The Crawler, The Painter & The Orator, cultistes anonyme du groupe Squidhead

Partagé entre la Belgique et la France, le trio Squidhead commence peu à peu à faire parler de lui. Après un premier EP récoltant les louanges de nombreux acteurs de la scène underground, le combo propose aujourd'hui Cult[ist], son premier album. A mi-chemin entre le death metal et l'indus, à la croisée des univers popularisés par Morbid Angel d'un côté et Fear Factory ou Meshuggah de l'autre, nous avons souhaité en apprendre un peu plus sur ce mystérieux combo masqué, qui pratique le culte des Grands Anciens. Plongée dans l'abîme du temps...

Bonjour chers Cultistes et merci de nous accorder cet entretien pour la Grosse Radio. Avant de parler de votre premier album, Cult[ist], je voudrais revenir sur la genèse de votre groupe. Il s'agissait auparavant d'un projet solo mené par The Painter (guitare). Comment vous-êtes vous retrouvés à jouer ensemble tous les trois ?

The Crawler (basse): Effectivement. Avant qu’il devienne pleinement un cultiste, The Painter a lancé le projet en solo. Or, dès le départ, il voulait monter un groupe et se représenter live. Mais plutôt que d’attendre de recruter d’autres adeptes avant de concevoir la musique, il a pris les devants en concevant une musique qui permettrait de pratiquer du prosélytisme. Et bien lui en a pris, puisque cela a fonctionné. J’ai eu connaissance du projet au hasard des réseaux sociaux car l'un des partenaires avec qui je travaillais à une époque (2015) avait liké la page du projet. J’ai écouté, j’ai acheté l’EP et comme j’ai vu qu’il cherchait des partenaires je me suis mis en contact avec lui.

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Vous avez choisi de garder l'anonymat, à travers des pseudonymes ainsi que des masques rappelant Cthulhu. Aujourd'hui, l'anonymat est quelque chose qui redevient courant dans le metal, avec des artistes tels que Deathcode Society, Mgla, Undead Prophecies ou encore Ghost pour le plus connu. Ne considérez vous pas ce choix comme un risque ? Pourquoi avoir choisi cette façon de faire ?

The Crawler : Il y a plusieurs raisons à cela, plus ou moins réfléchies, mais toutes assumées. La première était que cela faisait partie intégrante du concept, c’est à dire que non content de vouloir proposer une musique personnelle, nous voulions proposer aussi un visuel qui contribue à l’ambiance que nous voulions avoir tant sur scène qu’en vidéos ou photos promos. Cela rajoute un plus indéniable à un show, nous avons pu le constater. Et nous voulons nos apparitions scéniques comme des rituels de culte, quoi de mieux que ces costumes pour ce faire ? Ensuite, bien que cette tendance à l’anonymat soit en vogue, notamment dans le black metal à capuches, cela reste singulier face à l’immense majorité de groupes dans lesquels identité civile et scénique se confondent. Je ne le critique pas, mais ce n’était pas notre volonté pour ce groupe. Considérer cela comme un risque me paraît incongru car c’est pleinement assumé. Mais finalement, notre visuel est à la même enseigne que notre musique face aux auditeurs et/spectateurs, cela plaira ou non.

Parlons un peu musique. Votre style mélange habilement le death metal moderne avec un petit côté industriel et djent à la Meshuggah. Cela résulte-t-il des influences de chacun d'entre vous ?

The Crawler : Tout à fait. Si nous n’avions pas tous les trois des accointances avec ces genres musicaux, nous ne nous serions pas rencontrés ni impliqués dans cette musique. Cela dit, c’est The Painter qui a composé l’entièreté des morceaux, synthés inclus. Mais The Orator (chant) et moi-même nous sommes retrouvés dans la musique qu’a proposé The Painter au fur et à mesure de l’écriture de l’album, avec la liberté de pouvoir tant composer nos propres parties (à l’exception des paroles) que participer aux arrangements. Donc oui, c’est la cristallisation de goûts que nous avons en commun, mais de façon non-exhaustive, loin s’en faut.

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Cette fusion des styles a-t-elle été difficile à mettre en place ? Sachant qu'il est toujours risqué de mixer différents genres comme vous le faîtes, avez-vous hésité à un moment donné de prendre ce risque ? Comment garder une bonne cohérence et un bon équilibre lorsque l'on mixe plusieurs influences comme cela ?

The Crawler : Je n’ai pas du tout eu cette impression de difficulté quelconque, tant dans le mélange  des genres que dans l’équilibre et la cohérence dans un morceaux. Tout a été composé tout à fait naturellement avec une confiance en cette capacité de composition et en ce que nous en retirions comme satisfaction à l’écoute du résultat.

Le chant de The Orator est également varié, puisqu'il me rappelle un mix (plutôt détonant) entre Steve Tucker (Morbid Angel) et Jens Kidman (Meshuggah). Comment s'est-il préparé en studio ?

The Orator : C'est flatteur... Je n'ai pas spécialement de préparation, je crois personnellement que tout se fait par instinct et que quoi qu'il arrive il faut tout donner. L'album de Squidhead est le deuxième album sur lequel je pose mes voix et je n'ai pas changé ma manière de travailler par rapport à mon premier album avec mon autre groupe. Sinon j'ai toujours été autodidacte, j'ai appris essentiellement à imiter les voix du chanteur de In Flames dont je suis un fan absolu des premiers albums.

La guitare reste toutefois très mise en avant, qu'il s'agisse des riffs puissants ("Verbis Diablo", "Mantra of Insanity") mais également sur des soli particulièrement travaillés ("Torn Skies"). Comment composez vous ? Pourquoi avoir choisi d'intégrer des guitares huit cordes dans votre style ?

The Crawler : La base des morceaux sont les riffs. Des motifs puissants et entraînants qui permettent de capter l’attention. Les leads sont l’expression plus prononcée de la personnalité de The Painter, comme un lead dans une chorale de Gospel. Sauf que notre gospel a nous a quelque chose de plus… profond (rires).

The Painter : Pour la huit cordes, ce n’est pas une grande surprise, mais je dois bien admettre que ça vient de mes influences directes, avec des groupes comme Meshuggah et Fear Factory. A l’époque où ils ont débarqué pour la première fois avec les prototypes huit cordes, j’ai tout de suite été fasciné par ces instruments qui paraissent totalement hors normes et pratiquement hybride guitare/basse. Il a fallu attendre encore quelques années avant que des modèles de série arrivent sur le marché et je me suis rué sur le premier modèle disponible (que j’utilise d’ailleurs toujours depuis). Pour moi, la question ne s’est pas posée : tout l’album allait être en huit cordes car c’est avec ça que je compose naturellement. Son gros avantage est qu’elle permet de jouer des notes très lourdes sans perdre de précision/définition, même aux tempos rapides et aussi qu’on garde les aigus disponibles pour les parties soli et mélodiques. La palette sonore disponible sur un tel instrument est un atout énorme pour la composition.

Vous êtes actuellement partagés entre la France et la Belgique. Cela a-t-il été un handicap pour vous pour travailler sur les compositions ? Et pour les répétitions ?

The Crawler : J’ai le sentiment qu’il y a en France un problème avec la distance tandis que dans d’autres pays ce n’est clairement pas le cas. Nous vivons à l’ère d’internet et grâce à cet outil, la musique de Squidhead a pu voir le jour. The Painter nous envoyait la base des morceaux, nous en discutions puis je proposais mes parties comme notre ancien batteur composait ses plans. De même que pour les paroles, j’en ai écrit quelque unes que je transmettais par mail ensuite. Idem pour l’enregistrement. J’ai enregistré de mon côté tandis que les autres travaillaient ensemble en Belgique. Il nous est arrivé quelques fois de se réunir pour quelques situations importantes, mais globalement, l’essentiel du travail s’est fait à distance. Donc non, la distance n’est pas un handicap quand on s’en donne les moyens.

Vous venez tout juste de sortir un clip pour le morceau "Mantra of Insanity". Pouvez vous nous parler de cette expérience ? Pourquoi avoir choisi ce titre en particulier ?

The Crawler : Il faisait froid ! En effet, nous l’avons tourné en janvier dernier dans la grange de The Painter. Il devait avoisiner zéro degré. Plus sérieusement, à l’origine, tout devait être tourné en une seule séance, mais à cause d’un défaut d’agenda, nous avons décidé de tourner dans un premier temps les scènes avec Eve, notre participante et nous ensuite dans un second temps. Pour The Orator et moi-même, cela n’était pas notre première expérience en la matière, mais n’étant pas des habitués de l’exercice, nous étions quand même vigilants quant à notre implication et son résultat. Ce titre a été choisi pour son caractère direct, percutant et accrocheur. Il me rappelle personnellement "Detox" de feu Strapping Young Lad dans son approche. Je l’aime beaucoup car j’ai notamment écrit les paroles.

Votre univers s'inspire des écrits de Lovecraft et en particulier du Mythe de Cthulhu. Quelle est votre nouvelle préférée de l'écrivain et pourquoi ?

The Crawler : Il n’y en a pas qu’une qui a abreuvé mon imaginaire et je pourrais t’en citer beaucoup pour leur caractère singulier. Mais si je devais n’en retenir qu’une, je citerais Night Ocean. Il y  a une telle richesse et profondeur dans sa façon d’appréhender l’angoisse dégagée dans cette nouvelle que j’en ai longtemps été perturbé au point de la voir comme un écrit à part et d’un autre niveau – nonobstant le sujet lui-même.

The Painter : ce n’est pas trop original en ce qui me concerne, vu que c’est L’horreur d’argile (première partie de L'Appel de Cthulhu) qui m’a marqué le plus. Etant un grand amateur de jeu de rôle, c’est tout l’univers étendu du mythe que je retiens le plus. Que ce soit en jeu de rôle grandeur nature, jeux vidéo, jeux de plateau, etc… Je trouve que les auteurs de jeux ont su s’emparer du mythe originel et le développer beaucoup plus loin que ce qui a été écrit à la base. C’est une grosse source d’inspiration.

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Pensez-vous que le prochain album continuera dans cette inspiration thématique ? Avez-vous déjà commencé à composer pour la suite ?

The Crawler : Bien que nous n’ayons encore rien composé de nouveau, l’album est tout juste sorti et nous avons chacun de notre côté toutes sortes de choses à gérer aussi, je peux dire que nous évoluerons forcément. La thématique Lovecraftienne est le cœur du groupe et je ne conçois pas entamer une rupture immédiate avec. On peut cependant envisager une autre approche, ne serait-ce que pour ne pas se répéter inutilement.

Vous êtes actuellement en lice pour participer au tremplin Voice of Hell, dont le vainqueur jouera au Hellfest. Comment convaincre nos lecteurs de voter pour vous ?

The Crawler : Vous obtiendrez pouvoir et connaissances au-delà de ce que vous ne pourriez jamais concevoir si jamais vous abandonnez votre âme au culte. D’un point de vue scénique, nous proposons de pénétrer un univers certes familier, mais avec une approche personnelle. Pas seulement de la musique, mais un visuel et un concept.

Quels sont vos projets immédiats ? Et à plus long terme ?

The Crawler : Dans l’immédiat, continuer d’assurer la promotion de l’album et de trouver des dates pour cette année et la suivante dans lesquelles nous pourrons proposer des prestations dignes de ce nom.

Les scènes underground metal belges et françaises sont en pleine ébullition. Chez les Belges, je citerai les sorties récentes de Storm Upon the masses, Dehuman, Pestifer et tant d'autres. Pour les Français, c'est pareil, de nombreux groupes se lancent dans l'aventure. A quoi cela tient-il d'après vous, sachant que peu de choses sont faite au niveau des infrastructures/pouvoir publics pour faciliter la vie d'un artiste underground en France (salles de répètes, salles de concerts...) ?

The Crawler : Une reconnaissance méritée pour une scène qui n’a pas à se sentir inférieure aux scènes outre atlantiques ou d’ailleurs en Europe, pour un peu qu’elle se donne les moyens d’arriver à ses fins. En France, nous avons une scène qui a une certaine ancienneté et qui a montré que très tôt, la qualité était déjà au rendez-vous. Cette reconnaissance ne s’est pas faite sans douleur car de nombreux obstacles se sont dressés et se dressent encore face aux groupes qui galèrent à faire parler d’eux, quand les groupes eux-mêmes ne sont pas à blâmer. Cela dit, je suis heureux de découvrir encore maintenant des groupes qui valent vraiment la peine en terme de créativité, de production et aussi dont la façon qu’ils mènent leur barque.

The Painter : En ce qui concerne la Belgique, le souci réside déjà dans la taille du pays. Il faut bien reconnaitre qu’on a vite fait le tour et qu’on peut avoir l’impression de voir toujours les mêmes groupes dans les mêmes salles, surtout dans l’underground. Mais pour peu qu’on sorte un peu de chez soi, on constate qu’il y a pas mal de petites organisations qui se bougent pour faire jouer de nouveaux noms et qui se donnent du mal pour faire évoluer la scène. Même si certaines petites salles ferment, on voit toujours émerger de nouveaux endroits où jouer et je suis rassurer de voir des associations ne rien lâcher et continuer d’organiser des concerts coute que coute. Les conditions ne sont pas toujours folles, mais ces gars ont une put**n de passion pour la scène underground et méritent qu’on décolle ses fesses du canapé pour aller les soutenir, ainsi que les groupes qu’ils invitent.

Nous vous laissons le mot de la fin pour nos lecteurs !

REJOIGNEZ LE CULTE !

Merci à nos trois mystérieux interlocuteurs masqués.
Crédits photographiques : Pol Jassin Art Numérique
Tous droits réservés



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