Les deux compères ont l’air de bien s’amuser. Les interviews se succèdent à la chaîne, et leurs voix bien graves et gutturales rappellent celle de leur ancien compère panda parti vaquer de son côté. Demonaz (guitare et chant) et Horgh (batterie) paraissent sûrs de leur nouvel album Northern Chaos Gods qui représente un bel hommage à ce qu'Immortal sait faire de mieux : du Immortal !
Lionel / Born 666 : Comment allez-vous?
Demonaz & Horgh : (D’une voix épaisse et gutturale à l’unisson) Bien !!!
Lionel : Vous disiez récemment « Nous sommes éternellement dédiés à Immortal et à notre propre passé musical. » Beaucoup de mots dans les titres de l'album sont de véritables hommages à Immortal en référence à d'anciens titres comme « Gates To Blashyrkh », « Mighty Ravendark », « Northern Chaos Gods », « Into Battle Ride », « Where Mountains Rise »… C’est donc pour vous une façon d’en faire un album conceptuel dédié à…Immortal ?
Demonaz : Oui, c’est notre signature, tout comme nos maquillages, la musique et les paroles sont ce que nous représentons. C’est le groupe. Je crois que j’étais encore plus concentré sur ce fait pour cet album. Dès les répétitions ensemble, on avait de bons riffs bien sombres, on a tout de suite compris que cet album serait un concentré de violence, intense. Je voulais que les paroles soit violentes et sinistres. C’était de cette manière que je voulais que cela se passe. On n’avait pas envie de changer et essayer de faire quelque chose de nouveau. On voulait juste produire ce qu’on sait faire de mieux et que l’on ressente les choses les plus « evil » à l’intérieur et c’est ce que nous avons fait. (Rires)
Lionel : C’est donc un concept album sur ce que vous savez faire de mieux, c'est-à-dire votre propre musique ?
Demonaz : Je crois qu’il ressemble plus à un concept album au niveau de l’écriture. On n’avait pas fait un plan en fin de compte. Ça devient un concept quand d’une façon on arrive à la fin et que l’album est terminé.
Lionel : Donc au début vous n’aviez pas d’idée préconçue quant au contenu de l’album ?
Demonaz : On a toujours quelque chose en tête. Les plans changent au rythme qu’évolue l’écriture des titres. Tu dois d’abord trouver les noms des titres par rapport aux paroles. D’abord on fait la musique, ensuite les paroles arrivent.
Lionel : Une sorte de retour aux sources ?
Demonaz : Oui dans un sens. Bon d’un côté on ne s’est pas dit « Bon allons-y retournons aux racines… » C’est venu de plus en plus…
Lionel : … inconsciemment de votre part…
Demonaz : … Oui de plus en plus comme ça…
Lionel : Est-ce que cela a été long de trouver du nouveau matériel ?
Demonaz : Non ce n’était pas très long. C’est seulement long d’écrire une bonne chanson et d’en être totalement satisfait. Tu as plein de choses en tête. Tu te dis qu’il faut que tu fasses un album encore meilleur que ceux que tu as fait avant. Ensuite il y a le moment où il faut trouver les bons riffs, écrire les textes prend aussi beaucoup de temps. Ensuite la partie où il faut répéter est assez longue, la pré-production prend du temps et ensuite aller en studio prend du temps aussi. Pour les gens de l’extérieur je comprends qu’ils puissent penser que cela est très long. Pour nous ce n’est pas tout à fait pareil.
Lionel : Quand avez-vous commencé à travailler ?
Demonaz : En 2015. A la fin de l’année 2015.
Lionel : Pour toi Demonaz tu as travaillé sur la musique et les paroles où avez vous travaillé ensemble avec Horgh ?
Demonaz : Je me suis occupé de l’ensemble, des riffs aux paroles. Ensuite on a vu ce qu’on pouvait en faire, on a joué et on a avancé comme ça, titre après titre pour aboutir à un album à la fin.
Lionel : Quel a été votre moment préféré dans ce processus ?
Demonaz : Les moments où on était ensemble assis à jouer les riffs et voir les idées prendre vie d’une certaine façon. Mais bon, il y a eu tellement de bons moments. Quand tu réalises comment les titres vont évoluer est aussi l’un des meilleurs moments. Quand tu te rends comptes que tu arrives à la fin de l’album d’une certaine façon ce n’est pas mal non plus. (rires)
Horgh : on voulait aussi au début travailler sur des morceaux rapides. D’ailleurs notre premier titre que l’on a fait a été « Northern Chaos Gods ».
Lionel : L’album est composé de huit titres qui au fur et à mesure de l’écoute deviennent de plus en plus sombres pour terminer sur « Mighty Ravendark ». Vous vous êtes aussi inspiré par la nature qui vous entoure ?
Demonaz : Il ne faut pas oublier qu’une part de mon inspiration quand je joue de la guitare vient de ce qui m’entoure et la nature en fait partie. Avant d’arriver chez toi pour jouer de la guitare tu as le temps de développer ton idée de riff. La nature veut dire beaucoup pour moi.
Lionel : Donc tu es le genre de mec à t’isoler au milieu de nulle part dans une montagne norvégienne pour y puiser ton inspiration ou est-ce seulement un mythe ?
Demonaz : Non c’est vrai !
Lionel : Dans un chalet ?
Demonaz : Je ne vis pas dans les montagnes. Mais parfois j’aime partir en randonnée pour une ou deux journées, mais pas toutes les semaines non plus. Là où j’habite c’est à une heure de marche des montagnes.
Lionel : C’est donc facile…
Demonaz : Oui c’est comme ici! (rire général car on est en plein Paris pour l’interview NDLR). Et la montagne pour toi c’est la Tour Eiffel…
Lionel: Tu a besoin d’être en osmose pour composer ou non?
Demonaz : Je compose tout le temps. (il mime le guitariste en train d’envoyer des riffs NDLR). Si tu as un break pendant lequel tu n’en fait pas lorsque tu te remets à jouer tu dois t’appliquer et jouer deux fois plus. C’est comme ça et quand tu joues de la guitare tu as toujours de nouveaux riffs qui trottent dans ta tête. Tu ne t’assois pas non plus pour jouer le même riff non plus.
Lionel : Etait ce encore plus facile de travailler avec Peter Tägtgren, producteur et bassiste sur l’album (il a aussi produit At The Heart Of Winter, Damned In Black, Sons of Northern Darkness et All Shall Fall)?
Horgh : Ce coup si c’était une osmose parfaite. J’ai enregistré mes parties de batterie la deuxième semaine de janvier 2017. Ensuite il nous a proposé de jouer les parties de basse sur l’album. C’est un bon musicien, il sait exactement ce que l’on veut. Il gère très bien son rôle de producteur. C’était juste parfait pour nous. On en a été très satisfait.
Lionel : Après une aussi longue carrière comment voyez-vous le monde ?
Demonaz : Le monde ? Je trouve qu’il a énormément changé. On reste quand même un peu replié sur nous même quand on répète. Le monde c’est quand on sort, un peu comme aujourd’hui (rires). On a notre monde à nous et il s’appelle Blashyrkh (rires), nos salles de repet’,… et quand on sort de tout ça on se dit « What the fu** ? »
Lionel : Avec ton CV, tu dois avoir un certain regard sur la scène black metal actuelle ?
Demonaz : (Silence et soupir) Existe-t-elle actuellement ?
Lionel : Je ne sais pas… Tu faisais partie des premiers quand même. Non ?
Demonaz : Je crois que j’en sais moins que toi. Parfois j’essaye d’écouter ce qu’il se passe pour voir à quoi ça ressemble.
Lionel : Pour toi il n’y a pas de progrès, pas de créativité ? C’est fini ?
Demonaz : C’est assez difficile d’être inspiré ou de juger d’une certaine manière. Et puis faire un album de nos jours a aussi changé. Ce n’est pas pareil qu’il y a quelques années. Peut être que la volonté ou la façon de l’aborder est différente qu’à l’époque où on était jeune.
Lionel : Beaucoup plus de business de nos jours ?
Demonaz : Oui, avant on jouait sans se poser trop de question avec ce qu’on avait sous la main, maintenant tout est accessible. Le mystique est parti. C’est difficile de respirer de la même manière.
Lionel: Où en est ta tendinite ?
Demonaz : J’ai toujours des problèmes. En 2012, j’ai subi une opération chirurgicale. Ils ont trouvé des déchirures dans le muscle de mon bras. Ils m’ont donc opéré à deux endroits différents pour que les liens de mon bras puissent se refaire. J’ai fait de la rééducation pendant une année. Ca va mieux et j’ai récupéré 90% de mes capacités. Ca va mieux maintenant. Mais j’ai quand même été quatre à six mois sans jouer de guitare. C’était très, très, très… difficile.
Lionel : Est-ce que tu vas pouvoir retourner bientôt sur scène ?
Demonaz : Le plan est que je retourne sur scène… mais tout d’abord avec une bouteille à la main.
Lionel : Pas de guitare?
Demonaz : Non !
Lionel : Donc vous n’avez pas de plan pour un show en live?
Demonaz : Tu sais mec on avance pas à pas, on a fait l’album, puis on fait la promotion ensuite on rentre à la maison. Ensuite cet été on va répéter. Donc la prochaine étape sera le live. Mais on ne peut rien en dire encore. On n’a pas tout planifié. On est donc au milieu du processus pour le moment. Mais t’inquiète on va penser à tout.
Lionel : Et puis il vous faudra trouver un autre musicien sur scène…
Demonaz : (rires) C’est clair que l’on ne peut pas faire tout, tout seul…on ne peut pas jouer tous les instruments !
Lionel : Qu’aurais tu aimé savoir avant de commencer Immortal ?
Demonaz : Je ne sais pas vraiment. On a appris par nous même. Tout ce qu’on savait c’est qu’on voulait jouer dans un groupe. C’est tout. Ça a beaucoup changé. A notre époque il y avait les LPs, EPs, cassettes, maintenant c’est plus digital et la façon de promouvoir la musique a elle aussi changé. Il y a de nouvelles méthodes pour sortir un album. De la même manière, la façon de découvrir les groupes a changé par rapport à l’époque où l’on était jeune. Comment on faisait pour découvrir les labels punks ou indépendants qui avaient de nouvelles sorties tout le temps? Maintenant les majors font la même chose. Peut-être qu’on aurait aimé savoir tout ça. Mais cela n’aurait pas changé grand-chose nous concernant en temps que musiciens. Bon, le futur est comme ça, bon bah allons-y !
Lionel : Te souviens-tu de ton dernier rêve ?
Demonaz : (silence) Oui ! (rires) j’étais enfermé dans une cave c’était un peu comme… (rire général) non mais c’est vrai je ne plaisante pas…
Lionel : Et toi Orgh ?
Orgh : Non rien du tout…
Lionel : Peut-être un cauchemar … (rires) Êtes-vous encore en contact avec Abbath ?
Demonaz : Non ! On n’a aucun contact.
Lionel : Est-il difficile après tant d’année de trouver de bonnes paroles ?
Demonaz : Bon, oui, d’une certaine manière oui. Mais d’une autre manière, tu es plus réfléchi. Mais c’est plus difficile. Parce que même si tu ne veux pas te répéter, même si tu veux prendre les meilleurs éléments. Si tu veux être à 100%, c’est aussi difficile avec la musique de ne pas répéter des choses qu’on aurait faites sur notre dernier album. On ne se focalise pas sur les paroles comme ça. On veut seulement essayer de voir si les choses fonctionnent bien ensemble. On veut avoir la vraie atmosphère, la vraie émotion, faire que cela serve la musique. Et parfois tu dois faire des paroles plus faciles plus légères sur un titre parce qu’elles s’intègrent bien et parfois sur un autre tu en écris des plus compliqués plus profondes.
Lionel : Penses-tu que le Mighty Ravendark est fière de vous ?
Demonaz : (rire général) Oui, d’une certaine manière. Mais quelle étrange question (rires). Je pense que le titre est un retour aux choses dont nous parlions avant. C’est clair que cela ne fait pas référence à d’autres groupes.
Lionel: Penses-tu réaliser un successeur à ton album solo March of the North ?
Demonaz : Oui dès que les titres seront terminés.
Lionel : Peux-tu me définir en un mot ce qu’est Immortal aujourd’hui ?
Demonaz : Je pense qu’on est plus furieux musicalement et ce depuis très longtemps. On est pressé d’en découdre. On veut aller plus loin. On veut sentir la puissance, garder la flamme et faire le mieux pour le groupe. Et c’est pour cela que l’on n’a jamais abandonné.
Lionel : Un dernier mot…
Demonaz : Restez avec nous, les fans français ont toujours été importants.C’est toujours sympa de venir en France…
Lionel : … comme la première fois à l’époque du Gibus ?
Demonaz : Oui je m’en souviens très bien, j’ai encore des photos à la maison.