Le revival, on vous en parle beaucoup en ce moment, mais ne nous en voulez pas, ça devient à la mode en ce moment. Et puis, ce n'est pas les chroniqueurs qui font les modes, pas vrai ? Si ce courant est connu dans le thrash, le hard rock a aussi sa période, ces temps-ci. Et dans le cas de certaines formations, rien n'est fait pour le nier, bien au contraire. Tout est justement là pour placer un gros gyrophare rouge sur leur tête, tirer une sonnette d'alarme et nous dire que si, ils font du revival, et que si on ne le voit pas, on doit juste être des aveugles. Surtout qu'avec un nom d'album comme 1986, ce serait presque se moquer du monde de, justement, ne pas pratiquer un hommage à cette décennie (sans parler de la pochette, d'un bon goût prononcé s'il en est … ou pas). En bref, on est là pour se faire plaisir comme à l'époque, pour fumer et écouter des vinyles, donc en gros, ces suisses de The Order veulent nous proposer un véritable retour dans le temps. Y arriveront-ils ? Question difficile, tant l'échec peut se révéler cuisant.
Bingo, si vous vous attendez à quelque chose d'un tant soit peu original, passez votre chemin par ici. Non, du tout. La formation en provenance de la Suisse (qui a aussi enfanté Gotthard, Krokus ou Shakra, dans les références) reprend à peu près les mêmes formules que les noms pré-cités. Un son plus que correct, des hymnes huilés qui semblent, eux, tout droit sortis d'une galette de l'époque, les inspirations sur les anciens ne manquent pas. Cet opus représente ainsi un hommage plus que flagrant, mais terriblement efficace, aux aînés, ceux qui ont marqué le genre. Ainsi, ne voyez rien d'autre en The Order qu'un énième quatuor d'hommage, mais à classer plutôt parmi le haut du panier. Car leur hard rock est plutôt pêchu, loin de l'écueil de l'ennuyeux ou du poussiéreux, il est même certain que ce disque fort sympathique ne se laissera pas vieillir bêtement sur votre étagère, ce-dernier contenant quelques hymnes imparables. Ses qualités proviennent donc de tout ce qui est attendu pour le style : aucune prise de risque, mais des refrains entêtants, et un sens aiguisé de la mélodie. Bref, l'amateurisme n'a pas sa place dans 1986.
Les morceaux sont donc, dans l'ensemble, composés pour être des hymnes potentiels, reflétant l'admiration des musiciens pour l'époque 80s. C'est même tellement flagrant qu'ils se prennent eux-même dans leurs propres filets, incapables de se renouveler et remplissant trop de fois la même case dans un cahier des charges pourtant déjà bien complet. La formule du simple mais efficace est appliquée en surdose, créant un aspect homogène qui peut rebuter, voir lasser sur la fin. Les derniers titres ne doivent ainsi compter que sur la qualité de leur refrain pour espérer briller et s'élever vers des sommets, car ils ont fort à craindre d'une concurrence rodant au sein même de ce brûlot. Les titres se battent ainsi littéralement entre eux, pour savoir lesquels sont dignes d'intérêt, et lesquels sont totalement anecdotiques, ces-derniers étant, fort heureusement, une minorité. Et tant mieux, car si tout avait été du calibre de « Damn Hot Chick », l'album semblerait désespérément fade, sans couleur particulière. Et bien que The Order manque encore de personnalité, un point viendra relever complètement le niveau.
Si ça, c'est pas de la trve revival attitude ...
Gianni Pontillo porte l'opus sur ses épaules à lui tout seul, et ce chanteur fait un excellent boulot du début à la fin. Cet homme, là, mériterait d'être plus connu tant il maîtrise sa voix à la perfection, débarrassant certaines tares accumulées, et se hissant vers les sommets à chaque fois. Sans peur d'explorer les aigus comme dans le refrain de « Generation White Line » où il fait des merveilles, il ravira sans aucun problème les amateurs du style, de son timbre qui sied au genre. En plus d'avoir le droit à des lignes de chant intelligentes (bien plus que dans la moyenne du hard rock), le frontman est, en plus de cela, capable de moduler dès que bon lui semble. Sur la mid-tempo qu'est « Under the Rain », il sait également se faire touchant et prouver toute la qualité résidant dans son organe, nettement supérieur à bien des groupes. Tellement que parfois, The Order semble un peu trop se reposer sur lui et se laisser aller à la vacuité. Et le monsieur ne peut pas toujours tout faire, assurer sur tous les fronts. On demandera parfois à ses compagnons de voyage de lui fournir un meilleur accompagnement mélodique. Ce chanteur est génial, mettez vous donc à son niveau !
S'il réside ainsi encore et toujours un sentiment que tout pourrait être encore mieux fait, on ne boudera pas des morceaux qui deviennent de véritables hits. Et la piste d'ouverture qu'est « The Power of Love » pourrait résumer à elle toute seule ce qui attendra l'auditeur dans 1986. Des titres directs, simples (voir simplistes) mais dans l'ensemble catchy à s'en damner, celle-ci en priorité ! Mais aussi la très belle mid-tempo « Under the Rain » qui se classe nettement au-dessus de moult mid-tempos du hard rock, tout comme la classieuse « Lonely Nights » et ses guitares percutantes. Il faut bien cela pour rattraper le remplissage, se caractérisant non seulement par « Damn Hot Chick » trop cousue de fil blanc, mais aussi par « Fire it Up », tombant bien trop dans la banalité et dans le cliché. Le titre aurait pu ne pas être mauvais, mais son défaut principal est d'être finalement très quelconque, basique, sans grande consistance, un fond aussi peu attrayant que sa forme se veut aguicheuse mais échoue dans cet exercice. Rattrapée donc de justesse par « Heart Breaking Rebel Blood » qui se voudrait, d'une certaine façon, être une petite réplique de « Lonely Nights » en légèrement inférieure, mais on se contentera d'une piste enthousiasmante, autant qu'elle semble elle-même enthousiaste.
1986 est un bon album, de même que The Order est un bon groupe. Ces jeunes suisses sont ainsi capables de prouver qu'ils savent où ils vont, et que la tête de file du hard rock peut leur être ouverte. Pour cela, il faudra ôter les défauts les plus gênants, et assurer les arrières de ce chanteur plus que sensationnel. Alors un peu de travail, d'acharnement, et qui sait où cette formation pourrait se retrouver ? Loin, ça c'est certain. Et on espère vraiment qu'ils progressent encore, tant la marge est élevée. A suivre de très près.