Qu'attendre de Trust en 2018 ? A priori, rien. Nono et Bernie ont toutes les peines du monde à s'entendre, et reforment le groupe de temps en temps, essentiellement du fait de l'affection qu'ils conservent pour leur groupe phare et sans doute un peu pour le pognon (ou le contraire ?). Ni dieu ni maître, en 1999, fut l'occasion pour le chanteur d'intenter un procès au reste du groupe pour faire retirer l'album des ventes, procès qu'il remporta. Depuis, les titres de l'album ne sont plus reparus en concert. Nouvelle reformation en 2006 et, artistiquement, le fond du trou est atteint avec 13 à table, doigt d'honneur fièrement brandi aux fans. 10 ans plus tard (et sans doute tout autant de live et autres best-of), Trust propose ce Dans le même sang qu'on a vu arriver avec une furieuse envie de prendre nos jambes à notre cou. A raison ?
Mettons les choses au clair tout de suite, le Trust d'aujourd'hui n'est plus celui qui enregistra Répression (1980) et Marche ou crève (1981). Inutile de s'attendre à du hard rock sauvage, les musiciens (ceux qui sont encore là) ont soufflé leurs 60 bougies et font désormais du rock, énergique ici et là, mais globalement considérablement plus pépouze. C'est regrettable, mais aussi assez normal, les gens évoluent, et tant qu'ils accordent leurs violons pour sortir des compos qui tiennent la route, c'est l'essentiel. Reste qu'il faut dès lors trouver d'autres choses pour compenser, et il y a bel et bien des motifs de satisfaction. Quelques titres s'avèrent vraiment pas mal, à l'instar de "Démocrassie", boogie rock bluesy réussi, "Où sont passés les anges", très AC/DC dans l'esprit, "Déjà servi", "Le gouvernement comme il respire", sympathique malgré un couplet mal fichu...
Même des titres résolument calmes passent crème, comme "Christique" ou le plus surprenant "J'm'en fous pas mal", une reprise d'Edith Piaf (!!!), qui s'avère une étonnante réussite à laquelle la voix de Bernie correspond parfaitement. Soulignons également que ce dernier a fourni un vrai effort niveau paroles et signe des textes bien mieux tournés que sur les calamiteuses dernières productions du groupe. C'est certain, Dans le même sang est bien au dessus, mais est-ce un bon album pour autant ?
Les défauts sont également bien présents. Il est rageant de voir que Trust ne cherche pas à se fouler : on aurait aimé dire du bien de "Fils de pute et tête de liste", tant son titre est marrant, mais les riffs ne sont pas particulièrement efficaces et le refrain est anecdotique, des défauts que l'on retrouvera régulièrement. Le groupe ajoute des choeurs féminins soul un peu partout, qui finissent par sonner cheapos, se ramasse totalement sur quelques compos complètement loupées ("Caliente", sérieusement ?), et se repose énormément sur du blues basique. Nono a déjà été bien plus inspiré à la guitare, et les qualités d'écriture sont insuffisantes pour compenser la baisse d'énergie.
Résultat, Dans le même sang est clairement ce que Trust a fait de mieux depuis Europe et haines, il y a 22 ans, mais au vu des records de nullité atteints depuis, ce n'est pas un exploit. C'est un album de rock réalisé par des vieux briscards qui connaissent leur métier, mais dont l'inspiration a pris un grand coup. Les fans du groupe se réjouiront peut-être de pouvoir écouter un album correct, mais lui aurait-on prêté la moindre attention s'il avait été sorti par des anonymes ? Sans doute pas, et soyons honnêtes, on oubliera Dans le même sang assez vite. Ce n'est pas un grand retour, au mieux des retrouvailles sympathiques. Mais au vu de nos espoirs initiaux, c'est déjà pas si mal.
5,5/10
Sorti le 30 mars 2018 chez Verycords
