À l’heure d’un revival thrash metal qui sent bon la sueur, le mosh et les années 80, les jeunes qui se décident à suivre les traces des Slayer, Anthrax et bien sûr Metallica sont légion. Mais cette renaissance soudaine du style donne aussi des idées à des anciens, résolus à rejouer de cette musique à la fois incisive, violente et mélodique. C’est typiquement là le cas des Canadiens d’Infrared qui, après une unique démo en 1986, ont attendu 30 ans pour ressortir les instruments du garage et livrer l'excellent No Peace en 2016.
Les voilà de retour, non pas après 30 ans de gestation, mais seulement deux (2018 moins 2016 = deux, pas trente, c’est pourtant simple) pour accoucher d’un nouveau disque au doux nom de Saviours.
Et dès la première piste, nous sommes projetés dans les années 80. Intro lourde caractéristique à Anthrax, tempo binaire assénée avec la délicatesse d’un panzer sur des genoux fragiles et Infrared lance son album avec "Project Karma". Et dire qu’on est en terrain connu est un euphémisme tant chaque élément se rapporte aux groupes cultes de la Bay Area. Basse et rythmique groovy qui vous collent au mur, hurlements scandés avec apport de back vocals qui donnent envie de sauter dans une fosse, ici pas d’erreur possible... Le groupe a beaucoup trop écouté les groupes du Big 4 et surtout les albums Spreading the Disease et Among the Living pour que cela passe inaperçu.
En plus de tout cela, ce n’est pas le chant d’Armin Kamal qui ôtera le rappel à Anthrax, tant sa manière de poser sa voix se rapproche d'un mix entre Joey Belladonna et Chuck Billy. Alors bon, on a compris que l’album suinte le thrash et le crossover des années 80, et surtout Anthrax, mais y-a-t-il autre chose à retenir ?
Eh bien oui ! Déjà le single "All In Favour", qui est typiquement la définition même de ce que doit être un bon morceau de thrash. Rythmique saccadée à trois mille à l’heure, grosse caisse fracassée par la double pédale, refrain simple qui se colle dans votre crâne, cette chanson est le meilleur moment du disque. Le reste, en deçà, n’est heureusement pas à jeter. Que ce soit la furieuse "Genocide Convention" qui rappelle les débuts de Testament, la lourdeur de "Saviour" ou encore "They Kill for Gods" qu’on croirait sortie d’And Justice for All, les qualités transpirent par tous les pores du disque.
Alors, au final, peut-on en vouloir à Infrared de ne livrer qu’un bon album, peu original mais immédiat, et de perpétuer l’héritage d’un thrash metal bloqué dans les années 80 ? La réponse est non, tant le plaisir et l’envie se dégagent de Saviours qui, même s’il ne laisse pas un goût inoubliable, remplira la panse de tout amateur en recherche de nouvelles chansons pour secouer la tête.
Bien loin derrière les jeunes figures de proue que peuvent être Power Trip, Municipal Waste, Angelus Apatrida ou encore Evil Invaders, Saviours est juste un album de thrash sympathique. Infrared a simplement décidé de sauter dans sa Delorean et de retourner 30 ans en arrière afin de nous faire vivre une époque où le thrash pullulait sur le continent nord-américain. Et entre nous, si vous êtes amateurs, ce n’est pas un mal, bien au contraire !
Sortie le 25 mai 2018