Les rumeurs annonçaient une setlist avec des surprises, et même du renouveau dans la scénographie. Bruce Dickinson avait redonné du grain à moudre lors de ses récentes interviews. Mais habitués aux récents cycles de tournée rétrospectives, et à un recyclage de la mise en scène qui commençait à devenir lassant, nous n’avions que peu d’attentes de ce côté. Et pourtant, Iron Maiden a su pour la première fois , depuis la tournée A Matter Of Life And Death où l’album avait été joué en intégralité, surprendre ses fans. Retour sur la première étape d’une tournée qui s’annonce dantesque.
Killswitch Engage
Le Saku Suurhall est loin d’afficher complet lorsque les membres de Killswitch Engage foulent ses planches. C’est somme toute peu surprenant tant le style du groupe ne semble pas taillé pour flatter les fans de la Vierge de Fer. Mais nous ne vous redonnerons pas une énième fois le refrain du choix discutable des premières parties des Anglais en Europe…
Avec pas loin de 50 minutes de set, les Américains peuvent revisiter plusieurs albums, y compris leur plus récent Incarnate, via pas moins de quatre titres. Malheureusement, le choix de la setlist exclut les morceaux les plus mélodiques, au grand dam du public. Si on ajoute à cela l’attitude détestable d’un Adam Dutkiewiscz, qui cristallise en quelques minutes tous les clichés extrêmes de l’Américain prétentieux et bas du front, le passage de Killswitch Engage n’aura pas laissé une marque indélébile dans le cœur des présents ce soir.
Même si la reprise couillue du « Holy Diver » de Dio réchauffe un peu l’ambiance, l’attente s’annonce assez peu fluide pour les fans de Maiden qui assisteront aux prochaines dates.
Iron Maiden
Pendant la trentaine de minutes qui séparent les deux groupes à l’affiche, on voit les roadies s’affairer et dévoiler une scène recouvertes de camouflage végétal et évoquant un champ de bataille. Rien de neuf ne saute aux yeux à part une structure lumières revisitée. Les lumières plongent la salle dans le noir et le discours de Churchill typique de l’annonce de « Aces High » retentit. Est-on parti pour une nouvelle version du Somewhere Back In Tour ?
Que nenni ! A la lumière de flammes géantes, ce ne sont pas six mais sept membres qui entrent sur scène, le septième étant un immense Spitfire surplombant la scène, et virevoltant au grès des couplets. Le public voulait de la nouveauté, Harris & Co lui en donnent d’entrée de jeu ! Quel rendu, quelle énergie, et quelle immersion grâce à ce nouvel effet !
Et les surprises scéniques ne s’arrêtent pas là, puisque s’enchaîneront sur scène de nombreux costumes pour Bruce – qui alterne entre casque de pilote vissé sur la tête et redingote de Jack The Ripper sur « Fear Of The Dark » -, un nouvel Eddie « Trooper » très réussi à mi-set, des lance-flammes à main un peu plus tard, ou encore un Icare géant qui finit par chuter après que ses ailes ont brûlé. Tous ces ajouts apportent une dimension théâtrale supplémentaire au show, sans occulter la performance musicale comme ce peut parfois être le cas chez Kiss par exemple. Bien entendu, le Eddie géant final de « Iron Maiden » est de la partie, cette fois dans une version maléfique ultra-réaliste grâce à sa structure gonflable.
Notons également que ce n’est pas une comme à l’accoutumée, mais trois scènes qui se succèdent : les treillis et camouflages découvrent bientôt un décor de cathédrale majestueux, qui finalement laissera place en fin de concert à des visuels plus dépouillés. La dynamique du concert s’en retrouve dopée, et on a vraiment l’impression d’évoluer à travers plusieurs tableaux d’un jeu. Le jeu vidéo « Legacy Of The Beast » étant le thème de la tournée, rien d’étonnant finalement !
Parlons setlist à présent. Tout en gardant quelques valeurs sûres comme « Fear Of The Dark », « 2 Minutes To Midnight » ou encore « The Number Of The Beast », la Vierge de Fer se permet de distribuer de véritables cadeaux du passé à son public. Si le plus retentissant, et dont tout le monde parle depuis quelques jours est le retour de « Flight Of Icarus », laissé sur la touche depuis 32 ans (!), d’autres ajouts sont de vrais bijoux. Ainsi, les épiques « Sign Of The Cross » et « The Clansman » viennent combler les fans qui n’avaient pu assister aux tournées de 2001 et 2003, où les morceaux avaient été joués pour la dernière fois.
Grosse surprise avec un extrait de A Matter of Life And Death, en l’occurrence « For The Greater Good Of God » : au total, ce ne sont pas moins de dix albums dans lesquels le groupe pioche ce soir ! « Where Eagles Dare » constitue aussi un ajout plaisant, et un enchaînement thématique très sympathique à « Aces High ». Enfin, citons le retour de « Hallowed Be Thy Name », Iron Maiden ayant enfin clôturé ses soucis juridiques liés au morceau avec Beckett… et pas de doute, ça fait du bien de retrouver ce standard !
Enfin, le plus important : le groupe affiche une forme assommante ! Centre de l’attention, Bruce Dickinson maîtrise à la veille de ses soixante ans et de façon déconcertante un set qui enchaîne pourtant les difficulté et les notes stratosphériques. S’il a en revanche quasiment supprimé les interactions avec le public entre les titre, c’est bien en faveur d’une plus grande dynamique, avec pour résultat un set qui prend les fans à la gorge, et les laisse sans énergie au tomber de rideau.
Le doyen du groupe Nicko McBrain martèle toujours ses fûts avec une finesse hors du commun, tandis que les cordistes semblent plus soudés que jamais. Certes, un pain ou deux viennent agrémenter cette première, mais dans une semaine, la machine sera en marche et la boulangerie aura fermé !
Si l’on devait résumer notre impression sur cette soirée – en dehors de l’excitation de découvrir les morceaux au compte-goutte – c’est qu’il ne faut louper cette tournée sous aucun prétexte ! Et si Steve Harris annonçait en 2017 que le groupe n’avait plus que quatre ans à vivre, on peut légitimement le contredire au vu d’une telle réussite.
Setlist :
Aces High
Where Eagles Dare
2 Minutes To Midnight
The Clansman
The Trooper
Revelations
For The Greater Good Of God
The Wicker Man
Sign Of The Cross
Flight Of Icarus
Fear Of The Dark
The Number Of The Beast
Iron Maiden
The Evil That Men Do
Hallowed Be Thy Name
Run To The Hills
Photos:
© 2018 John McMurtrie
© 2018 Régis Peylet