Dorian Sorriaux, le guitariste de Blues Pills nous présente sont projet solo

Dorian SORRIAUX, guitariste de Blues Pills, a sorti son premier EP solo Hungry Ghost, le 29 juin.

Nous avons eu la chance de pouvoir l’interviewer au sujet de ce nouveau projet où l’on peut découvrir sa voix, des mélodies et des textes très personnels.

Tout d’abord, pourquoi cette envie de projet solo ? Avais-tu envie de chanter depuis longtemps ?

Dorian : Ça fait déjà pas mal d’années que j’aime beaucoup la musique plus folk, plus acoustique. Et du coup, c’est assez naturellement que j’ai commencé à composer des morceaux de ce style-là, et où aussi je chantais. Mais je ne savais pas encore si je voulais le partager avec d’autres personnes, ou si je voulais jouer ça en live. Mais quand on a décidé de prendre cette année 2018 sans faire de tournée avec Blues Pills, je me suis dit que c’était le moment parfait de commencer le projet solo, et puis de me focaliser un peu plus sur ça. J’ai toujours chanté, mais c’est plus récemment que j’ai commencé à m’exprimer par ce biais-là musicalement parlant.

Tu disais que t’avais envie de te rapprocher du style folk des années 60, 70. Pour toi quelles sont tes inspirations ? et qu’aimes-tu particulièrement dans la musique de cette époque ?

Dorian : Mes inspirations … eh bien dans les plus connues il y a Neil Young, Van Morisson, Bob Dylan ; et pour les moins connus John Martin, Nick Drake. J’ai pas mal recherché ce que se faisait en folk dans les années 60, 70, dans des pays différents, et les choses moins connues. Et je suis tombé sur des albums que j’adore et qui ne sont pas très connus.
 


Et as-tu des inspirations parmi les groupes français des années 60, 70 ou pas du tout ?

Dorian : J’aime bien les débuts de Michel Polnareff. J’aime bien ses premiers albums. Je ne connais pas trop d’artistes français de ces années-là. J’ai écouté aussi pas mal de folk breton vu que ce sont mes origines. Je ne sais pas si tu connais Alan Stivell ou Dan Ar Braz. J’aime beaucoup leurs albums jusque mi-70. Au final, ils amenaient aussi leurs versions de tout ce qui est rock psychédélique de ces années-là dans la musique celtique, ce qui est assez intéressant. J’aime beaucoup piocher dans le folk de tous les pays.

Il y avait aussi pas mal de femmes en France qui ont fait des albums de folk et de rock psychédélique, comme Mama Béa Tiekelski, ou Catherine Ribero et Alpes.

Dorian : Je ne connais pas la première mais l’autre me dit quelque chose. Mais j’irai écouter.

Si nous revenons à ton EP. J’imagine que comme tout bon album folk qui se respecte, il y a un message à faire passer grâce aux paroles. Quel est ce message ? Et qu’est-ce qui t’a inspiré ?

Dorian : Ce sont des émotions, des expériences. Dans les paroles je reste assez vague. Je n’aime pas dire explicitement et directement d’où ça vient. J’aime bien laisser aux personnes leurs propres interprétations. Mais il y a un morceau, le troisième, ‘’Need to Love’’ que j’ai composé après avoir rencontré des junkies, des personnes qui faisaient vraiment des choses destructives. Ça m’a inspiré pour écrire ce morceau. Donc, ça peut venir des expériences que j’ai vécues, des choses que j’ai vues moi-même, de personnes que j’ai rencontrées, et ça tourne quand même pas mal autour de la souffrance humaine sans que ce soit trop direct. C’est inspiré de tout ça, sans que ce soit trop déprimant, j’espère. Mais je me suis rendu compte après avoir enregistré l’album que ce sont des morceaux qui peuvent être un peu sombres. Mais j’aime bien ça aussi. C’est la manière dont je m’exprime. Il y a une certaine mélancolie.

Et le titre Hungry Ghost, d’où vient-il ?

Dorian : Ben ça vient un peu de la même idée. J’ai lu un livre du Docteur Gabor Maté où il parle de cet ‘’Hungry Ghost’’. Pour lui, ce sont les désirs qu’on a. Il pense que nous avons besoin de choses qui sont en-dehors de nous. Par exemple, avoir besoin de tant d’argent ou de telle ou telle chose. En gros, qu’on a besoin de quelque chose d’extérieur à nous-mêmes pour être heureux. Mais cela peut vite devenir une souffrance ou une échappatoire et pas quelque chose de positif au final. J’ai l’impression de parler comme un Gourou maintenant ! C’est un peu philosophique dans la façon dont moi j’ai interprété la chose.

Et, est-ce que ce titre et sa provenance ont quelque chose à voir avec l’artwork que tu as choisi pour ton EP ? C’est un collage sur lequel on peut voir plusieurs représentations de figures religieuses différentes. Est-ce que c’est une façon de représenter la religion comme une échappatoire ?

Dorian : Ahah ! Bonne question ! Disons que j’ai toujours adoré ce collage depuis la première fois où je l’ai vu il y a plusieurs années. J’avais vraiment envie de l’avoir. Et je ne crois pas en une seule religion particulière, mais je ne crois pas en rien non plus. Pour moi, ma religion, si j’en ai une, c’est la musique. Je me rappelle d’une personne qui avait commenté l’artwork en disant qu’il n’aimait pas tout ce qui était religieux sur la pochette. Mais personnellement, ça ne me dérangé. Et pour moi, c’est lié dans le sens où la créativité est une façon de s’exprimer où tout n’est pas cartésien ou descriptif. Au final, ce sont plus des ressentis et des émotions, des choses que j’essaye de faire partager à travers la musique. C’est ma démarche la plus ‘’religieuse’’ d’une certaine manière. Mais ça n’a rien à voir avec une religion prédéfinie. Pour moi, la créativité est plus religieuse que tout livre qui nous dicterait la marche à suivre.
 


Au niveau de la création de cet album, avais-tu déjà écrit ces chansons depuis longtemps ?

Dorian : Non, en fait, j’en ai parlé avec Zach Anderson, le bassiste de Blues Pills, qui a produit l’EP. On en a parlé l’été dernier quand on était en tournée. C’est parti un peu d’une blague comme quoi il allait enregistrer mon projet solo. On échangeait les guitares et il m’a dit « Ben tu peux prendre cette guitare, et moi j’enregistrerai ton projet solo. » et je lui ai dit « Ben ouais, faisons ça. » Je dois dire, que ça me trottait aussi dans l’esprit et les mois qui ont suivi, j’ai composé tout l’EP et je l’ai enregistré en décembre. Mais sans vraiment le vouloir. J’avais déjà des morceaux que j’avais composés. Je m’étais dit que j’allais en sélectionner quatre et au final j’en ai écrit quatre autres pas longtemps avant l’enregistrement. Ça a gardé les choses un peu plus spontanées. Je n’aime pas garder les morceaux trop longtemps.

Tu as donc enregistré cet album avec Zach Anderson de Blues Pills ? Est-ce que les autres membres du groupe t’ont soutenu et encouragé à prendre ton envol pour ce projet solo ?

Dorian : Oui, oui. Ils m’ont encouragé. Ça fait me faisait un peu peur de prendre mon envol. Ça fait toujours peur de faire quelque chose de nouveau et de s’exprimer différemment. Surtout que c’est plus personnel comme musique. Mais oui, je me suis senti soutenu. Et pour eux, c’était comme si c’était naturel. Ça ne les a pas choqués. Il n’y a pas eu de « Ah bon, tu vas faire ça ?! ».

Et y aura-t-il d’autres projets avec Blues Pills plus tard ?

Dorian : Oui bien sûr. Nous jouons toujours ensemble. Le projet solo n’enlève rien à Blues Pills. Au contraire, d’un point de vue créatif, l’un aide l’autre, je trouve.

Et personnellement, est-ce que ce projet solo t’a donné envie de continuer tout seul ?

Dorian : Ouais ! Je ne pense que c’est juste une phase. Je ne pense pas que je vais sortir seulement un EP et puis après c’est fini. Enfin, on ne sait jamais. Mais j’ai déjà un album qui est composé. J’ai vraiment envie de sortir plus qu’un EP. J’aimerais pouvoir faire les deux. Je ne pense pas que nous allons tourner trop intensivement avec Blues Pills. Mais on ne sait jamais, il suffit de sortir un album pour que les grosses tournées s’enchaînent massivement sans qu’on s’en rende compte. Mais j’aimerais bien pouvoir faire quelques semaines en tournée avec Blues Pills et puis après, continuer mon projet solo.

Ce projet solo t’a-t-il apporté quelque chose personnellement et musicalement parlant ?

Dorian : Oui, tellement de choses ! Tous les jours, ça m’apporte quelque chose. En fait, c’est quelque chose que je voulais, mais c’est quelque chose que je ne faisais pas. Je ne prenais pas les initiatives qui étaient en accord avec mes désirs. Et quand tu vis comme ça, ça peut développer une certaine frustration car tu ne fais jamais les actions qui pourraient t’amener là où tu le désires. Et même si je fais beaucoup de musique, et que c’est mon métier, il y a une partie de moi qui était frustrée créativement parlant, car je savais qu’il y avait une partie de moi que je n’exprimais pas complètement. Et cela m’a vraiment apporté quelque chose, car c’est quand tu commences à exprimer des choses sans peur et à enlever cette frustration que tout se débloque dans ta vie personnelle. T’es plus heureux, plus épanoui car il n’y a plus ces barrières que tu te mets à toi-même. Personne ne m’a jamais empêché de faire quoi que ce soit. C’était moi de prendre les décisions et les bonnes décisions pour m’amener à faire ce que je voulais musicalement parlant. Et de manière plus terre à terre, business, etc. J’ai aussi plus de chose à gérer qu’avec Blues Pills. Du coup, j’en apprends beaucoup à ce niveau là aussi. J’apprends à organiser les tournées, tout ça…
 


Et du coup, est-ce que tu vas tourner beaucoup pour ton projet solo ?

Dorian : Dans les mois à venir oui. Je vais tourner tout le mois de juillet en première partie de Miles Kennedy de Alter Bridge. Et après, en septembre. Ce sera ma première tournée en tête d’affiche en solo. C’est un nouveau challenge aussi à ce niveau-là. Et j’aimerais pouvoir continuer à tourner. J’aime bien jouer sur scène.

Et tu l’appréhendes comment de jouer ton projet solo ?

Dorian : Je l’ai déjà fait. J’ai déjà fait pas mal de petits concerts. Dès que je me suis lancé j’ai joué pas mal de concerts pour m’habituer à jouer et chanter sur scène seul. Et là je suis plus nerveux avant de monter sur scène, mais sur scène je suis plus détendu. Je suis à l’aise. Et j’aime bien cette expérience car elle est différente. Quand je sors des concerts solos je suis très détendu, donc c’est bon signe. Mais des fois, j’ai quand même un peu l’impression de lire mon journal intime devant un public pendant une heure ! C’est différent, mais j’apprécie beaucoup de le faire.

Une question plus personnelle. Peux-tu choisir un seul mot pour définir ta musique, ce qu’elle est pour toi ? Et dire pourquoi tu as choisi ce mot.

Dorian : Le seul mot qui m’est venu directement à l’esprit, n’est peut-être pas le bon, mais il doit y avoir une logique. On va dire TRANSE, car souvent on entend des artistes dire que quand ils font tel ou tel solo de guitare, c’est comme s’ils étaient en transe, dans une certaine transcendance musicale. C’est ce à quoi j’a pensé. Pour moi, il y a une certaine connexion. On parlait de religion tout à l’heure et pour moi ça pourrait être transcendance ou tout simplement se connecter à quelque chose qui n’est pas lié au mental, qui ne viendrait pas de la partie de moi dont je me sers pour résoudre une équation, mais de la partie de moi qui est émotionnelle, qui est artistique. Je ne sais pas si c’est le bon mot, mais c’est ce qui m’est venu. Ce n’est pas facile à exprimer en un mot. En plus, je ne sais pas trop comment les gens pourront interpréter ce que je viens de dire.

J’ai beau réfléchir, je ne trouve pas d’autre mot… Pour moi, ma musique me permet de me ressourcer. Je pourrais aussi dire RESSOURCEMENT, ou pour combiner les deux RESSOURCEMENT TRANSCENDANTAL (rire). Même si le ressenti du public est important par rapport à ma musique, le mien l’est également.

Et du coup, comme tu as déjà joué ton projet solo devant un public, quel a été son ressenti d’après toi ?

Dorian : Bien. Je n’ai pas eu de mauvais concert. C’est différent, c’est plus calme. Mais j’ai eu que du bon. Je me suis senti soutenu. Ce n’est que mieux quand c’est comme ça.

 

Interview: Eloïse Morisse



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