Depuis la sortie d'After il y a déjà huit ans, Ihsahn a été particulièrement actif : deux tournées anniversaires avec Emperor et pas moins de quatre albums sortis entre 2010 et 2018, cela force le respect. Cette année, le Norvégien revient avec un nouvel opus, Àmr. Alors avec autant d'albums en si peu de temps, on peut légitimement se demander ce qu'il en est de cette nouvelle fournée. Éléments de réponse ci-dessous.
C'est un fait, depuis After, l'Empereur du black metal a sorti de très bons opus, mais aucun n'atteignait la puissance et l'aboutissement de son troisième album solo. Eremita souffrait de quelques longueurs, Das Seelenbrechen était trop décousu et expérimental et Arktis se révélait au contraire beaucoup trop accessible en dépit de bons titres. N'y allons pas par quatre chemins, Àmr se situe un peu à la croisée de tous ces albums, avec des titres surprenants car presque pop ("Twin Black Angel"), d'autres empreints d'éléments d'électro et de synthwave ("Lend Me the Eyes of the Millenia", le pont de "In Rites of Passage"), des power ballad rappelant "Celestial Violence" sur Arktis ("Where you are Lost and I Belong") et d'autres morceaux bien plus progressifs et aboutis ("Alone", étrangement relégué en tant que titre bonus).
Si le Norvégien reste le seul maître à bord, il perpetue une fois de plus la tradition des guests (rappelons que par le passé, Ihsahn a convié Jorgen Munkeby (Shining), Devin Townsend, Jeff Loomis, Einar Solberg ou encore Matt Heafy (Trivium) à participer à ses titres). Cette fois-ci, c'est Fredrik Akesson (Opeth) qui se charge d'un solo sur le single "Arcana Imperii". Cette seule participation pourrait relever de l'anecdote, mais ce titre reste une très belle composition, résumant à elle seule le style développée par le Norvégien en solo.
Au rang des belles surprises, on peut citer la ballade "Sàmr", bien orchestrée et même magnifiée par un très beau solo de guitare, ou encore "Alone", le titre bonus qui clôt cet album. Cette dernière composition constitue ni plus ni moins la pièce maîtresse de la carrière solo d'Ihsahn, que l'on pourrait rapprocher d' "On the Shores" (sur After) de par son côté très progressif. Cette pièce s'ouvre sur un piano subtil et glacial, avant une explosion d'orchestration qui en fera frissonner plus d'un. Les plus classiques "Wake" ou "Marble Soul" permettent également de renouer avec le côté plus metal d'Ihsahn malgré un refrain trop pop pour ce dernier.
Malheureusement, les velléités expérimentales d'Ihsahn ont tendance à rendre cet album décousu. L'auditeur ne peut reprocher au Norvégien de souhaiter évoluer et de proposer une musique en constante transformation, mais certains éléments s'insèrent finalement assez mal dans le style pratiqué par le musicien (les claviers de "Lend Me the Eyes of the Millenia", le refrain immédiat et pop de "Twin Black Angels" qui aurait plus sa place sur un album de Ghost)
Indépendamment, les titres sont tous intéressants et portent tous la marque de fabrique de leur géniteur, à savoir une audace presqu'insolente et un chant rugueux black qui se mue régulièrement en une voix plus chaude et rassurante ("In Rites of Passage", "Alone", "Sàmr"). Mais pris dans un ensemble, Àmr perd parfois de sa cohérence, ce qui n'était pas le cas sur After (au hasard).
Et finalement, on ne peut qu'être surpris de voir le choix du multi-instrumentiste de reléguer son meilleur morceau (le très progressif "Alone") en guise de bonus track, comme si le Norvégien lui-même reconnaissait une certaine fracture entre les autres compositions et ce titre, pourtant très abouti. Àmr reste toutefois un album agréable à écouter, mais on regrette que le musicien qui fait indéniablement preuve d'un talent insolent pour composer de bons titres, se laisse aller à trop d'expérimentation en oubliant d'insuffler un minimum de cohérence à son nouvel opus.
Sortie prévue chez Candlelight/Spinefarm Records le 4 mai 2018
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