Power metal will never die?
Ah, le power metal (mélodique "européen", cela va de soit, pas la vision US du terme). Ce style tant décrié aujourd'hui, pourtant tant mis en avant de la fin des années 80 (merci aux Keepers de Helloween quand même) aux années 2000 (jusqu'à un certain âge d'or se concluant vers 2005 par l'émergence de jeunes groupes méconnus qui malheureusement se perdirent par la suite). Il faut dire que la "première mort" de Rhapsody (of Fire) suite aux soucis de label ont certainement terni le paysage, sans oublier les problèmes de Timo Tolkki qui enterrèrent presque Stratovarius, le déclin programmé des Edguy, Angra, Sonata Arctica ou autres Kamelot, seul Helloween semblant tenir la route. Tant est si bien qu'arrivé aux années 2010, on se rend compte que les sorties power/speed/sympho/melo diminuent aussi bien en nombre qu'en qualité, avec au final seuls les Derdian ou autres Pathfinder à relever parmi les grosses surprises du genre depuis bien trois ans. Cela tombe bien qu'on parle de cette dernière révélation polonaise, car en bien des points les italiens de Sound Storm se rapprochent d'une certaine mouvance revival du mélodique épico-puissant en mélangeant allègrement les influences pour un résultat final complexe tout en restant audible et accrocheur.
Fort d'un premier album, Twilight Opera, plutôt correct bien que fort maladroit, et d'un label n'hésitant pas à promouvoir le powermélo et des groupes encore résistants, le combo rital montre les crocs. Scarlet Records sort ainsi le deuxième opus des transalpins, intitulé Immortalia, ce mardi 28 août 2012. Venu de Turin, le quintette semble avoir de l'énergie à revendre, et c'est une rafale de sons en tout genre qui viennent à nos oreilles le long des 57 minutes jalonnant la galette.
Si l'approche globale reste donc power symphonique, les touches de speed et même d'envolées pseudo extrêmes ne sont pas rares, et voici que l'on reparle des polonais de Pathfinder en songeant à ces effets "j'en mets partout et prends ça dans ta gueule, ô auditeur" fort bien maîtrisés même si par moment quelque peu surfaits il faut l'avouer. Prenons un exemple, le titre "The Curse of the Moon" qui, non content de reprendre une nouvelle fois la thématique du "Moonlight Sonata" de Beethoven (combien de groupes du genre ont osé ? Andre Matos, Dark Moor, et on en passe), enrobe le tout d'ambiances blackisantes qui perforent la mélodie, avec brio certes, mais un léger effet indigeste sur quelques points. Mais voilà, aussi incompréhensible que cela puisse paraître, on en redemande, on accepte l'idée, et on se laisse prendre par la force des rythmiques. Puissante, ficelée sur plusieurs paramètres, la musique de Sound Storm défie les limites et montre que la nouvelle génération décide de TOUT donner pour se faire entendre. Comme s'il s'agissait d'un certain chant du cygne pour le power, qui ne peut désormais qu'exister dans la surenchère et le métissage improbable ? Peut-être, le débat mérite d'être soulevé.
Autre parallèle avec Pathfinder, Sound Storm se démarque aussi par un chant habité qui n'hésite pas à tutoyer tous les timbres metal disponibles. Là aussi, serait-ce la mode ? A l'instar de Szymon Kostro donc, mais aussi d'Alessandro Conti sur le récent excellent Luca Turilli's Rhapsody, le sieur Philippe d'Orange (Filippo Arancio de son vrai nom) atteint quelques notes intéressantes, cependant moins impressionnant dans ses aigus que dans ses apartés en chant death/black. Le vocaliste s'accorde tout de même parfaitement aux arrangements symphoniques très baroques d'un opus grandiloquent, j'en veux pour preuve ce "Blood of Maiden" très explosif mais aussi profondément Rhapsody, avec un final rappelant plus ou moins "The Bloody Rage of the Titans". En parlant du groupe légendaire, un côté Power of the Dragonflame se ressent ainsi à plus d'un moment, avec une prod encore plus metal, et un recul peut-être moindre mais adapté à son époque.
Pour en revenir à l'ami Philippe, si le polonais Szimon Kostro pourrait être reconnu par ci par là de part sa versatilité impressionnante, on pense aussi à Nicholas Leptos d'Arrayan Path sur les medium aigus caractéristiques (le morceau "Seven Veils", affublé d'une chanteuse en guest, aurait d'ailleurs pu figurer sur un album du groupe chypriote), Daniel Heiman (ex-Lost Horizon, Heed) ou Jan Thore Grefstad (Saint Deamon, ex-Highland Glory) sur les screams heavy, voire Fabio Lione (Rhapsody of Fire) par instant sur le timbre même si cela semble moins flagrant. Encore plus étonnant, il ne semble avoir rien à envier à un Shagrath (Dimmu Borgir) sur les passages blackisants, mais ceci mériterait qu'on l'entende dans ce style un peu plus souvent pour oser comparer. Vous l'aurez compris, le chant porte ce Immortalia vers une autre dimension, tant les lignes vocales semblent peaufinées pour la voix d'un bonhomme qui pourrait vite devenir une révélation du genre s'il passe avec brio le test du live. On lui souhaite bon courage.
Niveau musique, on pourrait crier au génie, nous n'en sommes par loin par moments. A vrai dire on pourrait s'emballer en ce sens sur des morceaux comme "Back to Life" et "Promises", surtout pour son refrain mirifique concernant ce dernier, eux qui brillent par un côté direct et implacable. Quant à "Wrath of the Storm", on tutoie le heavy pirate à la Running Wild, le riff à la "Dawn of Victory" de Rhapsody, avant un refrain surprenant, des effets guitaristiques qui nous rappellent les belles cavalcades des récents Iron Mask et un très beau break en italien opératique (une langue utilisée quelques fois sur la galette) : un très beau mélange de ce qu'on peut faire de mieux au fond. Mais cela serait trop simple de résumer un tel CD sur ses accroches et ses héritages finement incorporés. Alors oui les titres plus longs et moins directs sont bien construits, mais un effet de remplissage par du "too much" apparait par moments, signe que Sound Storm doit encore gagner en affinage et maturer vers une simplicité moins débordante sur quelques instants bien choisis. Par exemple la conclusion "The Portrait", bien qu'intéressante, semble durer neuf minutes simplement parce qu'il fallait conclure l'album ainsi en mode "melting pot final", un peu dommage comme ressenti... Quant à des titres comme "Call Me Devil" et son intro à la Stratovarius, il ne marie pas forcément très bien ses choeurs et ses lignes de chant simple sur les couplets, rendant le tout un peu brouillon et maladroit à nos oreilles - sans parler de la transition vers le refrain qui semble éculée et qui rappelle ce qu'un Derdian semble savoir mieux faire. Pour le reste, on navigue vraiment entre le bon et le fort correct, aucun gros moment faible à signaler, bien que certains relèveront peut-être la ballade "Watching You Falling" cependant loin d'être ridicule (qui a dit influences "Glory to the Brave" de Hammerfall ? Bon ok, mais c'est fort bien intégré ici).
Au final, une fois la tornade passée une première fois, on reste un poil sceptique. Mais on apprécie. Puis on y revient, et on sent le potentiel gros comme une maison, une force assez étonnante dans l'envie de ces jeunes italiens prêts à tout dévorer. Il suffira pour eux d'affirmer un peu plus leur personnalité déjà bien naissante, de polisher un peu certaines compos, d'en rendre d'autres moins surfaites, et tout risque de sentir très bon pour eux. A l'image d'un Tarot de Dark Moor parfait dans le genre, ou d'un New Era Part III de Derdian irréprochable niveau compos (mais beaucoup moins niveau prod)... on mélange les deux, on ajoute de l'expérience, et peut-être Sound Storm sera le groupe qui sauvera le speed power sympho mélo tralala, qui sait ? Comme Pathfinder en somme, même si ces derniers semblent légèrement en retrait avec leur second album sorti cette année... mais ça, c'est déjà une autre histoire, d'autant plus que notre cher chroniqueur Tib ne serait pas d'accord sur ce point.
Note : 7.5/10 (et on arrondit sans problème à 8 en saluant les efforts ici produits)