En les quittant après un concert magistral au Backstage en octobre dernier, on n’imaginait pas revoir les Japonais de Crystal Lake de sitôt. Et pourtant, les voilà de retour en tête d’affiche pour cette tournée française de quatre dates ! Un signe que l’intensité des lives du groupe commence à être connue chez nous et ce concert au Petit Bain va une nouvelle fois le conforter facilement.
Cette fois, Alternative Live est parvenu à caler le groupe avec un plateau sympathique : Oceans Ate Alaska, Kingdom Of Giants et Shields. La chaleur est intense en ce début juillet et les quatre formations metalcore ne comptent pas refroidir l’atmosphère.
Shields
La charge émotionnelle la plus grande ce soir est du côté de Shields qui ouvre la soirée. Les Anglais ont perdu brutalement leur guitariste il y a peu et après avoir essayé de continuer quelques temps, ils ont décidé de jeter l’éponge la douleur étant trop forte. Quatre dates à peine hors de l’Angleterre pour cette tournée d’adieu et Paris aura la chance d’en faire partie et de voir le groupe une dernière fois.
Le son est malheureusement assez mauvais surtout pour la guitare globalement pas assez audible. Le public se chauffe doucement au rythme du metalcore de Shields, sorte d’hybride allant piocher à la fois dans des passages emos à la blessthefall et dans les riffs dissonnants typiques du djent. Le gros point noir c’est le chant de Joe Edwards, très loin d’être convaincant. Le frontman moustachu n’y arrive pas en ce début de soirée et heureusement que le guitariste Sam Kubrick peut proposer une alternative crédible au chant. Un jour sans peut toujours arriver, dommage qu’il survienne pour la dernière en France.
L’ambiance est assez bonne et elle va encore se réchauffer lorsque Ryo de Crystal Lake débarque en featuring sur une chanson. Malheureusement, le micro du frontman japonais n’est pas branché et il se démène dans le vide ! Plus tard, c’est Maarten Jansen chanteur de Strains qui débarque pour aider les Anglais.
Les breakdowns de Shields sont plutôt sympathiques mais restent assez génériques. Pour le dernier titre, Joe s’empare d’un drapeau français et le groupe s’éclipse, non sans émotion. Malheureusement ils n’auront pas réussi à nous convaincre complètement.
Kingdom Of Giants
Deuxième sur cette affiche, Kingdom Of Giants ne sont pas des inconnus à Paris puisque les Américains sont déjà venus en tête d’affiche en 2016. On sent que quelques personnes dans la fosse sont familières du combo et ce dernier a décidé de frapper fort en ouvrant avec son titre le plus connu : « Damaged Goods ».
Visiblement ce choix est payant et la foule réagit bien aux invectives de Dana Willlax. Rien d’extravagant musicalement, on reste dans un metalcore des plus classiques, un peu trop calibré pour le marché américain. Il faut avouer qu’en studio la musique de KoG est assez générique mais en live ce fait est bien moins gênant. La présence scénique des cinq garçons est très bonne et les musiciens sont carrés, sans extravagance.
Les parties en tapping à la guitare viennent ajouter une touche d’originalité au metalcore du combo et l’ambiance monte encore d’un cran dans la salle avec l’arrivée du premier stagediver, loin d’être le dernier de la soirée. Le bassiste se charge du chant clair et fait un joli travail.
Sans rester dans les mémoires comme un groupe particulièrement original, Kingdom of Giants aura fait le boulot ce soir, tout ce qu’on attend d’une première partie de qualité.
Oceans Ate Alaska
Oceans Ate Alaska pourrait sans doute prétendre au statut de tête d’affiche ce soir. Depuis leurs débuts, ils se sont forgés une solide réputation dans la scène prog/djent notamment grâce au groove de leur batteur Chris Turner et une partie du public du Petit Bain est clairement venue pour eux. Leur présence ici fait sens après tout, puisque Hikari le nouvel album est très inspiré par l’univers folklorique japonais. Jake Noakes le frontman le dit d’ailleurs rapidement, ils sont très contents de jouer avec leurs amis de Crystal Lake aujourd’hui.
Comme pour le groupe précédent, les chansons live passent beaucoup mieux qu’en studio. Le chant clair assez agaçant est un peu moins présent même si les fréquences basses prennent un peu trop de place dans le mix. Les musiciens sont talentueux et les plans qu’ils jouent sont impressionnant, à commencer par le batteur parfaitement à l’aise dans une polyrythmie des plus folles. Mais contrairement à des groupes comme Erra ou même Animals As Leaders où cette technicité est mise au service des compos, ici on a l’impression que tout tourne dans le vide avec des compositions sans véritable but.
Sans être mauvaise langue, les Anglais ont tout de même quelques tubes comme « Blood Brothers » ou « Hansha ». La cover de « Drunk in Love » de Beyoncé sortie du fameux Punk Goes Pop est assez anecdotique mais fait tout de même sourire. L’ambiance dans la fosse est excellente et les slammeurs déferlent vers la scène, accueillis avec le sourire par Jake. L’un des moments les plus marquants du set survient d’ailleurs lorsqu’un slammeur arrive sur scène et chante tranquillement un couplet entier dans un chant clair bien meilleur que celui du frontman !
On finit tout de même un peu par s’ennuyer devant ce set qui tire en longueur. Certes, Oceans Ate Alaska a quelques bonnes compositions et les musiciens ont tous une technicité redoutable, mais impossible de ressentir ce feeling qui permettrait au concert de décoller. A voir comment les Anglais encore jeunes peuvent évoluer par la suite.
Crystal Lake
Crystal Lake a visiblement aimé Paris lors de son dernier passage, au point de passer deux fois en quatre jours à la Capitale sur cette nouvelle tournée. Le concert d’aujourd’hui sera en effet complété par un showcase à la Japan Expo dans quatre jours. Pour l’heure, le groupe prend d’assaut la scène du Petit Bain et c’est un peu comme si on ne les avait jamais quittés. Comme en octobre au Backstage, « Prometheus » et « Matrix » ouvrent le set et on en prend déjà plein les yeux et les oreilles. La présence scénique des Japonais n’a pas changé et même si l’effet de surprise n’est plus là, on se prend de plein fouet la déferlante metalcore de l’un des tous meilleurs combos du style.
Pour mener tout ça, le frontman Ryo Kinoshita en impose avec un coffre hallucinant. Avec son tout petit gabarit, on ne l’imagine pas sortir un growl aussi maitrisé et c’est pourtant bien ce qui se passe. On sent l’expérience du groupe rôdé ayant enchaîné les dates sans pauses dans des grandes salles au Japon depuis quelques années. Mais Ryo semble apprécier la proximité avec le public parisien, se mêlant au premier rang en permanence et s’autorisant même un stage dive sur « Matrix ».
Bitoku, le bassiste habituel est resté au Japon pour des dates avec son projet Sailing Before the Wind et c’est Mitsuru, bassiste officiant normalement dans Kiba Of Akiba qui le remplace. En dehors de ça, les musiciens sont toujours les mêmes, toujours aussi impressionnants à l’image du batteur Gaku Taura, véritable showman au groove assez exceptionnel.
Face à autant d’énergie, le public parisien offre un accueil royal à Crystal Lake. Le moshpit s’active au rythme des invectives de Ryo, enchaînant wall of deaths et circle pits. Les stagedives s’enchaînent du début à la fin du concert, profitant d’un Petit Bain se prêtant parfaitement à l’exercice. Il fait très chaud dans la salle parisienne mais on reste dans la limite du supportable, rien à voir avec le concert de la veille à Lyon où la chaleur obligeait le groupe à faire de longues pauses entre les titres.
Les quelques changements dans la setlist par rapport au concert du Backstage font plaisir à entendre, notamment un « Mercury » propice aux sing-alongs. « Machina », la chanson la plus brutale du concert permet d’observer les riffs hallucinants joués par Shinya et Yudai pendant que le blast beat de Gaku retourne les têtes de tout le monde.
Car effectivement, lorsque Crystal Lake joue des titres groovy et directs à la « Six Feet Under », le niveau technique des musiciens ne saute peut-être pas aux yeux. Mais il suffit de voir « Apollo » comprendre qu’on est face à du très solide. Pas mal de groupes auraient samplé des parties de ce morceau mais pas Crystal Lake et les deux guitares se répondant sur l’intro font tout simplement merveille. Ce genre de petits détails peut faire la différence entre un groupe lambda et un grand groupe, les Japonais faisant clairement partie de la deuxième catégorie.
Une nouvelle fois, le set est court, à peine 50 minutes de jeu et on ressent à peine la frustration tant la fatigue est présente après un concert aussi intense. On donne tout sur la doublette « Alpha » « Omega » pensant que la fin du concert nous attend. Mais surprise, le groupe en a encore dans le moteur et va nous lâcher un monstrueux « The Fire Inside » joué pour la toute première fois en Europe et contenant deux des breakdowns les plus sales jamais écrits. La foule prend sa dernière bouffée de mosh et de singalongs avant que tout se termine.
Crystal Lake est grand et Crystal Lake l’a encore prouvé de belle manière pour son deuxième passage à Paris en tête d’affiche. Malgré un set encore court, on a de nouveau un concert pouvant prétendre au concert de l’année après l’avoir déjà gagné en 2017. Et la flamme ne risque pas de s’éteindre de sitôt puisque comme confirmé par Ryo sur scène, le groupe sera de retour en fin d’année sur la tournée de Bury Tomorrow !
Setlist:
Prometheus
Matrix
Mercury
Six Feet Under
Rollin' (Limp Bizkit)
Machina
Apollo
Alpha
Omega
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The Fire Inside
Photos: Clara Griot 2018
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