Qui aurait pu croire cela possible il y a seulement quelques mois ? Une réunion du line-up mythique de Rhapsody et surtout des retrouvailles entre Fabio Lione et Luca Turilli pour fêter les 20 ans de la légendaire formation et rejouer les cinq premiers albums. Sans Alex Staropoli, toujours occupé dans son coin avec un simulacre de Rhapsody Of Fire, les cinq musiciens avec Dominique Leurquin, Patrice Guers et Alex Holzwarth effectuaient la première de leurs deux dates françaises dans un Trabendo aux anges et qui semblait bien étroit pour l’ampleur du mythe.
Scarlet Aura
Pour ouvrir la soirée, les relatifs inconnus Scarlet Aura s’avancent sur scène. On sent que la soirée du kitsch est bien lancée lorsque la chanteuse débarque avec une immense paire d’ailes d’anges un peu à la Till Lindemann, ses musiciens masqués comme au carnaval. Ce petit décorum ne dure que le temps de l’introduction (un peu inutile donc) et les Roumains peuvent commencer à dérouler leur heavy/sympho de bonne facture.
Si tout est loin d’être parfait dans cette prestation, Scarlet Aura parvient certainement à convaincre quelques personnes. Le quatuor en veut, à l’image de sa frontwoman Gabriela Danciulescu qui garde sa contenance même si ses discours au public tombent parfois à plat. Son chant semble pas mal inspiré de Doro et la musique reste assez sage, dans la lignée de beaucoup de groupes du style.
Mihai Danciulescu, mari de la chanteuse et guitariste a l’air un peu trop content de rentrer ses solos en tirant la langue et dans l’ensemble, les musiciens ne sont pas encore carrés à l’extrême. La plus grosse surprise de ce set, c’est la cover de « Zombie » des Cranberries, assez inattendue et pas honteuse du tout alors que l’exercice était loin d’être simple. Heureusement le son est bon, comme souvent au Trabendo et permet de rendre justice aux compos des Roumains.
La fin de set se fait dans une ambiance relativement joyeuse, avec la sempiternelle et prévisible question : « Are you ready for metal ? » La prestation de Scarlet Aura ne restera pas forcément longtemps dans les mémoires mais le groupe est encore jeune et a le temps de s’améliorer. A voir ce qu’ils proposent par la suite.
Beast in Black
On parlait de kitsch tout à l’heure, voici venus ses plus fiers représentants : Beast in Black ! Le nouveau groupe d’Anton Kabanen commence enfin à tourner de façon plus intensive et nous présente une musique quasiment identique à celle de Battle Beast. Après une intro interminable au son de « Night Crawler » de Judas Priest, la bande peut enfin arriver sur leur titre éponyme et le moins qu’on puisse dire c’est qu’ils en veulent ! L’énergie est bien là, la cohésion également et on a l’impression que le groupe tourne depuis des années déjà.
Malheureusement pour eux, ils héritent du son le plus mauvais de la soirée. On ne peut même pas entendre les samples de claviers cheap qui font tout le sel des compos du groupe. Pas grave, on entend heureusement le chanteur Yannis Papadopoulos s’égosiller avec panache, frôlant le too much à plusieurs reprises.
Musicalement, on a beau être face à pas mal de plagiat et d’auto-plagiat, ça fonctionne tout de même diablement bien, exactement comme à l’époque de Battle Beast. Le public semble totalement conquis par les Finlandais en leur réservant un accueil presque digne de tête d’affiche, de quoi redoubler leur motivation. Le moment le plus drôle du concert est atteint lors de « Crazy, Mad, Insane » où les deux guitaristes et le bassiste enfilent des lunettes futuristes sur lesquelles défilent les trois mots du titres. Un titre disco à la « Touch in the Night » de Battle Beast, quoi de mieux pour mettre une ambiance géniale ?
Pour finir ce set de 40 minutes, Beast in Black n’oublie pas bien sûr « Blind & Frozen » qui cumule déjà plus d’un million et demi de streams sur Spotify avant de finir sur « The End of the World ». Voilà un groupe qui n’a certainement pas fini de gagner en notoriété et qui pourrait bien suivre la trace de son grand frère Battle Beast. Le tremplin est en tout cas bien en place.
Rhapsody
Fini de rire, le public multigénérationnel du Trabendo est fin prêt à retourner 20 ans en arrière pour accueillir Rhapsody et ses musiciens de la grande époque. Et que dire alors que le groupe attaque son set directement par « Dawn of Victory » ? De quoi mettre d’emblée en feu le public et démarrer le moshpit presque instantanément. Le son est redevenu parfait et la soirée s’annonce sous les meilleurs auspices.
Ce qui frappe d’emblée c’est la proximité incroyable avec le public et le sourire qu’arborent tous les membres, cherchant un spectateur des yeux en permanence. De plus en plus rare dans une scène power metal où les gros groupes règlent leur jeu de scène au millimètre. Luca Turilli a toujours ce jeu de scène si particulier, courant d’un bout à l’autre de la scène avec une grosse débauche d’énergie.
La setlist est une véritable mine d’or pour tous les fans des premiers albums de Rhapsody. Entre « The Village of Dwarves », « Power Of the Dragonflame » ou « Knightrider of Doom », ça sent la nostalgie à plein nez. Les ballades sont aussi de la partie avec notamment un superbe « Wings Of Destiny », montrant un Fabio de plus en plus en forme vocalement au fil du concert.
Le frontman parle beaucoup entre les titres, rendant hommage et imitant de façon hilarante la voix grave de Christopher Lee, en dédiant à l’acteur décédé le titre « Riding the Winds of Eternity ». Il nous parle aussi de sa rencontre avec Andrea Bocelli avant de chanter une vibrante version de « Con te Partiro » du ténor. Bien peu de chanteur de metal en seraient capable, c’est certain. Enfin, il prend lui aussi à partie des spectateurs, leur prêtant même son micro pour lancer des vocalises. Se mesurer à Fabio Lione dans un duel vocal, on comprend clairement que les pauvres aient été tétanisés !
Alex Holzwarth et Patrice Guers ont tous les deux droits à leur moment de gloire avec un solo chacun devant lesquels on finit malheureusement pas s’ennuyer un peu. Les samples de claviers sont parfois un peu gênant mais on peut respecter le choix de Rhapsody de n’avoir pas voulu remplacer Alex Staropoli par un anonyme. En dehors de ça, il n’y a strictement aucun défaut à trouver à ce concert intimiste, contenant même son lot de rareté. Quel fan de Rhapsody n’a jamais rêvé d’entendre en live « Symphony of Enchanted Lands », pièce épique de près de treize minutes ? Sur celle-ci, Fabio nous prouve qu’il est aussi à l’aise dans les aigus que dans les graves, indéniablement l’un des moments forts du concert.
Plus le concert approche de la fin, plus les interventions entre les chansons trainent en longueur, le groupe voulant pousser au maximum sa communion avec les fans. Juste avant « Lamento Eroico » on a droit à une belle demande en mariage puis Fabio nous gratifie d’un discours sur l’auto-tune enlevant aux chanteurs la motivation de travailler sur leur voix. Juste avant le final, Fabio passe un long moment à présenter tous les membres avant que Luca prenne la parole, visiblement ému pour remercier longuement le public ainsi que sa compagne française. Tout cela nous arracherait presque une petite larme, mais il est temps de se ressaisir pour un final d’anthologie sur « Emeral Sword », chanté encore bien après la fin du concert par les fans.
Clairement le Trabendo était bien trop étroit ce soir pour accueillir ce que Rhapsody avait à nous donner mais les chanceux présents en ont eu pour leur argent. Plus de deux heures de set alors qu’1h40 seulement était prévue, une performance authentique, généreuse et proche de ses fans, c’est ce que les Italiens nous ont offert ce soir. En espérant que comme pour la plupart des groupes en Farewell Tour, on puisse les revoir d’ici deux ans.
Setlist:
Dawn of Victory
Wisdom of the Kings
The Village of Dwarves
Power of the Dragonflame
Beyond the Gates of Infinity
Knightrider of Doom
Wings of Destiny
Riding the Winds of Eternity
Symphony of Enchanted Lands
Drum Solo
Land of Immortals
The Wizard's Last Rhymes
Bass Solo
Time to Say Goodbye (Con te partirò) (Andrea Bocelli cover)
Holy Thunderforce
Rain of a Thousand Flames
Lamento Eroico
Emerald Sword
Photo : © 2018 Nidhal Marzouk
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