le guitariste Pete Mortem et surtout le leader Damian Wilson, remplacé par le retour de l'ancien chanteur Glynn Morgan, ayant déjà opéré sur Psychedelicatessen. Le double album Legends of the Shires se présente donc avec l’appréhension logique du renouveau, arrivera-t-il à faire sauter l'énorme manque de considération à l'égard de Threshold ?
L'univers des Anglais était, sur le dernier album For the Journey, toujours palpable, avec une couleur particulière, des ambiances contrôlées et construites, ou chaque seconde était importante, avec une efficacité nécessaire pour ce style si particulier. Tout ce savoir faire est toujours là, avec quelques petits plus. Le plus gros changement est évidemment du côté de la voix : Damian Wilson avait une tessiture haute agréable, mais un peu froide, presque pincée. Glynn Morgan réchauffe l'ensemble avec beaucoup d'aisance, et il ne faut pas longtemps pour le comprendre : l'intro ''The Shire (Partie 1)'' et le single suivant ''Small Dark Lines'', complètement opposés, exposent d'entrée les capacités d'adaptation du chanteur. Les nuances, la puissance ou le calme, Glynn Morgan nous raconte et vit ses textes, au point de faire sonner le moindre couplet comme le meilleur des refrains (''Trust The Process'' est l'exemple rêvé).
Autre bon point habituel : les mélodies et leurs constructions. Si For The Journey était déjà une mine d'or, ce nouvel essai fait carton plein : impossible de ne pas retenir un air, une ligne de chant ou un riff sur chaque titre, avec l'impression de connaître l'album par cœur au bout de quelques écoutes seulement. Surprenantes, les structures sortent le plus souvent des schémas classiques sans être trop complexes pour autant (''Stars and Satellites'' qui démarre mid-tempo pour un refrain plus posé d'une profondeur rare, le refrain de ''Snowblind'' qui tombe après une succession de ponts...). L'ensemble est efficace, intéressant et mélodieux, sans être pompeux ou trop technique. Le groupe prend toujours le temps de développer ses structures, poser ses mélodies pour une explosion d'émotions douces ou violentes selon le cas.
Ce double album n'est pas vraiment à considérer comme deux entités distinctes. Pas moins de quatorze titres sur l'ensemble dont deux mastodontes de dix et douze minutes, compensés par des titres plus courts ici et là, le risque de lasser sur une heure et 23 minutes de musique était très grand. Mais le voyage proposé est tel qu'il est difficile de voir le temps passer. Gros point fort également, un mix vivant et plein de relief : là ou des groupes comme Kamelot tapent dans de l'artificiel à outrance compressé au possible, ici l'ensemble respire avec une chaleur encore plus prononcée que For The Journey. L'équilibre est agréable, puissant, avec des riffs de guitare bien mis en valeur, une basse très présente, mais une batterie assez en retrait.
L'auditeur au courant de la scène progressive actuelle comme tous les fans de Threshold ne peuvent pas passer à côté de ce Legends of the Shires. Le pari est complètement réussi de bout en bout, avec des titres plus directs que leur précédent essai et une richesse confirmée à chaque composition. Aucune crainte malgré les changements et la longueur rebutante, le groupe a d'ailleurs prévu de jouer l’intégralité de l'album lors du second pan de sa tournée européenne, avec un passage à Colmar le 10 octobre prochain. On a hâte...
Sorti en septembre 2017 chez Nuclear Blast.