Thy Majestie – ShiHuangDi

4 ans. C'est le temps qu'il aura fallu à la formation italienne Thy Majestie pour revenir sur le devant de la scène avec un nouveau brûlot, plutôt attendu de la part des fans de power metal. Non pas sans inquiétude, cependant. Petit rappel des faits : en 2005 débarquait le très bon Jeanne d'Arc (album racontant la vie de vous devinez qui), œuvre appréciée des fans, où certains hymnes du calibre de « Maiden of Steel » faisaient leur petit effet. Puis ensuite, le combo fait son retour. Mais là, ça divise. Car Dawn, en 2008, peut être considéré comme la pomme de la discorde. Portant pourtant bien son nom (l'aube d'une nouvelle ère en somme), le groupe muait : succédant à un power grandiloquent, le heavy symphonique fraîchement arrivé signait l'arrêt de mort pour les déçus. Bref, il faut à nouveau fédérer. Nouveau chanteur, nouvelle galette au nom très évocateur de ShiHuangDi (on respire l'Asie à plein nez), et nouvelle interrogations : album de la réconciliation ? Ou au moins de qualité ? Cet opus porte sur ses épaules certains espoirs, de la part des uns comme des autres.

Et autant dire qu'ils ne ramèneront peut-être pas les anciens fans. Car dans le style, le heavy symphonique / power est toujours de mise. Pas vraiment de prouesses qu'affectionnent les aficionados du power speed à claviers, ni de chant suraigu pour (percer les tympans / laisser ébahit devant une telle maîtrise, rayez la mention qui ne vous correspond pas). Bref, les détracteurs le resteront certainement, et des morceaux comme « Siblings of Titan » ne rameutera pas ces foules-là. Aucune nouveauté, ni pour le style, ni vraiment pour le combo italien lui-même. On se retrouve ainsi devant une musique assez classique, mais quelle plaisante banalité ! Oxymore gênant ? Pas vraiment, non. Car la formation reste, globalement, dans ce qu'elle sait faire. Le regret d'un manque flagrant de prise de risque ou de volonté de jouer hors des sentiers battus est compensé très rapidement par une exécution tout à fait digne, et une qualité de composition sur laquelle Thy Majestie n'a nullement à rougir. Face à moult concurrents qui peuplent ces plaines de bataille continuelle, les armes et arguments de ces cinq jeunes hommes ont de quoi terrasser plus d'un adversaire.

Car là où un Holy Knights jouait sur une musique rapide mais redondante assez rapidement et à la durée de vie limitée, leurs compatriotes ont une vision des choses plus posée, plus calme, ce qui ne veut pas dire qu'ils se limiteront dans les exploits guerriers. Preuve en est avec « Seven Reigns », excellent opener qui met en garde les uns comme les autres, donnant une idée de ce qui va suivre. Ou pas. Car le combo ne veut rien renouveler, mais préfère jouer la sécurité en allant se perdre sur tous les tableaux. De la typée power qui plaît à quelque chose de plus heavy, en passant par la mid-tempo musclée (« Walls of the Emperor », son break, son clavier ou encore « Farewell », voilà de quoi se régaler), tout y est. On retrouve également les solos obligatoires d'une guitare judicieusement employée, qui n'en fait pas trop, et nous fait le plaisir de ne pas s'exciter constamment pour, finalement, pas grand chose. Celle-ci est, généralement, plutôt mise en avant grâce à une excellente production, mais ne se fait pas trop cavalière. Elle reste bien à sa place, en rôle de pilier des mélodies, aux côtés d'un clavier suffisamment polyvalent pour accoucher d'ambiances fortes et prenantes.

C'est avec une recette aussi bien construite qu'on arrive à des pièces du calibre de « Walls of the Emperor » ou « Harbringer of a New Dawn ». Ces titres-là ne se ressemblent absolument pas, et tant mieux. Pourtant, le sceau de la formation y est toujours apposé, marqué par la qualité bien évidemment, mais également par un chant d'excellente tenue, la performance vocale d'Alessio Taormina restant presque impeccable de bout en bout. Ce chanteur colle parfaitement aux atmosphères des pistes, et le frontman, capable de moduler sa voix comme bon lui semble, est un réel caméléon passant entre les diverses sonorités. En somme, il est volontaire pour porter ce rôle de liant sur ses épaules, et ce fil d'Ariane vocal remplit sa mission avec brio. Si le seul reproche que l'on peut adresser à l'italien est un timbre légèrement passe-partout, loin d'être unique dans le genre, sa maîtrise, elle, en fait un vocaliste idéal pour apporter de l'osmose à Thy Majestie. Possédant assez d'espace d'expression pour nous emporter dans l'univers du groupe, loin d'être éclipsé par une guitare qui se veut reine de temps en temps, nul doute que l'avenir peut être fort prometteur avec un homme de tel charisme aux rennes.

Thy Majestie

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Des morceaux de qualité, en veux-tu en voilà. Point d'hymne à proprement parler, mais une homogénéité à prendre dans le bon sens du terme. Le reproche que l'on adressera à cet aspect sera, bien sûr, que rien ne paraîtra réellement renversant. Jamais les yeux ne resteront écarquillés des heures devant telle ou telle piste et sa perfection absolue, mais aucune mine de dégoût ne se dressera sur les visages des auditeurs. Thy Majestie préfère, ainsi, laisser place à une sécurité, en évitant de tomber dans la répétitivité, ou dans la banalité. Choix honorable, quand, non seulement, on doit rassembler à nouveaux des fans déçus, mais également présenter un vocaliste différent. Alors une piste comme « Farewell » fait plaisir à entendre au beau milieu de cet ensemble. Difficile de qualifier ce morceau de pierre angulaire du brûlot, mais il se dégage quelque chose de tout particulier dans ce titre à la composition solide et intelligente. La guitare et le clavier font, ensemble, un sacré boulot, ces deux complices étant vraiment les acteurs principaux de la réussite de ShiHuangDi. Mais c'est sans mentionner une voix enchanteresse sur un refrain merveilleux (même si demandant un petit temps d'assimilation). Un très bon morceau, qui n'est pas une réussite isolée.

A la vue du nom de la galette, on éprouvera une petite déception quant au manque de sonorités rappelant typiquement la Chine (la référence étant certainement faite à Qin Shi Huang, premier empereur de Chine). Ce qui peut paraître un détail sur le nom est presque une tromperie sur la marchandise. Sans aller aussi loin, cette idée aurait pu être tout à fait intéressante à exploiter. Pourquoi ? Car de telles ambiances ne sont pas monnaie courante dans le style, et voilà une formule qui aurait fait preuve d'audace, d'ambition. On en retrouve au début du titre « Ephemeral » et sur l'interlude « Huanghun » qui, ainsi, prend tout son sens, loin d'être aussi dispensable qu'elle pourrait l'être. Autre petite remarque négative ? Le titre concluant cet opus, « Requiem », un peu trop dépourvu de charme. Vulgaire ballade piano-voix sans intérêt, avec arrivée de guitare tombant comme un chien dans un jeu de quilles, et chant se voulant à fleur de peau mais à l'accompagnement ne prêtant pas à s'émouvoir. Fort dommage quand de très bonnes choses surviennent juste avant (on pense à « Ephemeral » et « End of the Days », la seconde faisant preuve d'une retenue mais qui accentue tout à fait l'ambiance recherchée). Le contraste bien amené entre les titres d'ouverture plus incisifs et mordants (« Seven Reigns » et « Harbringer of a New Dawn », éventail dans lequel « Ephemeral » trouve sa place) typés power, et les pièces plus heavy, fait de ShiHuangDi un brûlot à la fois diversifié, en proposant pour les goûts de chacun (peut-être pas assez pour les premiers). Mais, surtout, cet album regorge de très bonnes idées, et marque le retour d'un groupe en forme.

ShiHuangDi est triomphal, même si manquant, pour les raisons évoquées, du petit plus qui fera toute la différence. La galette se classe cependant nettement au-dessus du lot, et des sorties de ces jours-ci. La formation italienne a encore beaucoup de choses à nous dire, et nous démontre qu'elle possède des idées qu'elle va pouvoir exploiter dans l'avenir. Ce cinquième album est ce qu'il est, avec des défauts mais énormément de qualités, et nul doute qu'il surclasse de loin une concurrence qui ne rivalisera pas de talent pour rejoindre le rang de Thy Majestie. Les prometteurs Sound Storm ou Ancient Bards semblent déjà sur la bonne voie pour créer une nouvelle génération de noms à graver dans le panthéon du power, force est de constater qu'en dépit de leur ancienneté, Thy Majestie a le souhait d'être l'un d'eux. Et ils peuvent y arriver, c'est évident.

Note finale : 7,5/10

 

NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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