Tommy Rodgers, chanteur de Between the Buried and Me


2018 est clairement partie pour être l'année de Between the Buried and Me. Les Américains viennent en effet de sortir la première partie de leur double album, Automata, dont la suite est attendue pour l'été. Nous ne pouvions donc pas laisser passer l'occasion de poser quelques questions à Tommy Rodgers, chanteur et claviériste du combo...

Bonjour Tommy et merci de nous accorder cette interview. Nous sommes ici pour parler d'Automata, le nouvel album de BTBAM. Il s'agit une nouvelle fois d'un album concept. Penses-tu que ce format est le plus adapté au groupe ?

Hé bien, lorsque j'écoute notre musique, je la trouve très visuelle. Il y a toujours plusieurs ambiances et cela me transporte dans un voyage. Et parce que nous écrivons de cette manière, avec des thèmes récurrents, des passages qui se répondent les uns aux autres, cela appelle une histoire. J'écris des albums concepts avec le groupe depuis...(il réfléchit)...je pense que Parallax est le premier officiellement, mais sur The Great Misdirect on pourrait tricher en disant que l'ensemble raconte une grande histoire. C'est quelque chose avec lequel je me sens bien. Je me plonge dans l'écriture des paroles de façon naturelle et je fais ce qui me semble juste. Je ne suis pas en train de dire que j'écrirai toujours des albums concepts pour le groupe, mais les opus que nous sortons depuis maintenant quelques années rendent ce projet toujours plus grand. Ces thèmes nous permettent de creuser un peu plus notre identité, avec des visuels ou du merchandising...Tout est lié et tout ramène à ce concept lui-même.

Peux-tu nous expliquer le concept que tu as développé sur Automata ?

Je pense que la façon la plus simple pour résumer les choses est de dire que le protagoniste de notre histoire est en train de rêver. Il rêve au sein d'un programme télé de divertissement. Pendant la majeure partie de l'histoire, il recherche sa famille qu'il a perdue. Mais tout cela n'est qu'un rêve et l'on apprend qu'en réalité il n'a pas de proches. Il passe finalement un accord avec une entreprise appelée "Voice of Trespass", qui devient son employeur. Cela parle également de corruption, puisque le public qui assiste à cette émission peut influer positivement ou négativement sur le personnage. Les choses se développent sur plusieurs aspects, mais c'est la version simplifiée de l'histoire.

Cette histoire va se poursuivre sur un second album, comme ce que vous aviez fait pour Parallax (même si à l'époque la première partie n'était qu'un EP). Peux-tu expliquer ce choix ?

Nous avons initialement écris les choses comme un album normal. Nous n'avions pas pensé au départ à couper la sortie en deux. C'est une idée qui est venue après l'enregistrement. Quand nous avons pensé à la façon de présenter l'album, nous nous sommes rendus compte qu'il y avait une sorte de "break" naturel au milieu de celui-ci. Nous avons donc pu envisager de diviser l'opus en deux. On s'est dit que c'était une façon un peu différente de présenter les choses. Aujourd'hui, les gens consomment la musique et passent moins de temps à découvrir un opus. C'était donc une façon unique de présenter l'album et de ne pas donner immédiatement aux gens ce qu'ils veulent. J'aime l'idée de susciter l'envie chez le public d'écouter la suite. Je pense que chaque partie se tient et se complète pour faire un album complet. C'est un teaser énorme d'écouter la première partie et une façon cool de faire les choses. Cela apporte également un meilleur éclairage sur les compostions et la seconde partie bénéficiera certainement d'un meilleur accueil et de plus de reconnaissance que si tout avait été dévoilé d'un coup.

Avec des chansons comme "Yellow Eyes" ou "Blot", vous reprenez votre habitude des longues pièces progressives comme vous le faisiez dans le passé avec "White Walls", "Backward Marathon", "Memory Palace", "Swim to the Moon" ou encore "Silent Flight Parliament" pour n'en citer que quelques-unes. Penses-tu que les titres longs correspondent mieux à votre style musical ?

Je pense que c'est quelque chose qui vient naturellement. A chaque fois que l'on écrit, il n'y a rien de programmé à l'avance. Nous voulons juste que notre musique sonne de façon honnête et authentique. Parfois, cela donne des titres très techniques, parfois très organiques qui représentent vraiment l'instant T du processus de composition. Rien n'est forcé, les choses arrivent parce qu'elles font partie de nous. Nous pensons la musique en terme de sentiments. Parfois nous sentons que les choses se passent bien et qu'il n'y a pas besoin d'ajouter un élément de plus, d'autres fois, on souhaite expérimenter un peu plus sur un passage ou un autre. C'est dur d'expliquer cela, mais tout résulte de ce que nous sommes, de notre ADN.

Ce nouvel album marque votre première collaboration avec le label Sumerian Records. Pourquoi avoir quitté Metal Blade Records ?

Notre contrat était terminé tout simplement. Nous sommes ensemble depuis plus de quinze ans et nous en étions à un point où nous avions besoin de nouveauté, de travailler avec des gens nouveaux. Nous avions le luxe de pouvoir choisir donc nous avons saisi de nouvelles opportunités. C'est important de ne pas s'enfermer dans une situation linéaire et d'essayer des choses qui changent. J'espère que d'autres portes s'ouvriront à nouveau dans le futur. Mais en même temps, nous avons toujours eu la chance d'entretenir de très bonnes relations avec toutes les personnes avec qui nous avons travaillé. Les gens de Metal Blade étaient phénoménaux. Ils nous ont toujours soutenus dans notre musique et dans ce que nous avons fait. Ils étaient là et sont vraiment un grand label. Choisir Sumerian nous est juste apparu comme la meilleure chose à faire à ce moment de notre carrière.
 

Tommy Rodgers, BTBAM, Interview, Automata,


J'ai posé la même question à Paul (Waggoner, guitare) la dernière fois que je l'ai interviewé, mais il me semble qu'à chaque album la place accordée aux claviers est toujours plus importante. Vos compositions sont également plus mélodiques par rapport aux premières que vous avez écrites... Comment analyses-tu cette évolution ?

Je pense que c'est aussi parce que nous devenons plus vieux. Nous essayons des choses nouvelles et nous n'écrivons plus de la même manière qu'auparavant. Nous écrivons toujours beaucoup, mais en changeant notre façon de procéder. Il y a dix ans, nous ne choisissions pas d'écrire des thèmes directement au piano. Je trouve ça cool, car cela montre que nous n'avons pas de barrière. Si nous sommes inspirés, peu importe le fait qu'il s'agisse de quelque chose d'électronique, il n'y a aucune honte à le présenter au groupe. Cela fait seulement partie de notre façon de grandir. Nous sommes toujours agressifs, mais nous avons aussi une approche de l'écriture plus expérimentale.

"Millions" me rappelle ce que vous aviez fait auparavant avec "Mirrors" et "Desert of Song" sur The Great Misdirect. Dans quel état d'esprit étiez-vous en studio ?

Cette chanson est venue très vite. Dustie (Waring, guitare NDLR) a proposé le riff principal et Dan (Briggs, basse NDLR) a construit le reste autour de ce riff. Pour les textes, en raison de la tonalité globalement triste, j'ai voulu traiter un sujet qui évoque le sentiment de perte, du point de vue d'un enfant. Je ne voulais pas révéler explicitement ce qu'il avait perdu. Il peut s'agir d'un jouet, d'un ours en peluche ou encore son père ! Je ne veux pas non plus dévoiler quel personnage de l'histoire correspond à cet enfant. Je souhaite laisser de la place à l'imagination et ce titre comporte les paroles qui collent bien à ce moment de l'histoire.

L'an passé, il s'agissait des dix ans de Colors, l'album qui vous a rendu célèbre sur la scène metal prog. Quel souvenir gardes-tu de cette période en particulier ?

Je ne dirais pas que nous sommes célèbres ! (rires) Pour répondre à la question, cela fait pas mal de temps que nous composons, mais je crois que c'était la première fois que nous étions réellement soudés en tant que groupe. Sur Colors, les choses ont coulé de source et c'était en quelque sorte le début de notre travail d'équipe. Nous gardons cette mentalité et nous nous poussons toujours plus loin les uns les autres. La tournée que nous avons faite pour les dix ans de Colors s'est super bien passée et nous sommes chanceux de pouvoir jouer ces titres et que les gens y restent attachés. Nous avons de la chance qu'il nous arrive tout cela !

Depuis Colors, chaque album que vous sortez récolte un franc-succès, votre fanbase s'accroit constamment et vos enregistrements séduisent le public comme les critiques. Est-ce qu'avec tout cela vous êtes parfois en proie au doute ? Ressentez-vous une certaine pression avant d'entrer en studio?

Je pense que chaque personne qui réalise un travail créatif ressent toujours de la pression. A la fin d'une journée, un artiste écrit quelque chose qui le rend heureux ou fier. Mais il souhaite aussi que les fans apprécient ce qu'il produit. Mais on ne peut pas vraiment laisser cela te guider vers une direction ou un autre. Cela nous retirerait tout sentiment de fierté et nous ne nous sentirions plus nous-mêmes si nous devions écrire un certain type d'album, juste pour être plus célèbres ou gagner plus d'argent. Nous voulons seulement être nous-mêmes et j'espère que nous y parviendrons toujours. C'est peut-être un facteur qui peut expliquer notre longévité en tant que groupe. Si nous prenons du plaisir à ce que nous faisons, les gens le remarquent. Mais oui, cette pression est toujours présente mais on ne peut pas la laisser nous impacter. Il faut être confiant dans ce que l'on fait.

L'an passé, tu as enregistré des parties vocales pour le dernier album d'Ayreon. Que penses-tu que cette expérience vous ait apporté à toi et au groupe ?

C'était une super expérience ! Chaque enregistrement sur lequel je travaille, en tant que guest ou sur mes albums solos, je pense que cela nous enrichit au niveau du songwritting. En sortant de ma zone de confort, j'ai appris des choses sur moi-même, sur ma voix, sur d'autres façons d'enregistrer. En travaillant avec d'autres personnes, cela t'aide à te construire en tant que personne. Arjen est quelqu'un de génial avec qui travailler. L'album est vraiment bon et je suis très flatté d'en faire partie.

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Peux-tu choisir un mot qui selon toi décrit le mieux chaque album de BTBAM ?

(rires) Between the Buried and me : "Rapide" car nous l'avons écrit en cinq jours. Nous avons pratiquement enregistré l'album live !

The Silent Circus : "Grind" ! Nous écoutions beaucoup de grind, des albums de Cryptopsy ! (rires). Nous avons enregistré l'album à Boston, c'était différent de procéder ainsi pour nous.

Alaska : (il réfléchit)... "Syndrome de la page blanche" ! (rires). Je crois que c'est la seule fois où j'ai ressenti cela. De plus, nous avons eu pas mal de soucis en studio avec notamment des crashs de disque dur.

Colors : En un mot ? "Début". Car je pense que c'est le début de ce que nous sommes aujourd'hui.

The Great Misdirect : "Nouvelles". Car chaque titre est une histoire courte.

Parallax part 1 et 2 : "Concept album". Car c'est officiellement le premier album concept que nous ayons fait.

Coma Ecliptic : Changement" car il y a eu beaucoup de modifications dans notre façon de procéder avec cet album. Et c'est un cd que j'aime beaucoup. Il me rappelle de très bons moments pour nous.

Automata : "Pertinence". Ce mot montre que nous sommes toujours présents et j'ai hâte que les gens entendent la seconde partie !

Avant de nous quitter, que peux-tu nous révéler sur Automata part 2 ?

Il s'apparente à une chevauchée sauvage, un peu plus expérimental et aventureux que la première partie. Il emmène l'histoire vers de nouveaux rebondissements et musicalement il y a des passages très fun. C'est un album cool ! (rires).

Un dernier mot pour nos lecteurs ?

Merci pour toutes ces années durant lesquelles vous avez écouté ce que nous avons écrit. J'espère qu'il y en aura encore de très nombreuses ! A bientôt !

Merci à Elodie et Charles de HIM Media, ainsi qu'à Tommy pour cet entretien.
Photographies : © Watchmaker 2016
Toute reproduction interdite sans autorisation du photographe



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